Quelle performance littéraire réussie par cet écrivain !
Rome, samedi 10 septembre 1960, 17h30. Dans 2 heures, 15 minutes et 16 centièmes, Abebe Bikila va remporter le marathon olympique. Vingt-quatre ans après la prise d'Addis Abeba par Mussolini, cet Éthiopien inconnu s'impose dans la capitale italienne face aux champions de la discipline. Ultime humiliation : il court pieds nus. Ce roman se glisse dans la tête d'Abebe Bikila, au rythme de sa foulée infatigable, telle une petite voix racontant comment grandissent les héros, comment se relèvent les peuples, comment se gagnent les revanches et comment naissent les légendes.
Quelle performance littéraire réussie par cet écrivain !
Un bel hommage de Sylvain Coher à l’Éthiopien Abebe Bikila qui remporta le marathon des JO de 1960, à Rome, pieds nus.
J'ai beaucoup aimé. Haletant et très bien écrit.
La victoire d'un ressortissant d'un pays d'Afrique noire dans une course de fond est tellement devenue la norme aujourd'hui, qu'il peut être difficile d'imaginer que jusqu'en 1960 aucun n'avait connu la gloire olympique.
Quand j'ai commencé ce roman, je ne savais pas si je le lirais en deux heures, quinze minutes et seize secondes, le temps que mit Abeke Bikila pour entrer dans la légende du sport le samedi 10 septembre 1960 à Rome, en remportant le marathon de la XVIIe olympiade de l'ère moderne.
Le coureur Éthiopien est le narrateur tout au long des quarante-deux kilomètres et cent quatre vingt quinze mètres du parcours dans la Ville Éternelle. C'est d'abord une visite guidée dans les rues de Rome, l'athlète connaissant parfaitement le circuit pour l'avoir repéré minutieusement avec son entraîneur pour prendre les points de repère nécessaires à la gestion de ses efforts – en 1960 les instruments électroniques communs de nos jours n'étant encore qu'une vue de l'esprit. C'est ensuite un aperçu de ce que fut la course elle-même, à travers les commentaires de l'Éthiopien qui permettent au lecteur d'apprécier la façon dont fut construite une victoire qui ne faisait aucun doute pour l'intéressé, dans la mesure où la stratégie envisagée était scrupuleusement respectée.
Abebe Bikila, dans la légendaire solitude du coureur de fond, laisse ses pensées vagabonder, vers sa femme surtout, qui doit suivre la course avec une petite radio achetée pour l'occasion, son entraîneur suédois qu'il appelle papa, son vrai père, son pays, son empereur, avec encore comme murmuré à son oreille par Haïlé Sélassié lui-même, « Vaincre à Rome, ce serait comme vaincre mille fois», replaçant la victoire d'un Éthiopien à Rome dans le lourd contexte du passé colonial de l'Italie en Abyssinie.
Ce sont des mots soufflés par l'auteur à l'athlète que l'on entend tout au long de ce roman, mais qui résonnent comme un témoignage touchant de ce que fut pour cet anonyme et frêle caporal ce moment qui allait marquer sa vie, surtout dans le regard des autres, du plus anecdotique - le fait de courir pieds nus par habitude et pour éviter les ampoules - au plus retentissant : l'entrée fracassante de l'Afrique noire dans l'histoire du sport olympique.
Au rythme de cinq kilomètres par chapitre – il y en a un plus court pour se recaler sur 42 km -, Abebe Bikila nous entraîne dans sa foulée vers la victoire, lui l'énième Africain à l'intention symbolique pour les spécialistes, se répétant comme un mantra « tchigri yellem » (il n'y a pas de problème), suivant des yeux le dossard 185 qui s'agite devant lui comme la seule inconnue dans sa feuille de route, sûr que la seule issue possible sera de passer la ligne d'arrivée en vainqueur après les derniers kilomètres sur une via Appia éclairée par des soldats italiens brandissant des torches, s'imaginant « corne d'Afrique fichée en écharde dans la botte italienne ».
L'écriture est tellement fluide, lyrique, aérienne comme la foulée du superbe Abebe Bikila, que j'ai fini ce livre aussi peu essoufflé que le coureur dont les efforts sont effacés par l'exploit, champion si fier d'avoir gagné « parce qu'un bon coureur est plus utile à son pays qu'un bon tirailleur. "
Comment écrire des situations que l’on n’a pas vécu et que l’on ne vivra jamais. C’est la force de l’écrivain. Sylvain Coher nous transporte dans le corps, l’esprit, l’âme d’un coureur de marathon. Pas n’importe lequel. Celui qui a remporté le marathon de Rome en 1960 et qui plus est pieds nus. Et Sylvain Coher n’a jamais mis une basket dehors. Performance :
https://blogs.letemps.ch/sebastien-beaujault/2020/01/31/cher-sylvain-coher/
En 1960, le marathonien Abebe Bikila décroche l’or aux Jeux Olympiques de Rome. La stupéfaction est générale : après 2h15 de course pieds nus, l’Ethiopien ne semble même pas marqué par l’effort, quand tous les favoris sont effondrés. Il est le premier athlète d'Afrique noire médaillé d'or olympique et devient un héros national dans son pays. Sa victoire à Rome-même revêt un aspect hautement symbolique, compte tenu du récent passé colonial de l’Italie en Ethiopie.
L’auteur s’est glissé dans la tête du champion pour en faire le narrateur de sa course, de bout en bout : un véritable marathon littéraire pour l’écrivain comme pour le lecteur, tant ce récit, qui se lit lui aussi en quelque deux heures et plus, impressionne par sa prouesse narrative. Les 176 pages ne parlent que de l’épreuve sportive elle-même, détaillant, quasi en temps réel, l’atmosphère de la compétition, son parcours, et la stratégie de ce coureur émouvant de modestie et de simplicité.
Il faut avouer que mon intérêt pour cette lecture a souvent peiné à se maintenir : truffé de références littéraires classiques, enrichi de quelques réflexions sur la portée historique de la victoire d’Abebe Bikila, le récit s’avère néanmoins monotone... comme un marathon. Je me suis essoufflée au fil de ce texte, magnifique mais très dense, juste entrecoupé par la voix répétitive du journaliste radio.
Hommage à un exploit sportif qui eut une véritable portée symbolique et historique pour l’Afrique, ce livre remarquablement bien écrit est lui-même une performance littéraire qui m’a plus révélé le talent de son auteur que réellement passionnée.
superbe histoire bravo champion
Dites, Sylvain Coher, quand est-ce qu’on arrive ? Avant même qu’il prenne le départ, le lecteur sait que la route sera longue. Parce qu’il n’y a pas de suspense : on connaît le destin du coureur Éthiopien Abebe Bikila. Parce qu’il n’y aura pas la surprise du sujet : l’héroïsme et le courage du coureur de fond ont été maintes fois abordés (les films « les chariots de feu », « Un enfant de Calabre » dont le petit héros admirait Bikia… d’ailleurs). Le seul intérêt du livre pouvait résider dans la qualité du style, le parti pris de la narration ou la personnalité extraordinaire du protagoniste. Et pour être sincère, ayant vécu deux ans à Rome… je suis donc curieuse de tout ce qui s’y rapporte. Sur le style, pas grand-chose à dire, c’est soigné, avec de très beaux passages décrivant les efforts de l’athlète, ou sa lutte acharnée contre son concurrent marocain. Sur la narration, il y a beaucoup à dire. L’auteur ayant décidé de faire parler le marathonien à la première personne, il a dû inventer un truc pour délivrer tout le fruit de ses recherches (notamment lors de son année à la Villa Médicis). Il choisit une « petite voix » qui fait des rappels historiques ou des apartés touristiques. Ça ne fonctionne pas toujours. Et puis il insiste un peu trop sur les éléments censés rythmer la foulée : répétition de phrase (« c’est comme ça), voix du speaker…Ensuite, les intentions de l’auteur son trop évidentes : dans le contexte de l’Italie de Salvini, rappeler que la victoire de 1960 était une revanche sur l’histoire (invasion mussolinienne – p121) et que les combats (contre le racisme) ne doivent jamais cesser. Le personnage, enfin. Pour faire de la bonne biographie romancée, il faut une personnalité plus extravertie (ex : le bouquin sur Nadia Comaneci). Ce n’est pas le cas de Bikila, homme placide et modeste, qui veut juste gagner la course et rentrer chez lui, auprès de sa femme. Son destin (après la course) est plus intéressant que son exploit romain.
Bilan :
"Vaincre à Rome " de Sylvain Coher
Les explos 2019
" Courir, parce que c'est ce que font les vaincus ". Dans " Ecoutez nos défaites ", le romancier Laurent Gaudé décrit ainsi la fuite du Négus, Hailé Sélassié, devant les bombardiers italiens de Mussolini. Le marathon des J.O de Rome, un quart de siècle plus tard, sera l'occasion pour un coureur éthiopien inconnu de s'imposer à la surprise générale, de prendre une revanche sur l'envahisseur dans sa propre capitale et ainsi de "vaincre mille fois " comme lui avait dit son empereur. L'auteur s'est glissé dans la tête d'Abebe Bikila et l'accompagne de sa petite voix tout au long de sa course victorieuse. Cent cinquante pages pour relater les deux heures et quart d'un parcours dans et autour de la Ville. En dehors du préambule et des épilogues, le roman est découpé en onze chapitres qui suivent la progression de l'épreuve tous les cinq kilomètres. Avec les temps de passage comme il se doit. Sylvain Coher parvient à maintenir l'intérêt du lecteur d'un bout à l'autre en imaginant les pensées de l'athlète qui évoluent sans se répéter lors de la progression de la course. Dans la réalité, un marathonien est concentré sur le fonctionnement de son corps, la nature du terrain qui change, la surveillance de ses adversaires et ne peut se permettre de laisser son esprit divaguer. Mais il a dû rêver si souvent au déroulement de ce marathon dans sa préparation… Ce livre original par son thème et le traitement qu'en fait l'auteur m'a beaucoup plu. J'ai toujours suivi les épreuves d'athlétisme de l'extérieur et, dans ce roman, j'ai eu l'impression de devenir Bikila , de partager ses désirs, ses interrogations et la joie de sa victoire. Il faut beaucoup de talent pour parvenir à rendre possible une telle identification : deviner la psychologie intime de l'athlète et faire naître une véritable empathie pour l'homme dans toute sa complexité. De plus le style poétique, tantôt haletant, tantôt plus calme, la connaissance précise du marathon, de l'histoire du vingtième siècle et de la Rome antique m'ont fortement impressionné. Dans mes souvenirs, je gardais une image romantique d'un athlète surdoué qui même pieds nus arrivait à s'imposer sans préparation particulière. Le roman m'a montré l'importance de l'entraineur suédois, de la rigueur scientifique de son travail avec son élève, en Ethiopie d'abord puis à Rome dans l'étude minutieuse du parcours. Sylvain Coher montre aussi parfaitement que le sentiment national et les encouragements du roi des rois, Hailé Sélassié, l'ont terriblement motivé et ont ainsi contribué à sa réussite. Cette fierté africaine retrouvée ouvrira la porte à bien d'autres champions de ce continent.
42 km dans la tête d’Abebe Bikila, marathonien éthiopien, voici le propos de ce livre. Le gagnant du marathon de Rome en 1960, c’est lui. On sait d'avance la fin car cet exploit a été relayé de nombreuses fois, mais on ne connaît pas réellement le déroulement de la course, pieds nus pour Abebe. Et c'est un récit dense, prolifique que nous offre l'auteur. On suit l'effort, les foulées mais surtout les pensées du coureur qui nous parle de ses ancêtres, de son entraînement mais aussi de colonisation et des pierres sur la route. Les foulées nous emportent et on se retrouve à Rome avec lui, à courir, le souffle court. Percutant, rythmé, extrêmement précis, le récit est riche en informations historiques mais aussi contemporaines sur l’Afrique et l’Italie.
Les paragraphes sont entrecoupés d’appel radio de la France, d’une ou deux phrases commentant la course : une manière pour l’auteur de faire respirer son texte car celui-ci est extrêmement compact. Cependant, à lire ce texte, on est un funambule tenu au fil de ses mots sans jamais sauter une ligne. Il y a un rythme de lecture à tenir, qui nous tient, tout du long.
Je me suis demandé si l’homme qui parlait pendant sa course savait déjà qu’il gagnerait ou si c'est l'homme victorieux qui s’exprimait ? Car alors il me semble très ambitieux, sûr de lui à ce moment-là. Est-ce une manière de se booster ? On sent l'effort et la souffrance de cette course de 42 km, mais aussi la facilité avec laquelle Abebe l'entreprend, sa préparation, ses tactiques, son don, la maîtrise de son corps, sa persévérance. C'est extrêmement intéressant, d'autant plus qu'un hommage est rendu au sport et au bien-être qu’il procure. On ressent vraiment le bouillonnement de la course, dans la tête du premier Africain à avoir emporté un marathon.
Un roman ambitieux qui nous transporte en peu de pages, mais beaucoup de mots sur les chemins de Rome. Une belle découverte !
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Merci Sylvain de nous faire découvrir vaincre à Rome , si vous ne l'aviez si bien présenté , je ne m'y serai certainement pas intéressée mais vous nous expliquer qu'il s'agit d'un livre qui véhicule de l'émotion et nous apprend beaucoup ...Je l'inscrirai dans ma liste . Belle journée