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En 1967, dans le village de Prek Nâm Deng, les habitants et en particulier les enfants s'assemblaient lors de longues veillées pour écouter les récits du vieux bonze, le père Tiane. Un des enfants, le narrateur, nous transmets ces récits - comme celui du pèlerinage du Père Tiane en Inde sur les traces du Bouddha, comme sa rencontre avec une horde d'éléphants, comme la fois où il a dormi avec un cobra... (voir L'Ombre blanche) Peu à peu le narrateur laisse la parole au père Tiane et les histoires « vieilles comme la pluie », où hommes et
femmes pouvaient se changer en tigres, où les maîtres de la magie disposaient d'une force spirituelle immense et d'une audace sans pareille, se rapprochent du conteur, de son enfance de sa vie dans la jungle entre une mère paysanne et un père chasseur de tigres. Tiane est le dernier témoin d'un monde disparu. C'est l'histoire de « gens ensorcelés dans une terre ensorcelée », du temps où la jungle nourricière et dangereuse imposait sa loi aux hommes qui avaient pour seules protections leur connaissance profonde de la forêt, la force spirituelle, la magie. Les cultivateurs du riz de montagne, qui rognent peu à peu sur la jungle provoquent la colère du monde sacré, et la mère de Tiane est, sous ses yeux, dévorée par un tigre. Le père se sert du corps de sa
femme pour appâter et tuer le tigre - il devient le plus féroce des chasseurs, le meilleur tandis que le fils, entre terreur et courage, tente de trouver son chemin.
Tiane, enfin, épouse la Karaket qui le décide à aller défricher un champ dans la jungle. Le récit bascule alors : les contes du passé s'effacent au profit d'un suspense haletant, d'un drame dont la progression est admirablement maîtrisée (voir Venin). Le père chasseur a accompagné le jeune couple. Apparaît un tigre, le tigre, le tigre de la jungle qui attaque et blesse le vieil homme. Tiane ramène son père à la cabane, suivit par le tigre « mangeur d'homme ». Le vieux meurt, mais le tigre est toujours là qui rode, l'oeil sur la Karaket qui va se baigner à la rivière. Tiane enfin se sert du corps de son père comme appât, comme avait fait son père lors de la mort de sa femme. Il attire le tigre, le tue et l'enterre avec le vieux. Les deux jeunes tombent gravement malades, ils sont envoûtés, emplis de rage et de terreur, se sentent devenir tigres. Les boeufs désertent. La rizière est envahie par les mauvaises herbes, la jungle reprend ses droits. Tiane aperçoit le tigre sur la charrue, s'élance... sa femme s'écroule, la fourche dans le dos. C'est ainsi que Tiane devint bonze.
Le style flamboyant de Saneh, sa connaissance extraordinaire de la jungle, de la flore et de la faune, de la vie du village, chasseurs, paysans, artisans, bâtit un récit touffu, magnifique, impressionnant, virtuose. Au tiers du livre, après ce qu'on pourrait croire une série de contes imbriqués, assez classiques, le talent de l'auteur pour le suspense et le tragique emportent littéralement le lecteur.
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