"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le temps est venu pour un nouvel ordre mondial. Les conflits armés font le bonheur des marchands de mort, membres de l'organisme qui chuchote à l'oreille des grands de ce monde. On crache sur son nom : Conglomérat, tout comme on s'incline face à son gigantisme. Des cendres des États-Unis est née la Fédération, amalgame de quatorze Districts gouvernés par la despotique et non moins sulfureuse Présidente Erika Lawson. Face à la rébellion qui fait rage, celle-ci doit prendre des mesures drastiques. Le Conglomérat se rencontre à l'occasion d'un nouveau sommet. Il décide de lui fournir l'avenir. Cyborgs de guerre ou machines douées d'une âme humaine, le nom de ces créatures reste incertain. Une chose est certaine : ce sont des Vipers. Car tous sont membres du Project Black Viper. Oserez-vous vous aventurer dans cet univers cyberpunk, mêlant technologie et noirceur humaine ? Découvrez le début du Project Viper.
S’il y a un sous-genre de la science-fiction que je n’ai que très peu exploré encore, c’est bien le cyberpunk … Pourtant, les thématiques abordées ont de quoi m’attirer : humanité plongée dans le chaos social suite à un progrès technologique et/ou politico-économique néfaste, intelligences artificielles, androïde, cyborg, société violente et décadente, multinationales ... Mais jusqu’à présent, je n’avais pas osé passer outre la mention « âmes sensibles s’abstenir » qui accompagne généralement les ouvrages de cyberpunk … En tant qu’hypersensible, je n’étais pas vraiment certaine d’être parée à plonger dans ce genre d’univers ultrasombre et violent. Mais finalement, après avoir survécu sans trop de séquelles psychologiques aux ouvrages d’Aurélie Wellenstein, je me suis dit qu’un peu de cyberpunk ne me ferait ni chaud ni froid, et j’ai allégrement accepté la proposition d’Ellen Raven Martin. Et j’ai vraiment drôlement bien fait : loin de me traumatiser, ce premier tome a su me divertir et me faire passer un bon moment de lecture !
Le Conglomérat. Une association de diverses industries essentielles au bon fonctionnement de la Fédération. Une association largement dominée par Pinxit Industries. Aryan Turner, PDG de cette multinationale fabriquant les meilleures augmentations cybernétiques du monde, propose à ses collaborateurs un projet qui, officiellement, leur assurera le soutien inconditionnelle de la Présidente, grande actionnaire du Conglomérat, et qui, officieusement, fera de lui un des hommes les plus craints et respecté du pays. Il s’agit du Projet Black Viper : créer des surhommes. Non pas de simples cyborgs augmentés, non pas de simples droïdes mus par une intelligence artificielle. Non. Les Vipers seront un mélange parfait entre l’homme et la machine, des agents plus efficaces que le plus efficaces des robots, capables de prendre des initiatives … mais totalement dévoués à leur créateur, incapables de trahir …
Entre auteurs, on dit souvent que « le personnage principal, c’est celui qui souffre le plus ». Autant vous dire qu’Ellen Raven Martin a appliqué ce dicton à la lettre : ceux que nous pouvons considérer comme les protagonistes centraux de cette histoire – à savoir, Blayne et Skylar – sont indéniablement ceux qui souffrent le plus. D’ailleurs, leur souffrance elle-même – physique pour le premier, psychologique pour le second – fait partie intégrante de l’intrigue : elle est au cœur-même du processus consistant à faire d’eux des Vipers. On ne va pas se mentir : certains passages sont tout simplement insoutenables. Briser. Soumettre. Renaitre. Telles sont les trois étapes que vont traverser nos deux « héros » – si l’on peut dire, car il n’y a pas une once d’héroïsme dans ce roman, rien que les plus sombres facettes de l’âme humaine. Petit à petit, on les voit renoncer à leur propre identité, à leur propre humanité. Blayne et Skylar deviennent progressivement le Centurion et l’Ombre. Au gré des tortures et des manipulations, au fil des expérimentations, des greffes et des formatages mémoriels, on est témoin de leur déchéance, de leur déshumanisation.
D’un côté, c’est un processus terrible : on souffre pour ces deux hommes, qui ne sont certes pas des saints, mais qui ne méritent clairement pas un tel traitement. Car les scientifiques chargés de « mettre au point » les agents Vipers sont de véritables monstres, qui aiment observer et produire la souffrance chez autrui. Ils n’épargneront rien à nos deux protagonistes : tortures physiques et psychologiques sont le lot quotidien de ces deux cobayes qui n’avaient rien demandé. C’est parfois à la limite de l’insoutenable … Et pourtant, deux choses viennent « atténuer » l’horreur de ces monstrueuses expérimentations humaines : l’insertion des rapports des scientifiques, factuels et détachés, qui créent une sorte de « distance » dérangeante (les sujets d’expérimentation ne sont plus que des matricules) mais bienvenue sur le plan émotionnel … et la personnalité de Zeera, la médecin que nous suivons le plus. Zeera est folle à lier, sadique à point, et elle a un sale caractère. Elle est détestable … mais je dois avouer avoir une once d’affection pour elle. Car sur bien des points, Zeera me rappelle la mère d’un de mes personnages de jeux de rôle textuel (personnage que j’ai tant aimé incarner que je compte lui donner une nouvelle vie dans un roman). De plus, sa folie a quelque chose d’assez … sympathique chez un personnage de roman, car on sait pertinemment qu’elle ne va pas sortir du livre pour nous disséquer, donc on peut se permettre de sourire à chacune de ses interventions.
Avec ce premier tome, Ellen Raven Martin nous invite donc finalement à faire la « connaissance » de ces deux individus qui vont devenir les deux premiers agents Vipers. Il s’agit indéniablement d’un tome introductif destiné à nous faire comprendre la genèse de ce projet dément et inhumain : transformer un être humain en machine. Il ne se passe finalement rien d’autre que la transformation physique et psychique de ces deux hommes en véritables « chiens de garde », agents implacables car dénoués de toute volonté autre que celle d’obéir aveuglément à leur « Père », Aryan Turner. Quelques intrigues secondaires sont mises en place, mais j’avoue qu’elles ne m’ont pas passionnées : j’avais le sentiment qu’elles n’étaient là que pour « pimenter » artificiellement la situation, et non pas de préparer le terrain pour les tomes à venir. Adeptes des rebondissements à répétition, sachez que ce premier tome est un peu « maigre » de ce point de vue-là … mais on sent que le meilleur reste à venir et que l’action est prête à débuter dans le tome suivant !
En bref, vous l’aurez bien compris, bien que ce ne soit pas un coup de coeur, j’ai vraiment apprécié ma lecture. Il y a quelque chose d’assez fascinant dans ce processus de déshumanisation programmée, de déchéance planifiée, de deux hommes au fort caractère qui se transforment bien malgré eux en bras armés d’un homme dont on ne sait finalement rien. Derrière cette sombre histoire se cachent finalement la décadence de l’humanité, dont les nouvelles divinités s’appellent « argent » et « pouvoir ». Ellen Raven Martin nous plonge au cœur d’un univers où les hommes ne sont plus uniquement de chair, mais également de métal : prothèses de toutes sortes, implants cérébraux de traduction. Mais un homme est-il encore un homme si tout son corps n’est plus que technologie ? A vouloir « transcender » la nature humaine en créant un homme « parfait », sans la moindre infirmité ou faiblesse physique ou psychique, ne risque-t-on pas au contraire de tuer tout ce qui fait qu’un homme est un homme ? Une chose est sûre : les deux Vipers que nous présente ce livre n’ont plus rien à voir avec les hommes qu’ils étaient au début de l’histoire … Et il ne fait aucun doute que nous n’avons encore rien vu : heureusement que j’ai le second tome sous la main !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2019/06/project-viper-tome-1-rising-ellen-raven.html
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