Meursault perd sa mère et n'en semble guère affecté. Puis dans des circonstances particulières, il tue un homme sur la plage sans bien mesurer les conséquences de son acte. Un procès s'ensuit dont il paraît à peine se soucier. Il est condamné à mort.
D'une écriture presque blanche, débarrassée...
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Meursault perd sa mère et n'en semble guère affecté. Puis dans des circonstances particulières, il tue un homme sur la plage sans bien mesurer les conséquences de son acte. Un procès s'ensuit dont il paraît à peine se soucier. Il est condamné à mort.
D'une écriture presque blanche, débarrassée de toute fioriture, Camus brosse le portrait d'un individu "étranger" au monde, plus amoral qu'immoral, d'un être lisse, falot et que les événements, quels qu'ils soient, n'atteignent que fort peu.
C'est à peine du reste s'il appartient à la société qui l'entoure avec ses codes et ses valeurs. Meursault est à la fois dans la vie et hors de la vie. Marie, sa petite amie, lui inspire certains élans mais c'est d'un regard distancié qu'il perçoit les choses de l'amour. Le héros de "L'étranger" n'adhère à rien de tangible et de profond et si de temps à autre des liens le rattachent à ses congénères, ceux-là n'ont souvent qu'une réalité superficielle, anecdotique. En personnage trouble et insaisissable, il glisse à la surface de l'univers sans y laisser de véritable empreinte, il fait songer à quelque bout de chair égaré dans une quotidienneté improbable, il n'est qu'insignifiance, écume, doute, vacuité, bref il existe sans être.
Ce roman paru en 1942 n'a pas pris une seule ride. Trois mots peuvent le caractériser : sobriété, rigueur, classicisme. Albert Camus nous offre ici un ouvrage épuré, formidablement construit, dépourvu de tout effet inutile. Aucune volonté démonstrative ne guide celui dont nul n'ignore qu'il était au moins autant philosophe qu'écrivain. Et en vérité c'est pourtant bien à une philosophie de l'absurde que nous renvoient ces pages animées d'une vraie force romanesque et où Camus a peut-être mis le meilleur de lui-même à seulement vingt-sept ans (le livre avait été achevé en 1940).
Mort prématurément, ce dernier nous a quittés en 1960. Deux années environ après avoir obtenu le prix Nobel de littérature.
Cette disparition déjà lointaine imputable à un accident de voiture - au dernier moment, Camus avait renoncé à se déplacer en train ; l'absurde, encore lui ! - ne doit pas nous faire oublier que celui-ci aurait cent ans aujourd'hui*. Après tout, des dizaines de milliers de nos contemporains ont pu atteindre un tel âge.
Merveilleux Camus ! Dans son oeuvre d'une universalité grandissante, "L'étranger" occupera toujours à mes yeux une place majeure : la première.
* article écrit en 2013
https://www.accents-poetiques-editions.com/produit/la-blessure-des-mots/