J'avais éprouvé, comme tant d'autres garçons abusés, une honte inexpiable à avoir subi cette effraction de l'intime. Je n'avais pas su ou pu prendre le dessus, m'imposer, refuser, et j'avais longtemps ressenti cette défaillance non seulement comme un échec mais aussi comme un manquement à moi-même, comme une perte d'identité masculine, dont, en plus, j'étais invinciblement et inexorablement coupable. L'atteinte sexuelle ne se limite pas à un moment de l'existence, elle colore et empoisonne toute une vie. Elle atteint l'estime de soi, la sexualité, la relation d'autorité, la confiance et la foi, bien sûr, qui est une expression de la confiance. Elle s'insinue dans les moindres recoins de la personne à son insu et va jusqu'à profaner la relation à son propre corps. Si les abus sexuels sur mineurs visent surtout des jeunes filles, quel peut-être le ressenti masculin d'un tel traumatisme ? Il a fallu beaucoup de courage à Jean-Pierre Rosa pour rompre le silence et raconter celui dont il a été victime au seuil de l'adolescence. Pourtant, au-delà du traumatisme et au-delà des seules blessures, l'auteur partage le chemin qui lui a permis de les dépasser. Pour revivre enfin. Préface de Véronique Margron AUTEUR Jean-Pierre Rosa a été éditeur et délégué général des Semaines sociales de France. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Jésus-Christ ou la liberté (Bayard, 1999), ainsi que, chez Salvator, La Bible, le sexe et nous (2019) et La sève du figuier (2022) avec Guy Aurenche et Monique Hébrard.
Ce livre nous offre le témoignage de l'auteur sur l'agression qu'il a subie, dans les années 60, vers 13-15 ans de la part d'un chef scout et son cheminement douloureux jusqu'à ce texte.
Deux éléments déclencheurs l'ont conduit à se replonger dans le traumatisme et ses conséquences : le fait qu'on parle peu des agressions subies par les garçons et une rééducation périnéale suite à une opération de la prostate qui a réveillé le traumatisme enfoui depuis l'adolescence.
Il remonte alors le fil de sa vie, scandée par trois analyses, la prise excessive d'anti-dépresseurs, des séances d'EMDR, psychothérapie par mouvements oculaires qui cible les mémoires traumatiques des individus.En effet, l'atteinte sexuelle est datée temporellement mais elle empoisonne toute une vie, démolit un être en devenir, l'empêche d'avoir des relations harmonieuses aux autres, d'être sûr de lui.
Jean-Pierre Rosa a souffert toute sa vie d'un sentiment de honte et de culpabilité, amplifié par l'inconscient collectif qui considère qu'un garçon est capable de se défendre et s'il ne le fait pas, c'est qu'il est consentant alors que nous parlons d'enfants pétrifiés par une autorité masculine toute-puissante. Il a été victime du phénomène de répétition avec son fils aîné qui consiste à faire subir aux autres la violence dont on a été soi-même victime et il s'en est profondément voulu. Il a longtemps considéré la sexualité comme relevant du domaine de l'agression dont on a peur. Il a vécu toute sa vie avec une angoisse latente, qui à la faveur d'un fait qui lui rappelait avoir été abusé, se transformait en crise de panique. Il a ressenti une grande solitude que d'ailleurs la couverture du livre suggère avec beauté.
Seule la mise en mots de son traumatisme sous forme de ce témoignage lui a permis, non pas d'en guérir mais de l'accepter, de passer au travers pour continuer sa vie plus sereinement.
Jean-Pierre Rosa nous livre un témoignage poignant et fort des ravages d'une agression sexuelle sur la vie d'un homme et une analyse profonde des mécanismes du traumatisme.
Je regrette que le fil du témoignage s'égare très souvent dans des digressions sur la guerre d'Algérie, mai 68, la foi, l'Église qui diluent l'émotion et détournent de l'essentiel.
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