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Yann Miralles a publié quelques textes en revues (N4728, Décharge, Arpa, et en ligne sur mots_tessons) ainsi que des notes critiques (voir du côté de Remue.net ou Poezibao). Travail au drap rouge est son premier recueil publié. Alors, on s'étonnera peut-être que cet « acte de naissance » fasse explicitement référence à la faena, 3ème acte dans le déroulement d'une corrida, qui est le travail à pieds du matador, préparant le taureau à la mort, juste avant l'estocade. Sans doute faut-il entendre cet acte concomitant de naissance (car il s'agit bien de cela, les premiers mots du texte en témoignent « il me faut / sortir et même plus / que naître et sortir : être / comme par lui / expulsé ») et de mise à mort à l'aune de ce qu'écrivait Hermann Hesse dans Demian : « L'oiseau cherche à se dégager de l'oeuf. L'oeuf est le monde. Celui qui veut naître doit détruire un monde. » Chacun son oeuf. Et le combat s'amorce peut-être quand « un jour on reconnaît qu'on ne sait plus parler. » C'est à ce moment-là qu'il faut, comme on dit, prendre le taureau par les cornes. S'avancer dans l'arène intime (et commune) de la langue et attendre que la bête donne la charge. Mais on ne sait jamais, dans cette lutte - car le texte que de Yann Miralles est bien trace d'une lutte, c'est-à-dire résultat de la friction de forces opposées - qui de l'auteur ou du langage qu'il parle (et qui lui échappe) est le taureau. On peut penser que les positions alternent. Torero qui se joue de la bête, de la singulière et puissante poussée du langage qui le traverse, l'auteur est aussi le colosse impuissant, baladé par son propre élan, et fléchissant sous les coups. On pourrait dire encore que le langage fait office de muleta, le fameux drap rouge qui relie l'auteur et ce qui fonce, puis rate, mais fonce encore, jusqu'à épuisement. Mais gardons plutôt l'idée de permutation des places.
La métaphore de la corrida nous parlera, sans doute, mais c'est un peu facile. Yann Miralles en est conscient : « Je pourrais broder / longtemps / sur le motif // par exemple je parle / le drap rouge et voir tout de suite / défiler tout un tas de figures... ». L'enjeu est tout autre. Plus que d'apercevoir des figures incarnées dans cette évocation du drap rouge, il s'agit de prendre la mesure des forces antagonistes qui se joue dans le travail d'écriture et le rapport au monde. Une sorte de relation passif / actif que l'on retrouve tout au long du livre. Ainsi, s'agit-il, dès le premier texte, d'expulser de soi les mots qui crient « c'est moi l'expulsé ». Travail au drap rouge est, tout à la fois, travail d'arrachement (s'arracher de cette boue commune qui nous parle et nous oublie dans ses plis, afin de trouver nos contours propres) et travail d'agrippement (Lutte contre la « déportation » car le langage nous déplace, nous charrie dans son flux facile et nous absente à nous-même).
L'auteur nous livre ici sa façon d'être entré dans la langue et de refaire cette entrée, jour après jour. On aimerait, grâce à ce texte, que chacun renoue avec « ce long travail en [soi] du mot commencer ».
Armand Dupuy
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