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« L'îlot 16 a été choisi comme devant être exproprié en premier lieu en raison de son état sanitaire particulièrement grave et des sa situation au centre de la capitale. La mortalité tuberculeuse y était notamment très importante. Cet îlot, limité par les rues François Miron, Saint-Paul, les quais de l'Hôtel de ville et des Célestins et la rue de Brosse, couvre une superficie de 14ha 60, dont 3ha 50 seulement sont occupés par des voies. Les 403 immeubles de l'îlot étaient habités par 10 515 personnes réparties en 4898 foyers, 419 d'entre elles étaient des commerçants. Ce quartier était donc surpeuplé ; il est formé au surplus, de rues très étroites, dépourvues d'air et de lumière, bordées d'immeubles vétustes qui présentent, la plupart, des causes spéciales d'insalubrité ; insuffisance de prospect sur rue et sur cour, exiguïté des logements, absence de tout-à-l'égout, nombre trop limité de W-C. L'îlot 16 se trouvant être ainsi l'un des quartiers le plus malsains de Paris, il aurait été vain de tenter de remédier à son insalubrité par des mesures autres qu'un réaménagement général » (Archives de la préfecture, mars 1942) L'îlot 16 est situé dans le quatrième arrondissement dans les secteurs Saint-Gervais et Saint-Paul : entre l'Hôtel de Ville et la rue des Archives à l'ouest, la rue des Francs-Bourgeois au nord, les rues Saint-Paul et de Turenne à l'est, la Seine au sud. Voué à la démolition dans l'entre-deux-guerres, l'îlot 16 a été le lieu d'une expérimentation à grande échelle des procédures de curetage et de réhabilitation de bâtiments anciens protégés au titre des monuments historiques. Cette rénovation a été imaginée puis mise en ouvre dès 1940 jusque dans les années 1980. Après les propositions radicales, en partie utopiques, des architectes et aménageurs des années 1930-1940 firent suite les notions de « tissu constitué » et d'« aménagement limité » et les méthodes de « rénovation douce » avec l'utilisation fréquente des curetages, la reprise d'une volumétrie classique et la prise en compte du bâti environnant. La question de la résorption des îlots insalubres est ici traitée à partir d'un exemple parmi les plus emblématiques de l'histoire de Paris. Parmi les architectes circulent des grands noms comme Michel Roux-Spitz, Albert Laprade, Paul Tournon...
L'étude d'Isabelle Backouche est inédite. Elle ouvre des perspectives nouvelles dans un secteur encore peu exploré de l'histoire urbaine. Par la relation qu'elle établit entre acteurs de la fabrication de la ville (décideurs, architectes, propriétaires, habitants) et évolution d'un territoire - du constat de son insalubrité au choix de sa réhabilitation et de sa sauvegarde - elle aborde ce fait urbain d'une manière globale faisant se croiser une histoire sociale, une histoire politique et une histoire urbaine (incluant urbanisme et architecture) autour d'un même objet : l'îlot 16 dans le Marais au centre historique de Paris. Le livre entreprend de démonter les mécanismes à la fois juridiques (avec les armes de l'expropriation et de l'expulsion), techniques (programmes, projets) et politiques (autorité des opérateurs, résistances diverses) et permet de mieux comprendre comment la notion même d'insalubrité a été instrumentalisée, souvent infondée et étendue bien au-delà des immeubles réellement concernés.
Cette histoire s'inscrit dans une moyenne durée, au xxe siècle, dans laquelle des ruptures événementielles importantes (guerres, Occupation, changements politiques) et une évolution sociétale liée aux changements plus profonds, ont lieu. Ainsi le rôle de l'Administration à toutes les échelles, état, région, Ville de Paris et département de la Seine était l'objet de fines analyses.
Ce qui est ici novateur c'est aussi l'affirmation d'une histoire sociale des architectes avant, pendant et après Vichy qui inscrit leur travail dans les conditions sociales de leur temps. Ainsi l'évocation de ghetto montre une grand diversité de situations et des géométries variables en termes de résistance.
Autant de pièces d'un puzzle que l'historienne cherche à reconstituer plutôt que de se contenter de confirmer par les discours des acteurs ce qui semble être du « bon sens » à l'aune de nos manières de penser au xxie siècle.
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