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Sartre avait montré dans Réflexions sur la question juive comment le juif est défini en creux par le regard de l'antisémite. Delphine Horvilleur choisit ici de retourner la focale en explorant l'antisémitisme tel qu'il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives.
Dans tout ce corpus dont elle fait l'exégèse, elle analyse la conscience particulière qu'ont les juifs de ce qui habite la psyché antisémite à travers le temps, et de ce dont elle « charge » le juif, l'accusant tour à tour d'empêcher le monde de faire « tout » ; de confisquer quelque chose au groupe, à la nation ou à l'individu (procès de l'« élection ») ; d'incarner la faille identitaire ; de manquer de virilité et d'incarner le féminin, le manque, le « trou », la béance qui menace l'intégrité de la communauté.
Cette littérature rabbinique que l'auteur décortique ici est d'autant plus pertinente dans notre période de repli identitaire que les motifs récurrents de l'antisémitisme sont revitalisés dans les discours de l'extrême droite et de l'extrême gauche (notamment l'argument de l'« exception juive » et l'obsession du complot juif).
Mais elle offre aussi et surtout des outils de résilience pour échapper à la tentation victimaire : la tradition rabbinique ne se soucie pas tant de venir à bout de la haine des juifs (peine perdue...) que de donner des armes pour s'en prémunir.
Elle apporte ainsi, à qui sait la lire, une voie de sortie à la compétition victimaire qui caractérise nos temps de haine et de rejet.
C’est le deuxième livre que je lis de l’auteur et je retrouve la même humilité et intelligence que dans le premier, je comprends un peu mieux maintenant. Différentes analyses sur l’antisémitisme prennent ici leurs sources dans la construction de l’identité juive et dans son histoire. Pour ne retenir que quelques phrases, voici ce qui m’a vraiment intéressé : « le judaïsme s’érige sur un gouffre qui ne cherche pas à être colmaté. (...) la vie juive ne se construit que dans la conscience d’une incomplétude qui lui tient lieu de fondement. (...) La construction juive (...) est précisément ce que l’antisémite reproche aux juifs et au judaïsme à travers l’histoire : leur « increvabilité ». » Il y a encore beaucoup d’autres choses dans ce livre, mais ce qui est très appréciable c’est la distance que prend l’auteur dans son raisonnement en ne faisant pas appel à une culture de « victime » (ce sont ses propos) mais à une analyse plutôt sereine et très documentée, des fondements de sa religion comme origine d’une tragique incompréhension et d’un perpétuel désamour.
Approche très pédagogique mais en aucun cas didactique de l'antisémitisme par une femme rabbin. Humour, distance, intelligence du propos. Un essai bienvenu et passionnant.
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