"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ils sont étudiants à lowa City et rêvent de devenir poètes, pianistes, danseurs... Des jeunes remplis de doutes et d'ambition, aux portes de l'âge adulte. Parmi eux Seamus, Noah, Fatima et Fyodor, socialement opposés, qui s'attirent et se déchirent. Pour eux, vient l'heure des choix : faut-il s'accrocher à ses idéaux ou s'accommoder des exigences du monde - et à quel prix ?Les Derniers Américains est un roman sur l'art, l'amour et le sexe, l'argent et la précarité, dans un monde moderne où quelques irréductibles essaient encore d'écrire de la poésie, de jouer Chopin, de danser Balanchine face à l'ultra-rentabilité de soi, des autres, des sentiments.Après l'acclamé Real Life, Brandon Taylor impressionne par sa plume d'une empathie remarquable et s'impose comme le grand romancier de la solitude contemporaine, traversée de beauté fulgurante.
Un titre bien étrange que "les derniers américains" et qui est le même titre en anglais. Qu'a voulu nous raconter l'auteur, avec ce titre ?
Nous sommes au 21e siècle à Iowa city, une modeste ville où l'université est importante car le campus est immense et coupé du monde et de la ville, une micro société qui est à côté de la ville (ce que l'on ressent dans les relations que certains étudiants ont lors de leur travail en ville, comme des scènes dans l'hôpital de la ville ou avec des ouvriers dans les bois).
L'auteur décrit très bien les relations entre les étudiants, et les différents milieux sociaux qui se croisent dans les amphithéâtres, dans les chambres, dans les soirées dans les bars. Les personnages souhaitent et tentent tous à devenir artistes, que ce soit la danse, la musique, la poésie... Certains ont besoin de prendre des petits boulots pour financer leurs études, d'autres non parce que leurs parents les aident C'est un roman sur les hommes et d'ailleurs il y a peu de personnages féminins. Il décrit ce milieu gay sans fioriture : les rencontres, sur le net, dans les bars, les hommes en couple, leurs vies, leurs doutes, leurs disputes. Certaines pages peuvent troubler, choquer mais ce que j'ai apprécié c'est aussi le détail qu'il met dans les relations, le détail d'un sourire, d'un coup d'œil, d'une peau... L'auteur est très proche de ses personnages et nous parle très bien de la solitude, du questionnement de ses personnages.
Un impressionnant roman choral.
Je vais lire son livre précédent pour retrouver son écriture.
#LesDerniersAméricains #NetGalleyFrance
Première titre de la rentrée littéraire de La Croisée, avec Brandon Taylor un auteur américain qui a déjà fait ses preuves en 2020 avec la sortie de son première roman Real life, qui connaît en ce mois de janvier une publication en poche sous le label Le livre de poche. Après Jakob Guanzon, à la même époque l’année dernière, et Arthur Nersesian en septembre, j’avais très envie de continuer ma découverte des auteurs américains actuels, issus de ce que j’appellerais, la littérature et des minorités ethniques et/ou sexuelles : c’est chose faite ici. Le francophile Brandon Taylor nous propose de passer un semestre en Iowa au sein d’un campus universitaire, au sein d’une bande d’étudiants qui se consacrent chacun à leur art ou spécialité, à leurs amours, à penser et préparer leur avenir proche.
Ce roman se scinde en plusieurs parties. Chacune illustre le point de vue de l’un des protagonistes, une « symphonie de vie » à la manière de l’œuvre d’Emile Zola, comme le dit lui-même Brandon Taylor. Mais, attention, il n’y a pas de diégèse à proprement parler, les focalisations narratives alternent sur quelques semaines précises le temps de nous donner un aperçu de cet endroit et de ce moment précis, les années 2010 entre quelques jeunes gens, certains riches, d’autres et la plupart d’entre eux qui peinent à finir les mois. Un récit synthétique, donc, plutôt que diégétique, la peinture d’une poignée de jeunes gens, issus de toutes les minorités ethniques qui composent la société américaine, et surtout des jeunes artistes, poète, danseur, musicien et peintre. Et surtout des histoires d’amour, des coups d’un soir, des aventures, qui s’entremêlent, qui suivent leur cours. Seamus, le poète, blanc, cynique qui travaille en cuisine, et qui fustige ses comparses féminines de cours de donner des sens improbables aux poèmes dont elles font l’exégèse. Ivan, le russe, sans un sou, le danseur qui réoriente sa vie dans la finance avec Goran, l’enfant adopté, noir, qui jouit des moyens de sa famille. Noah, le nippo-américain, Fatima et Fyodor, l’enfant abandonné du père russe, on s’en doutait bien et Timo, Daw, le mathématicien pur et dur, et Stafford, le peintre.
Des vies à la fois étonnamment banales, décrites avec toute l’usure et la poussière du quotidien bien installée, des vocations dans certains cas rangées aux oubliettes, dans d’autres cas, bien entamées, là où les individus ne sont toujours que dans la monotonie régulière, sans exceller, sans démériter. C’est parfois plus aventureux de décrire la banalité, la morosité du quotidien et son usante répétition que l’extraordinaire, Brandon Taylor y excelle, a y décrire le prosaïsme réaliste dans toute sa splendeur. Et le dénuement et la pauvreté qui a frappé cette classe moyenne dans cet état du Midwest américain, le cœur américain, comme dans tout le pays.
On est frappé tout d’abord par l’œil critique de Seamus sur ce qu’il nomme l’imposture l’Art américain, s’incluant lui-même dans ce constat un brin nihiliste sur cet arbre aux alouettes. La langue de Brandon Taylor n’est pas en reste, et les quelques scènes de sexe cru et réalistes, et ne fignole pas dans cette fausseté superficielle que dénonce l’un de ses personnages. Il frappe à cœur, sans fausse candeur, sans feinte pudibonderie, mettant à nu le dénuement des scènes, où les doutes et l’incertitude estudiantins, les accidents de la vie, la crasse, les sécrétions corporelles tapissent chaque image que le texte de l’auteur américain implante dans notre esprit. Malgré tout, le chapitre sous l’œil de Bea une voisine de Noah, extérieure au groupe, en même témoins de leurs déambulations, a un tout autre point de vue, de ce qui représente pour elle le bonheur ultime, l’amitié et la proximité même contrariée.
Si je parlais de Jakob Guanzon et Arthur Nersesian au début, c’est parce que cela m’a frappé de constater à quel point leur propos se rejoignent dans cette sorte de désillusion existentielle, d’individus coincés entre plusieurs vies, plusieurs choix, l’envie de regarder en arrière et l’impossibilité d’aller de l’avant : l’incapacité à renoncer totalement et à trouver, se trouver, retrouver des valeurs, là où le « travail et le capital » a envahi tout le reste. En outre, le titre est tiré d’une une réflexion de l’auteur, retranscrite ci-dessus, sur la situation de ces américains vivant dans ce que l’on nomme capitalisme tardif, concept qui désigne la période actuelle du capitalisme qui, en l’espèce, est considéré être en phase terminale de son existence. Ce concept est lié à la théorie littéraire du postmodernisme, se traduisant par des changements sociaux et économiques d’une ampleur telle qu’ils ancrent les individus dans une incertitude perpétuelle, et dans un chaos, sans ordre ni logique ne sont présents, d’où l’absence de toute logique narrative, finalement.
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