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Le roman noir, c'est l'apprentissage sur le tas. C'est la vie sous la couverture. Dans l'ombre et dans la marge. Une discipline qui sied aux autodidactes, aux libres-penseurs, aux doux dingues de l'utopie, aux fascinés de l'anarchie, aux ennemis de l'ordre noir.
C'est une littérature engagée qui prend parti sans jamais être didactique. Peut-être parce que ses pratiquants sont souvent guidés par des instincts plus que par des mots d'ordre intellectuels. Peut-être parce que ceux qui rêvent d'écrire des livres de passion et de meurtres sont des enfants qui sanglotent. Des chanteurs de l'heure bleue, des adorateurs d'une femme qui passe en bas résille. Peut-être parce que, lorsqu'ils marchent dans l'asphalte mouillé, ils imaginent qu'un mari jaloux se cache dans les pans de la nuit. Peut-être parce que, lorsqu'ils abordent un pont de chemin de fer, ils distinguent l'assassin à contre-jour de la fumée blanche. Peut-être parce que ce soir encore, comme en 1930, ils entendent une voiture chromée qui dérape sur la corniche. Peut-être parce qu'ils se sentent seuls de leur espèce. Peut-être parce que le roman noir, c'est la forêt des relativités trompeuses. La pureté en négatif. Le versant du diable. Une immense friche pour ceux qui croient que la fatalité éclaire les hommes de son hallucinante vérité de l'instant.
Jean Vautrin.
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