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Dans la Chine actuelle, envahie par les enseignes McDo et autres logos emblématiques de l'économie libérale, l'évocation impertinente de la misère d'une condition masculine en butte à mille contraintes (professionnelles ou familiales). Un portrait sans concession dont l'ironie mordante le dispute à la hardiesse dans l'évocation des détails les plus intimes.
Fidèle à sa manière de multiplier les allusions à la société chinoise à travers les personnages qui peuplent ses romans, Chi Li introduit ici un nouveau protagoniste, Bian Rongda, dont l'itinéraire est parfaitement emblématique de l'évolution du pays depuis les vingt-cinq dernières années.
Voici donc un Chinois ordinaire se retrouvant, à quarante et un ans, au chômage, fréquentant le magasin Carrefour, commentant l'invasion des McDo avec une campagnarde venue à la ville et dont le mari subsiste en fabriquant de faux documents... Toutefois, la structure singulière du roman donne clairement à comprendre que le propos de Chi Li n'a pas, en l'occurrence, pour seul objet de donner, comme son oeuvre s'y est maintes fois employée par le passé, une image en réduction de la société qui l'entoure. Car c'est avant tout de la condition masculine qu'il est question ici, et ce à travers trois chapitres thématiques traitant de trois de ses aspects fondamentaux : les rapports avec la famille d'origine d'abord ; avec l'épouse ensuite ; avec le milieu professionnel enfin, cependant que, de l'un à l'autre, court un leitmotiv, celui de la contrainte, des pressions multiples qui pèsent sur l'ego masculin, l'empêchant de s'épanouir.
Dans le prologue, on découvre que Bian a appris à supporter la douleur en se brûlant la paume de la main. Dès lors, le fait de se serrer la main constituera le geste symbolique auquel il recourra chaque fois qu'il lui faudra dominer ses émotions, besoin qui se fera sentir très fréquemment, car s'il a trouvé ce moyen de se maîtriser, Bian, en revanche, ne maîtrise rien.
Avec l'impertinence qu'on lui connaît, Chi Li détaille les manifestations de la misère masculine : un père d'origine paysanne dont son fils a honte et qui l'écrase ; un mariage précipité par une grossesse non désirée ; une épouse dont la réussite professionnelle lui fait ombrage ; les jeux de pouvoir qui sévissent au sein de l'entreprise...
Une lueur d'espoir se dessine dans l'épilogue, quand Bian, qui vient de décrocher, presque par hasard, un emploi dans une firme française de cosmétiques, s'apprête à partir pour le Tibet. Mais ce rêve d'une nouvelle vie, totalement libérée des contraintes subies jusqu'alors, n'est-il pas un leurre...oe
Dans ce court roman, d'une conception très originale, le lecteur retrouvera tout le talent d'observation de Chi Li, son ironie mordante ainsi que la hardiesse dont elle sait faire montre dans l'évocation des détails les plus intimes.
Une plongée dans la Chine d’aujourd’hui avec un homme au cœur de cette narration dans la valse à trois temps de la vie avec les rapports avec sa famille, sa femme, et son milieu professionnel.
L’exotisme chinois et certaines spécificités culturelles ne doivent pas masquer une certaine universalité dans la difficulté de vivre sa condition masculine dans la vie d’un homme … tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui … et qui illustre une fois encore la célèbre sentence de Sartre.
A lire et faire lire comme m’a permis ce cadeau de l’ami Gilles.
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