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Entre Charles VII et le dauphin Louis, c'est la guerre. Une guerre larvée, rampante, alimentée par une haine sans nom. Entourés de centaines d'espions, ils se promettent toujours une affection traîtresse, hypocrite. Tous les coups sont permis.
Dans cette cuve ardente où l'on brûle sur un claquement de doigts, Thomas, le barbier-chirurgien, s'est fourvoyé. Le pouvoir absolu piétinera-t-il sa famille ? La sorcellerie va-t-elle les détruire ou les aider ? C'est Gertrude, sa femme, qui prendra ce chemin à destination des enfers.
Thomas et Gertrude, tombés par hasard dans cette soupe méphistophélique, pourront-ils sauver leurs enfants, leurs biens, leur réputation, leur vie ? Ou se perdront-ils corps et biens, balayés par des nécessités qui les dépassent, effacés par le vent de l'Histoire ?
À travers le destin de ce couple dont on partage le quotidien, l'auteure nous initie à l'aspect intime de cette hostilité qui dura vingt-cinq ans entre Charles VII et son fils Louis, futur Louis XI. Elle y ajoute les prémices d'une sorcellerie qui a toujours eu droit de cité chez les grands de ce monde, aux recueils peu usités, mais totalement pérennes.
Dans ce roman encore une fois magnifiquement mené, Christine Machureau renoue avec le Moyen-Âge dans lequel elle nous avait plongés avec sa saga Mémoire froissée.
Je connais déjà Christine Machureau pour avoir lu d'autres de ses romans, et notamment « La femme d'un Dieu » où elle évoquait la vie de Marie-Madeleine. Cette auteure est pour moi une valeur sûre pour ce qui est des écrits historiques. Je sais ce que je vais lire lorsque je vois son nom sur un roman. J'aime beaucoup l’Histoire avec un grand H, je suis toujours curieuse de connaitre les us et coutumes d'avant, les mœurs, les batailles. Et ce que j'aime avec Christine Machureau, c’est qu'elle met l'Histoire à la portée de tous en mélangeant aux faits historiques, le récit de la vie de personnes ayant vécu à ces moments là. Elle banalise la grande Histoire tout en la respectant. Ce qui permet, pour des novices comme moi, d'apprendre des choses intéressantes sur l'histoire de France tout en se divertissant avec la vie de personnages à cette époque.
C’est ainsi qu'ici, j'ai été propulsée dans les années 1450, du temps du roi Charles VII et de son fils le dauphin Louis XI. La France n'est pas celle que l’on connait, elle est divisée en grandes régions, le Dauphiné, la Bretagne, la Bourgogne, la Comté Franche. Louis est en conflit avec son père, il lui tarde que ce dernier meure pour pouvoir prendre sa place. Ils ne vivent pas sur le même territoire, Louis est avide de renseignements sur son père, il a des espions et complote. C’est dans ce contexte qu'on va faire la connaissance de notre couple que l'on va suivre tout au long de ce roman. Thomas est barbier, est marié à Gertrude, couturière. Thomas est un homme instruit, car en plus d’être barbier, il est chirurgien, il a de nombreuses connaissances sur le corps humain. Ils vivent en Suisse, dans la région du Valais. Ils ont une petite fille, Sybille. Un drame là bas va les obliger à quitter et à fuir leur domicile, sous peine d’être accusés de sorcellerie. Thomas se dit qu’il faut qu'il installe son cabinet de barbier là où sont les gens puissants. Et la région du Dauphiné est pour lui le meilleur endroit. Après un mois de marche, ils vont ainsi poser leurs bagages dans la ville de La Côte-Saint-André, où le Dauphin réside au château. Il va louer une maison avec une pièce qui a pignon sur rue et où il va pouvoir installer son atelier de rasage. Une pièce dans le fond sera dédiée aux travaux de couture de Gertrude. Thomas est un homme méticuleux dans son travail, il est très intelligent et se fait vite connaître par les hommes de la ville. Il est tellement reconnu qu'il va un jour être demandé pour raser le Dauphin. Le barbier de celui-ci l'a trahi et va être publiquement puni. Thomas va donc le remplacer. Mais il ne sait pas alors dans quoi il met les pieds.. il va se retrouver mêlé, sans le vouloir, à des complots, il va être soupçonné d'espionnage pour le compte de Charles, alors qu’il n’a rien fait. Il va faire une étrange rencontre qui va lui faire connaître le monde de la franc-maçonnerie. Bref, sa vie va se retrouver complètement chamboulée. Il est de moins en moins avec sa famille et Gertrude en souffre. Ils vont tous deux être mis à mal et devront lutter chacun de leurs côtés ou ensemble pour la survie de leur famille.
Je me suis très vite attachée à ce couple. Ils sont tous les deux honnêtes, tout ce qu'ils veulent, c’est vivre décemment et que leur foyer ne manque de rien. Thomas est un homme droit et courageux, prêt à tout pour rendre sa famille heureuse. C’est pour ça que les accusations de trahison qui flottent sur lui ne peuvent pas être sensées. Ce n'est pas ce genre de personne. Mais la fourberie des grands seigneurs viendront à bout de sa patience. Gertrude est elle aussi une femme courageuse, qui veut le bonheur de son mari et de son foyer. Elle aime son indépendance et veut continuer de travailler, même s'ils n'en ont pas besoin avec l’augmentation de la clientèle de Thomas. Elle sait ce qu'elle veut et sait imposer ses idées à son mari. La douleur et le chagrin auront raison de sa patience, et elle se laissera emporter par des actes que l'on qualifierait à cette époque de sorcellerie. Thomas arrivera-t-il à se sortir des griffes de Louis et de mener à nouveau une vie paisible aux côtés de Gertrude ? C’est lgrande question que je me suis posée tout le long de ma lecture…
L'attachement aux personnages se fait dès les premières lignes. Tout commence très fort pour eux et on les suit avec passion. Pourtant, le choix narratif de l’auteure n'est pas celui que je préfère. Tout est raconte à la troisième personne du singulier, je suis d’habitude plus sensible au « je ». Mais ici, ça ne m'a pas dérangée, cela m’a permis de garder une certaine distance avec les personnages et avec les faits qui étaient plutôt bienvenue. J'ai pu ainsi les regarder évoluer comme s'ils étaient devant moi. Et puis l'auteure décrit tellement bien les différents sentiments qui traversent chacun d’eux qu'il n'est pas possible autrement de les ressentir. Thomas et Gertrude m'ont émue plus d'une fois, j'avais envie que tout aille pour le mieux pour eux, j'ai eu peur, je me suis inquiétée pour eux, et je n'avais qu'une hâte, c’est qu'ils vivent enfin en paix.
Au-delà de l’histoire de ce couple, j'ai aussi été particulièrement touchée par l'histoire de Charles et Louis. Christine Machureau rapporte sur eux des faits réels, tout est bien documenté, d'ailleurs elle nous donne en fin de livre la bibliographie des ouvrages qu'elle a utilisés et que nous pouvons lire à notre tour pour en apprendre plus sur ces hommes qui ont fait l'Histoire. J'ai beaucoup aimé la précision qu'elle met dans les événements et les faits. Le travail de recherche qu'a dû faire l'auteure se ressent et s’apprécie énormément. Il y a des moments où il faut avoir le cœur bien accroché, la médecine à cette époque n’était pas aussi douce que celle de maintenant, les anesthésies n'existaient pas. En exemple, Christine Machureau décrit et détaille très bien ce qu’il se passe juste après la mort d'un roi, son embaumement ses organes qui sont prélevés et gardés dans des urnes placées en différents endroits, la toilette de la dépouille. J'ai trouvé cela fort intéressant. Et ce n'est qu'un exemple de ce qu'elle a pu ainsi détailler.
Bien sûr, le style de Christine Machureau est toujours aussi bon et conforme à mes souvenirs de lectures précédentes. Beaucoup de fluidité dans les phrases, elle a aussi respecté l'orthographe de certains mots de cette époque, elle utilise aussi des mots qui ne sont plus utilisés, et bien évidemment, ils sont expliqués à la fin du livre. Ça rajoute une touche de réalisme, le lecteur est ainsi complètement immergé dans le récit et dans l’époque. D’ailleurs, l'auteure qualifie elle-même son écriture comme une « écriture immersive », et c’est tout à fait le cas, dès les premières phrases, on se retrouve aux côtés des personnages, dans leur époque, et on y reste tout le long. Christine Machureau fait pour moi partie des grands écrivains historiques tels Mireille Calmel que j'aime aussi beaucoup lire. Elle a écrit de nombreux romans, sur les Cathares, sur le Moyen-âge, avec sa saga La mémoire froissée qui se passe en Bourgogne avec l’alchimie en toile de fond, et avec un personnage principal féminin. À noter d'ailleurs qu'elle place souvent la femme au premier plan, avec des caractères forts, et ça, j'aime beaucoup. Tout ça pour dire que j'ai encore plein de livres d'elle qui m’attendent pour être lus. Des heures et des heures de très bonnes lectures en perspective, et c’est un plaisir de savoir cela.
La lecture s’est faite rapidement et très facilement. Je me suis laissée prendre par la main dès les premières phrases jusqu'aux dernières. C’est un roman de presque 300 pages sur ma liseuse, et franchement, je ne les ai pas vues passer. Je ne me suis pas ennuyée une seconde, l'auteure sait accrocher notre attention et surtout la maintenir tout le long. Il existe tout le long un certain suspense sur l’évolution de la situation du couple qui fait qu'on est pris dans la lecture comme si c’était un roman classique à suspense. J’ai beaucoup aimé cette lecture et je vous la recommande chaudement. Si vous ne connaissez pas encore Christine Machureau, n’hésitez pas à le faire avec ce roman, vous lirez une belle aventure dans une époque à la fois éloignée et proche de nous. Je raffole de ce genre de romans qui ont cette double fonction de me divertir et de m’instruire. En tout cas, une chose est sûre, je continuerai à lire des romans de cette auteure. Ma chronique est encore bien longue, mais je pourrais encore tellement vous en dire, et quand j'aime, j'ai du mal à me retenir…
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