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"On a pris l'habitude d'entendre sous le nom de Baroque le style qui marque la dissolution de la Renaissance ou - selon une expression plus fréquente - sa dégénérescence.
Ainsi s'ouvre Renaissance et Baroque, le premier livre de Wölfflin, jeune esthéticien presque inconnu. Son texte marqua autant un tournant méthodologique qu'un bouleversement dans l'histoire du goût ; en 1888, en effet, le Baroque se voyait encore réduit à une simple dilapidation de l'héritage de Raphaël et de Bramante, voire même ravalé au registre presque pathologique du bizarre. En cette fin de XXe siècle, deux lectures simultanées s'imposent.
L'une permettra d'envisager ce premier essai à l'aune du dernier, les principes fondamentaux de l'histoire de l'art, maître ouvrage de Wölfflin publié en 1915, et d'y voir la première pierre apportée à son système formaliste de la maturité. La seconde elle, frappera toujours le lecteur contemporain par l'audace de la thèse que sous-tend l'enthousiasme de la jeunesse, rendant aussi nécessaire une lecture autonome.
L'admiration qui liait Wölfflin à Burckhardt se teintait malgré tout d'une certaine réserve l'histoire culturelle que prônait son maître bâlois souffrait, à ses yeux, d'une impossibilité majeure, l'absence de passage entre le monde des idées et l'univers des formes. Aspirant à remédier à ce hiatus entre fond et forme, Wölfflin entreprendra Renaissance et Baroque; en dépit de certaines hésitations théoriques, son ouvrage s'avérera d'une fécondité exemplaire pour l'avenir de l'histoire de l'art.
Dans Renaissance et Baroque, l'auteur, sans pour autant nier la notion d'"ambiance culturelle", se refusera à "penser l'es oeuvres d'art en fonction des conflits religieux, politiques" ; malgré ce souci formaliste déjà clairement énoncé, le contexte socio-culturel ne sera pas vraiment éliminé de son approche initiale de l'évolution des styles. Ainsi, ce texte révèle les ambiguïtés de la pensée du jeune Wölfflin qui hésite encore entre les concepts de période historique et de catégorie esthétique ; on sait qu'il résoudra par la suite ce dilemme en affirmant de plus en plus l'autonomie de la sphère artistique.
Héritier de l'enseignement du Berlinois Dilthey, qui voyait dans l'art des "tendances fondamentales de l'homme", WöIfflin aura l'intuition que le "sentiment vital d'une époque" s'inscrit prioritairement dans les oeuvres d'art, l'analyse des formes se fondant sur l'expérience vécue. Ce n'est que plus tard qu'il prendra connaissance, au contact du sculpteur Hildebrandt, des notions de "visualité pure".
L'auteur décrit avec clarté l'évolution de l'art romain entre 1520 et 1630, le moment culminant se situant vers 1580. Concernant le Baroque, l'innovation était de taille et l'invention du concept de maniérisme par la génération suivante, afin de mieux cerner une part notable de l'art de cette époque, n'infirme en rien la validité de la méthode et la force de la réhabilitation. D'emblée, WöIfflin s'inscrivait dans la lignée des théoriciens de l'art qui modifièrent le cours naturel du goût: Winckelmann pour l'art classique, Burckhardt pour la Renaissance et Riegl pour l'art dit barbare.
Ecrit en pleine vogue du wagnérisme et alors que l'on redécouvrait parallèlement l'art hellénistique, cet essai demeure, un siècle plus tard, tant par le système qu'il contribua à mettre en place que par son indéniable qualité littéraire, d'une actualité aussi évidente.
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