"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Alors qu'un étrange vent de sable ensevelit le pays, deux hommes se croisent chez tante Fatima. Dans Jérusalem, ville labyrinthe, on se séduit chaque nuit en imaginant des histoires de jinns, de lions et de chevaliers.
En cette saison démoniaque, Gabriel et Isaac s'aiment, se perdent et se retrouvent, puis décident, en dépit du sable et des checkpoints, de partir en vacances... Mais n'est-ce pas un projet fou dans un pays morcelé ?
De Jérusalem à Jéricho, puis au mystérieux village où l'on oublie de mourir, jusqu'aux piscines de Salomon, c'est une aventure amoureuse, une recherche de lumière et de liberté.
Karim Kattan, auteur magicien, nous raconte de sa voix enchanteresse le ravissement de Gabriel et d'Isaac dans leur Palestine ardue, baroque et fabuleuse.
D’ombre et de lumière, charnel, magnétique, la beauté douloureuse. Un mirage en plein désert, si éminent que les larmes surgissent.
Ce récit de sable et de sueur, de plaintes et de caresses, dans l’aurore même où le désir est un parchemin.
Une quête et l’obsession cardinale de survivre à la souffrance.
L’immensité d’une écriture poignante, de sens et de symbole. De fureur et de tourments, olympienne, dans cette pudeur du mot placé au plus juste.
Il faut être attentif aux murmures du « Khamsin », allégorie de l’irrévocable, d’une terre arrachée à coups de dent, des enfants perdus, limbes, dans une volonté d’invisibilité.
Ici, fusionne les légendes, les passages-gué, les jinns, comme une réponse au manquement du monde.
La voix du narrateur, qui conte dans une langue douée d’empathie, d’exaucement ce qui fut de Gabriel et d’Isaac. Deux hommes amoureux, entrelacs et la vivacité de l’urgence.
« Et dans les allées, la lumière tombe de ce ciel sur le sol toujours d’une manière inouïe. Il n’y a, nulle part et jamais, la même tombée de lumière. »
Fresque boréale, entre les mythes, la tempête de sable sourde aux entendements, de Jérusalem à Jéricho, les fenêtres d’une Palestine brouillées aux yeux du monde.
Ici, ce n’est pas l’heure d’un compromis, mais d’une survie.
Deux hommes, emblème de cet éden, comme un antidote à leurs désespoirs et désillusions. L’intranquillité qui bascule du mauvais côté.
Gabriel et Isaac, Isaac et Gabriel, lui, qui a vécu en Cisjordanie et qui revient adulte à Jérusalem. Isaac qui franchit la rive d’un plausible bonheur. Ils se retrouvent, siamois d’une même connivence.
« Et quand adulte, il revint à Jérusalem, Gabriel eut l’impression d’être un visiteur du futur, qui aurait accosté sur terre un million d’années après l’extinction et qui ne trouverait que des détritus de villes et de rêves. Comme s’il était arrivé après la vie. »
« Parfois les grandes décisions se prennent ainsi, dans l’indolence de l’anxiété. »
Gabriel de retour, Isaac est hymne, pureté, l’épiphanie des gestuelles complices.
Isaac encercle cette mer, ce soleil, cette tempête de sable qui couvre leurs corps-corbeilles. Le mimétisme en plein sommet de gloire.
« Voués corps et âme à la désintégration. Ils le savent, mais aussi ne le savent pas. »
Ils désirent l’échappée, vivre un escompte hyperbolique du futur, de Jérusalem à Jéricho, jusqu’aux piscines de Salomon.
« Jéricho, ville-monde pour un monde qui n’existe pas. »
Ils sont touchés par le sacré d’une liberté. La jouissance de la pleine vie. Calculée au millimètre près, entre les checkpoints, les abus de pouvoir, l’immersion de pentes et de sable. L’ombre hostile, aux abois de leur amour, prête à mordre.
Étranges (ers), opprimés, et leur périple dépasse le présent et vaut toutes les heures du jour et de la nuit et de la vie.
« Descendre de la voiture et sentir l’air chaud et vivifiant du désert dans la tronche comme une évidence et moi, partout au-dessus d’eux, partout, comme s’il n’y avait plus ni frontières, ni empêchements, seulement un pays ouvert comme le ciel. »
Le « je » nous touche en plein cœur. Il tourne les pages, l’écho polyphonique des exils intérieurs. Il ne justifie pas, mais scelle l’amour avec le « Khamsim » qui soulève l’étreinte éperdu, linceul devenu.
« L’Éden à l’aube », « J’aurai préféré, croyez-moi, les laisser là. Qu’on en reste là, à l’aube des cœurs. Il n’y a pas de mal à ce que les histoires se terminent ainsi. »
« C’était une aube de joie. Pourtant. »
Inoubliable, indicible, une rose des sables sur notre cœur.
Karim Kattan est un écrivain palestinien, universel, tant sa force des dires relève le monde en apothéose.
Un livre salutaire.
Publié par les majeures Éditions Elyzad.
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