"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bienvenue dans le monde de Clou et Moaï. Ces deux adolescents sont les heureux exclus d'une bande dont le leader, Chisu, les persécute au quotidien. Mais à force de coups, ils ne sentent plus la peur ni même la douleur. Jusqu'au jour où ils découvrent une table de ping-pong perdue en plein milieu d'un champ, coincée entre une armoire et un vieux canapé en cuir. Ce lieu deviendra leur repère. Ils y rencontreront Secrétin, un Français qui leur apprend l'existence d'une planète ping-pong. Une révélation décisive. Clou et Moaï vont devoir faire un choix : jouer (ou non) une partie de ping-pong capitale. S'ils gagnent, ils pourront alors décider du sort de la planète.
Clou et Moaï sont deux adolescents coréens. Rejetés par la bande de Ch'isu, ils sont régulièrement frappés, persécutés, utilisés pour des demandes farfelues parfois et dégradantes souvent. Étrangement, ils vivent cette situation sans se plaindre, vont au collège, étudient un peu et sortent beaucoup. Un jour, ils découvrent un terrain vague et dans ce terrain, une table de ping-pong, un sofa et des cabinets fermés. Ils rencontrent également Secrétin, un Français qui les initie au tennis de table et leur révèle l'existence d'une planète nommée Ping-Pong. Ce jeu les absorbe totalement au point d'en perdre parfois leurs repères.
Au jeu de la perte des repères, le lecteur ne sera pas en reste, tant ce roman est barré, décalé, totalement fou et loin de mes lectures habituelles, même si depuis quelques années je me suis frotté avec bonheur à de la littérature de ce genre notamment publiée chez Christophe Lucquin. Je rapprocherais également ce livre d'un autre, coréen lui aussi, L'art de la controverse où l'auteur part également dans des sentiers originaux et décalés, à croire que c'est une des caractéristiques du pays ou alors du prénom puisque tous les deux ont le même : Park. Ils sont fous ces Coréens (pour les étrangers qui me lisent et surtout les Coréens, je ne vous insulte pas, je fais un emprunt légèrement détourné à Obélix), Park Min-kyu particulièrement qui dresse un portrait assez navrant du monde actuel : violence, abrutissement, cruauté, pauvreté et capitalisme à outrance, ... A travers ces deux jeunes gens qui subissent la violence des plus forts, il parle du monde, de l'extrême violence des plus forts envers les plus faibles, ces fameux 2 % de riches qui mènent le monde comme ils le veulent et toujours pour que ça leur rapporte plus. Les autres, les 98%, subissent, profitent parfois de quelques moments d'accalmie avant de subir de nouveau, puis aiment les bassesses et les compliments des plus riches qui après demanderont -exigeront- encore plus.
Park Min-kyu peut être d'un réalisme cru et passer dans le même paragraphe à un délire total, une sorte de science-fiction qui permet de sourire mais aussi de mettre l'accent sur la cruauté du monde et des hommes. Car il s'agit bien de cela, les relations entre nous, la part d'humanité qu'il nous reste et dont nous devons nous servir pour tenter de contrer les décisions des 2%. Si l'on pousse le raisonnement jusqu'à l'absurde, la fin peut être explosive, radicale, c'est ce que fait très habilement Park Min-kyu. Son écriture est comme son histoire, barrée, décalée : beaucoup d'onomatopées -les traductrices expliquent très bien dans la préface que la langue coréenne en est truffée, ce qui la rend vive, d'ailleurs avant de lire ce roman, je conseille très fortement la lecture de la préface en entier, qui explique le travail de traduction et la langue coréenne-, du konglish -ce qui correspond à notre franglais... mais en coréen-, des paragraphes courts qui ne débutent pas forcément par une phrase mais au milieu d'icelle, des changements de police de caractère, de taille des lettres, enfin, plein d'inventions de toutes sortes qui lui donnent un côté moderne et vivant.
Ce roman, je vous le conseille fortement, car il ne ressemble à rien de ce que vous avez lui jusqu'ici, sauf à avoir déjà lu Park Min-kyu. Essayez, se laisser surprendre parfois ça a du bon, surtout en littérature.
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