Décriée ou adorée, rassérénante ou théâtre de drames intimes, la famille est l'une des grandes muses de la littérature. Tour d'horizon, arbitraire et très loin d'être exhaustif, de ces relations familiales, fondatrices de toute une vie.
«Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence... Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi.» Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'autrice de La place.
Décriée ou adorée, rassérénante ou théâtre de drames intimes, la famille est l'une des grandes muses de la littérature. Tour d'horizon, arbitraire et très loin d'être exhaustif, de ces relations familiales, fondatrices de toute une vie.
« Le rêve, être une autre fille. »
Sur le point d'avorter clandestinement, Denise Lesur, jeune étudiante, se remémore son enfance. Fille de petits commerçants incultes et modestes, elle se découvre brillante à l'école privée qu'elle fréquente un peu par hasard, mais aussi différente des enfants bourgeois. Elle a beau être plus intelligente, il lui manque les codes.
Premier roman d'Annie Ernaux, ce récit de jeunesse ne peut laisser indifférent. L'autrice y dévoile la déchirure qui a marqué sa propre enfance, ce moment où elle s'est sentie tiraillée entre le monde poisseux du café-épicerie que tiennent ses parents et celui, séraphique et inaccessible, de la bourgeoisie.
Et puis la honte.
Une honte impossible à formuler, qu'elle garde si longtemps tapie en elle. La honte de ses origines, de son milieu et, pire que tout, la honte de soi et de ses faux-pas.
Et puis la haine.
« Je n'arriverai jamais à écraser à coups de culture, d'examens, la fille Lesur d'il y a cinq ans, d'il y a six mois. Je me cracherai toujours dessus! »
Ces mots poignants, d'une sincérité à couper le souffle, décrivent si bien ce qu'elle a pu ressentir qu'on croit le vivre à ses côtés. Impossible alors de ne pas être bouleversé par le destin de la petite Annie, incapable de s'aimer, accrochée aux livres comme à une bouée de sauvetage, aujourd'hui Prix Nobel (ô combien mérité!).
Ce roman est aussi, comme toujours avec Annie Ernaux, une lettre d'amour à la littérature qui l'a sauvée, élevée, qui "l'arrache à elle". Et, dans cet hymne à la culture, elle déploie une écriture ciselée, aussi éprouvante que magnifique. Magicienne des mots, elle passe de l'argot au soutenu en une même phrase, le tout dans une langue incroyablement vivante et saccadée, comme une mélodie enivrante qui s'insinue dans la tête du lecteur pour ne plus le lâcher.
Beaucoup de violence d'une enfant qui reproche à ses parents, leur manque de culture, leur qualité et leur choix de vie. Adolescente, elle poursuit ses études et fréquente des gens d'une classe sociale supérieure. Elle revoit ses jugements.
Dans ce roman, Annie Ernaux écrit à la première personne du singulier mais dit s’appeler Denise Lesur alors que tout ce qu’elle écrit sera confirmé dans ses ouvrages suivants assumés sous son nom. Nous sommes déjà dans l’autobiographie avec le style efficace, précis qu’elle affirmera de plus en plus au fil des années, cette fameuse « écriture blanche » qu’elle revendique.
Denise Lesur est en train d’avorter : « Une fille de 20 ans qui est allée chez la faiseuse d’anges… Les bouquins sont muets là-dessus. » Le récit est haletant, bouleversant : « Il vivait bien le petit salaud, la lavette bourgeoise… La fille de l’épicier Lesur… Baisée de tous les côtés. » Reviennent alors tous ses souvenirs d’enfance avec, régulièrement, un rappel des souffrances endurées pour cet avortement qu’elle traitera vraiment dans "L’événement".
Décrivant la vie dans le café-épicerie Lesur, elle nous fait prendre conscience de l’absence d’intimité. Parlant de sa mère, elle dit : « Une bonne commerçante, toujours affable, les coups de gueule pour mon père et moi seulement. » Mais il n’y avait pas que des inconvénients car : « tout était libre, gratuit, à portée de mes doigts et de ma bouche. » Elle parle de la messe du dimanche, de la confession et de ces péchés qui lui font croire qu’elle est impure. À l’école où elle réussit, ses camarades, Roseline et Jeanne, lui font bien sentir qu’elle n’est pas de leur milieu : « Les salopes, je faisais pourtant tout pour être bien vu d’elles, pour dissimuler que je n’étais pas comme elles. »
Peu à peu, elle se réfugie dans la lecture et les études et se met à mépriser ses parents : « Chez moi, on vend à boire et à manger, et tout un tas de foutaises, en vrac dans un coin…Le picrate à 11°, les pernods et les rincettes, ça voulait dire des jambes flageolantes, des dégueulis, de la pistrouille et des zizis avachis… J’ai toujours eu horreur d’aller les voir… gentils, tellement gentils… Étrangère à mes parents, à mon milieu, je ne voulais plus les regarder. »
Brevet en poche, elle change : « En seconde, j’ai commencé la chasse aux garçons, sans aucune pudeur. » Enfin, Guy, son flirt, aime le jazz, est élève de première mais : « Il avait mis 5 samedis et 2 dimanches pour décrocher le soutien-gorge. » Un autre amoureux qu’elle nomme Beaux-Arts, lui fait lire Sagan, Camus, Malraux et Sartre. Elle a 17 ans et avoue : « Je peux ouvrir la bouche sans crainte, il n’en sort plus ces bouts de phrases de la maison, ces intonations qui classent… Mieux, j’ai avalé l’argot des potaches… » Le Bac, les flirts, la fac de lettres, le dépucelage et la voilà enceinte… mais il faudra lire "L’événement" pour vivre la suite.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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