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Madame Diogène ne vit pas dans un tonneau mais dans un appartement transformé en terrier. Elle y a accumulé au fil du temps des tombereaux d'immondices dont les remugles ont alerté les voisins. Elle n'en a cure, elle règne sur son domaine, observe le monde de sa fenêtre, en guette l'effondrement et le chaos. Elle sait qu'autre chose se prépare.
Plongée vertigineuse dans la folie, analyse minutieuse de la solitude radicale, ce premier roman d'Aurélien Delsaux explore avec une force et une maîtrise étonnantes un territoire aussi hallucinant qu'insoupçonné.
Recluse dans son appartement, postée derrière sa baie vitrée telle une vigie, une vielle femme observe l'extérieur, regarde le monde se faire sans elle. Atteinte de démence sénile, elle ne sait plus depuis combien de temps elle a largué les amarres et renoncé à ranger, trier, nettoyer, obéir. Désormais elle vit comme un Robinson sur une île née du chaos qu'elle a elle même créé. En saccageant son bel appartement et en y accumulant des détritus, elle s'est réinventé une géographie, une géologie, une terra incognita que nul autre qu'elle ne doit fouler. Elle est farouchement déterminée à protéger son territoire contre toute tentative d'ingérence.
Sale, repoussante, ressemblant à une sorcière de conte, la vielle dame indigne n'a provoqué chez moi aucune répulsion mais plutôt de l'intérêt . Pas un intérêt froid d'entomologiste qui observe un sujet particulièrement intriguant mais un intérêt teinté de compassion. Je l'ai trouvée touchante, surtout quand elle cherche son chat.
Aurélien Delsaux entraîne le lecteur à la découverte d'une étrange contrée, celle d'une pathologie très particulière restée longtemps ignorée mais qui existe cependant depuis la nuit des temps. Le sujet est délicat à traiter mais l'auteur fait preuve d'habileté en ne versant ni dans le larmoyant ni dans l'immonde et réalise un bel exploit en faisant fleurir la poésie sur cet amas d'ordures.
Lu en avant première cet été, "Madame Diogène" de Aurélien Delsaux est un roman qui met mal à l'aise...
Le sujet principal du livre est l'abandon, l'indifférence et à l'arrivée la solitude.
Ce roman est aussi sombre que percutant. Certaines phrases font froid dans le dos et vous oblige à réagir.
Pour moi il a été impossible de rester indifférent à ce que je lisais.
L'histoire de cette dame, vivant reclus chez elle, dans les immondices et mangeant ce qu'elle trouvait reste néanmoins touchante. L'auteur dans son écriture prend garde de ne pas trop s'impliquer et de prendre de la hauteur. Chacun analysera ainsi les phrases selon sa sensibilité...
Je pense que ce roman ne plaira pas à tout le monde... Je l'ai lu en entier en ce qui me concerne et ne le regrette pas.
Quelle claque !!!! Aurélien Delsaux signe là son premier roman et il nous offre une plongée sans retour dans un univers clos, dérangeant, nauséabond... que l'on cherche immédiatement à mettre à distance, comme un monde qui ne nous concernerait pas mais pourtant... elle est là, cette femme, elle fait partie de chacun de nous, on la rejette comme on rejette notre propre décomposition et plus largement la société la condamne car le miroir est insupportable, seule solution, le briser!
bref on plonge dans ses maux avec douleur, dégout, mais aussi de l'affection pour cette femme dont on ne sait quasi rien et qui pourtant nous parle... de notre peur ?
Bref, une belle découverte, à suivre
Petit roman (heureusement !) fort bien écrit, même si quelques phrases m'ont posé question, que je trouve bancales, mal construites ou pour le moins maladroites, comme par exemple : "... elle est montée sur une pile de cageots, sur quoi elle avait jadis posé le yucca. Il est tombé voilà longtemps, le pot se brisa." (p.21) Le reste est franchement travaillé, de longues phrases (ce qui peut sans doute expliquer les maladresses dont je parle, écrire une longue phrase n'est pas toujours aisé), très ponctuées, comme j'aime.
Mais le propos est sombre, gris comme la poussière et le moisi de l'appartement, rouge comme le sang que la vieille voit s'étaler sur la route suite à un accident et noir. Franchement noir. Pas d'espoir. Madame Diogène sombre dans la folie, la paranoïa la plus totale, pas une once de lumière dans ce récit, parfois, rarement, un simple rai sous la porte. Notons tout de même de belles pages sur la perte de l'écriture, du langage :
"Elle voudrait y dessiner les lettres du tract abandonné, non les mots qu'elle n'a pas lus, mais la forme des caractères, traits croisés, superposés, ronds, lignes courbes, diagonales, droites perpendiculaires ou parallèles, et la verticalité des points d'exclamation, et le soleil noir abandonné à leur base, comme une larme, comme un cratère, comme le trou où tout finit. Elle joint ses doigts, sa main contractée fait une grosse araignée, elle trace des lignes verticales, épaisses et grasses. Ce sont des barreaux, des poteaux électriques, des potences, des chemins qui tombent sans aller vers rien, des troncs nus, sans branche ni racine." (p.87/88)
Même lorsque les phrases sont belles, l'ambiance est délibérément noire, opaque, glauque dirais-je même, si l'on isole les mots ou les expressions de ces deux phrases, on flirte avec le désespoir total, le néant : "soleil noir", "larme", "cratère", "trou où tout finit", "barreaux", "poteaux", "aller vers rien", "des troncs nus". Et ce ne sont que deux phrases, longues certes, mais on est loin de la totalité du livre ! Il faut avoir bon moral pour aller au bout de cette lecture, c'est la raison pour laquelle je disais "heureusement" tout à l'heure pour le petit nombre de pages (138), plus serait un calvaire ! Déjà que j'ai failli abandonner avant la fin, mais je me suis accroché ; ça m'a rappelé une lecture terrible que j'avais faite -pas jusqu'au bout- de Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, un des rares bouquins que je crois même avoir jeté !
Madame Diogène ne met pas à l'aise, ce livre dérange, déstabilise, et je ne le conseille qu'aux gens optimistes de nature, comme moi. Une femme qui me hantera sans doute dans un bouquin qui laisse comme un goût de "je ne sais pas si j'ai aimé" et qui devrait faire sensation dans cette rentrée littéraire. Aurélien Delsaux signe là son premier roman. Et il a une belle plume.
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Très belle critique. J'ai eu la chance de lire ce livre en avant première cet été. En effet, il laisse un gout amer à la lecture, mais en prenant du recul, quelle humanité... On ne peut qu'avoir de l'affection pour cette femme au bout du rouleau...