Saint-Malo et Mahé de La Bourdonnais étaient faits pour se rencontrer. Le second a hérité de la première un caractère bien trempé, une intrépidité, une ténacité, une ingéniosité, valeurs propres à la Bretagne et aux Bretons, et qui lui vaudront de triompher des situations les plus difficiles. Amarré au rocher d'Aaron (le moine navigateur) sur le littoral déchiqueté de la Manche, un collier d'îlots rocheux (Cézembre, Harbour, La Conchée, le Grand et le Petit Bé...), tels des " chiens de gardes ", préservent Saint-Malo des déferlantes de la mer et de toutes invasions maritimes, en fermant la rade qui mène à son port. Dès le début de l'épopée de la ville qui va devenir la " Cité Corsaire ", les malouins ont senti l'avenir " comme les pilotes sentent l'horizon ". Ils ont su que l'avenir de leur cité était sur l'eau. République éphémère à la fin du XVIème siècle, Saint-Malo a légué à ses enfants le goût du risque, de l'indépendance et de la liberté. Qu'ils aient été pêcheurs au long cours (terre-neuvas) ; découvreurs de terres nouvelles, le Canada (Jacques Cartier), les Malouines ; corsaires ayant amassé d'immenses fortunes (Duguay-Trouin, Surcouf...); armateurs-négociants, ils ont toujours su lier leur sens inné pour le commerce à leur esprit d'aventuriers. La France leur doit d'avoir inauguré des routes maritimes nouvelles pour le commerce du café avec l'Arabie ; du thé, des épices, des soieries, des porcelaines avec l'Inde et la Chine ; de for et l'argent avec le Chili et le Pérou. L'histoire de Saint-Malo ne se résume pas à ses marins célèbres. Aucune ville en France n'a, semble-t-il, produit sur un si petit espace, autant d'hommes de qualité, de grands esprits. Pour ne citer que quelques noms. Chateaubriand, Lamennais, Offray de La Mettrie. Vincent de Gournay, François Broussais se sont illustrés dans des domaines aussi différents que : la littérature, les sciences, la médecine, etc... A tous Saint-Malo, la ville génitrice. a su insuffler la même énergie et le même esprit d'indépendance que, pendant des siècles, elle a déployé sur toutes les mers du globe. Tous ont été inspirés par l'irrésistible attrait pour la liberté, au total mépris des conventions. L'empreinte de la Bretagne, province obstinée s'il en est, est présente partout sur la Cité et sur les hommes. Mahé de La Bourdonnais est un condensé de tous les hommes exceptionnels qu'a enfanté Saint-Malo. Autodidacte, il deviendra mousse, pilotin, officier du roi, corsaire, gérant de comptoir pour le compte de la Compagnie des Indes, armateur et négrier pour son propre compte, administrateur des Mascareignes pour le compte de la France. Payant de sa personne mais juste, il sera aimé de ses hommes. Conscient que les hommes libres gagnent en efficacité et par l'esprit d'humanité qui lui est propre, il affranchira ses esclaves, un demi-siècle avant que ne soit votée la loi. L'île de la Réunion, aujourd'hui département français, est le dernier vestige de l'empire colonial que Mahé de La Bourdonnais, tenta de constituer dans l'Océan Indien. Elle demeure le dernier et le seul lien entre ce passé et le présent qui nous fait nous souvenir du grand malouin qu'était Mahé de La Bourdonnais.
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