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Lui, c'est dad, daddy, l'exquis pater familias profilé pour la tendresse et l'autorité, il drive sans effort une famille lourde d'une épouse, d'un fils et d'une fille, petit capital humain qu'il emmagasine, au temps des vacances, dans de robustes conduites intérieures.
Le jour, il virevolte dans l'espace de sa pharmacie où s'affaire avec célérité sa compétence préparatrice, henriette, dans laquelle, entre l'heure de la reprise et un plat de lentilles, il aime à s'enchâsser fugacement. confit dans un petit bonheur moelleux et préservé, il égrène sa petite vie de vivant, nappée de confort, persillée de petites brouilles, réglée comme une pendule. tout cela aurait pu durer, durer, mais.
Ceux qui suivent mon blog ne seront pas étonnés d’y retrouver Jean Forton, auteur incontournable qui ne doit pas passer aux oubliettes…
Dad, entendez Monsieur Dieudonné, potard de profession jubile en cette journée de printemps exceptionnelle. Sa femme Claudia, Serge Monsieur son fils et Odile sa fille ne partage pas l’enthousiasme dû à la grande nouvelle : la voiture familiale neuve est arrivée. Une Mercedes blanc ivoire intérieur cuir bleu, signe de sa prospérité…
Mais son plaisir est vite gâché par Monsieur son fils, qui, à vingt ans prend son père de haut, et ne veut surtout pas reprendre les rênes de l’officine. Les rôles sont inversés. Sa fille, elle a tout d’une jeune fille rangée menant une vie libre. Claudia avec les ans s’est enveloppée de cette prospérité et souvent il l’appelle ma « grosse » affectueusement.
Dad va donc savourer ce plaisir solitaire et prendre possession de sa berline…
Dans cette première partie Jean Forton, avec humour et tendresse, nous brosse le portrait d’un père de famille un peu lunaire, adolescent attardé. Mais il a des fulgurances d’un vieux sage : « En vieillissant Dad est devenu sage. Il a compris qu’il est vain de vouloir réformer les gens malgré eux. Qu’on risquait, en le tentant, de les détruire au lieu de les hausser. »
Dad jusqu’à ses 46 ans a été comme un poisson dans l’eau qui aurait choisi et aimé son bocal.
Cette prise de connaissance de la famille Dieudonné aurait pu être filmée par Jacques Tati, le burlesque est palpable et comme souvent révèle la multitude de petits grains de sable qui vont enrayer cette belle mécanique.
Cette splendide automobile, il va falloir l’essayer et pour cela, malgré sa terreur de ces engins, et pour faire plaisir à son mari, Claudia propose d’aller ce dimanche pique-niquer en famille au Cap.
Au retour, comme souvent sur ces routes qui vous poussent de l’océan vers les villes, il y a ralentissement. C’est un accident, le conducteur est mort et c’était le meilleur ami de Dad depuis l’enfance, même s’ils s’étaient perdus de vue.
Exit Jacques Tati, bonjour Claude Chabrol.
Dad n’est plus ce poisson qui se croyait heureux dans son bocal, non Dad est hors de l’eau, il étouffe, il pousse des cris muets que son entourage ne comprend pas. Rien ne va plus, tout devient fade, sans saveur.
« Face à face avec l’un ou l’autre de ses enfants, Dad éprouve une intolérable gêne. Il ne sait que leur dire, il n’a rien à leur dire. C’est ainsi. Ils ne communiquent pas. Parfois même Dad ne parvient seulement pas à les regarder dans les yeux : ils l’intimident, le glacent. Et pourtant il les aime. Mais ces êtres issus de lui, qu’ont-ils avec lui de commun ? »
« Pourtant il s’interroge : Quelle est ma vraie vie. Est-elle au milieu des siens, ou là-bas, parmi ces étrangers. Quand suis-je moi. Quand suis-je à ma véritable place ? »
Le regard qu’il posait sur sa vie avec humour et tendresse et un peu de fatalisme, teinté d’autosatisfaction, va basculer dans l’ironie qui égratigne puis griffe jusqu’à clouer au pilori ce qu’il croyait aimer.
Tout bascule dans cette vie si bien organisée où chacun jouait sa partition.
En refermant ce roman, le lecteur se dit : quel style ce Jean Forton et quelle belle analyse de l’être humain.
Dad est le modèle même de l’homme qui a oublié l’enfant et l’adolescent qu’il fut, celui qui avait plein de rêves. Dad est victime d’aboulie, il devient son ombre.
Jean Forton souffle le chaud et le froid, le lecteur rit aux larmes puis son rire se glace.
Car la question est que fait-on de sa vie ? « Mais la société est bien faite qui nous juge sur nos apparences. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 29 juillet 2018.
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