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L'écume du bruit d'ici, les feuilles, la route et ses tourments. Le voisin rase la terre gratis, misérable tyrannie de quelques fleurs. Déjà elles disparaissent, me laissant seule avec une phrase si nue qu'il faudrait la cacher.
Il ne reste pour moi que la grenaille des sons.
J'apprends à dompter le nerf de neige, mon pas comme un piano qui boÎte.
Entendre, comme on dirait comprendre...
Le jour est une lame droite qui fauche le pré.
** Ombre assise, je laisse l'aube me fendre. Elle vient frapper à terre les silhouettes des songes.
La nuit aux bras coupés n'écrit plus de poème qu'avec les os du poisson-lune.
Ai-je vendu le repos à ces colporteurs de têtes sciées, de rognures des hommes ?
Sur la terre comme au ciel, le calligramme des éponges.
** L'homme vient de loin.
Des rizières inondées de tulipes.
Des terres mouillées à la cuisse.
Je suis la femme de planches, une sombre cabane tout au bout de la main.
Je dors solitaire, haut plateau nomade et rare.
Nouée de routes et de débris.
Où l'on croise l'amour cavalier ou l'amour pèlerin.
** Mon poème vient d'enfermer la vie dans un livre.
C'était une haleine, un pas de chat, la fable de l'éveil.
J'ai tiré le souffle à quatre épingles, lissé les rives de l'arbre.
Le mystère semblait devoir durer, devenir dur, j'aurais pu le rompre.
Mais il n'y a rien à faire, le minerai des mots ne se brise pas.
Seule sa carcasse.
** Nous avons nos arbres, ce merisier, ce cyprès.
Notre firmament est couvert de racines.
La branche de famille.
Très secouée d'oiseaux.
Nous avons nos volailles, la corneille noire, le goéland de sel.
Notre terre est tendue de voiles et de maisons.
Nos nuits s'effacent au tournis des planètes.
De terre, d'eau et de ciels.
Je dresse l'âme sauvage.
Juste avant le galop.
La vie est un petit voyage où l'on est sans monture.
** Le matin je ne sais jamais quel premier mot sortira de ma bouche. Il faudra bien qu'il y en ait un. Et lui comme un conquérant ouvrira l'épopée du bruit. Le suivront quelques chevaux, des ânes, des poules et des fourmis, le poème épique d'un chat de gorge.
Que je salue, prie ou jure, c'est une armée incertaine.
Ce matin il fait froid. La petite cohorte soulève des buées de ma bouche.
Ah! cette illusion de grand discours...
** Louer une branche, quelque chose de l'arbre où suspendre mes feuilles.
Sortie d'un tronc aux seins magiciens, cassée entre le ciel et le sol.
Une branche de famille huant, où se sont pendus déjà d'autres hiboux, d'autres épaules, d'autres serres.
J'ai besoin de tenir mon regard au-delà, dans les strapontins spéculaires.
Un saule d'argent, un érable.
Louer n'est pas posséder.
Et me tenir au seuil de l'envol.
Extraits de Une enveloppe silencieuse.
Anna Jouy.
© Editions Alcyone.
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