Rentrée d'automne 2024 : des voix prometteuses venues du monde entier
Un roman choral ambitieux, une fresque familiale sur plus d'un demi-siècle d'histoire et de combats pour les droits des femmes en Tunisie.
Tunisie, 1935. Dans un pays en pleine ébullition politique se croisent les destins de deux éminentes familles bourgeoises : les Naifer, rigides et conservateurs, et les Rassaa, libéraux et progressistes.
Une nuit de décembre, à Tunis, la jeune épouse de Mohsen Naifer, Zbeida Rassaa, est soupçonnée d'entretenir une liaison avec Tahar Haddad, intellectuel d'origine modeste connu pour son militantisme syndical et ses positions avant-gardistes, notamment en faveur des droits des femmes.
Dans un entrelacement de secrets et de souvenirs, plusieurs membres des deux familles ainsi que leurs domestiques reviennent lors des décennies suivantes sur les répercussions désastreuses de cette funeste soirée. Comme dans un jeu de poupées russes, chaque récit en contient d'autres et renverse la perspective. Avec jubilation le lecteur rassemblera les pièces pour tenter de découvrir ce qui est réellement arrivé à Zbeida Rassaa.
Le désastre de la maison des notables transpose plus de cinquante ans d'histoire tunisienne - de la lutte pour l'indépendance jusqu'à la révolution de 2011 - et de combats pour les femmes. Remarquable de maîtrise, d'un style limpide, d'une construction astucieuse, cet éblouissant roman choral met en scène des personnages envoûtants et inoubliables.
Rentrée d'automne 2024 : des voix prometteuses venues du monde entier
Peut-être est ce le titre de ce beau roman qui m’a tracassé durant le début de lecture, je ne le voyais pas très loin le désastre, et c’est de lire attentivement cette fois la quatrième de couverture que tout s’est éclairé.
Il s’est passé un évènement très grave une nuit, dans le foyer tunisien de Zbeida et de Mohsen. Ces jeunes gens sont issus de 2 familles de notables , l’une progressiste(Zbeida)et l’autre traditionaliste. De plus à cette époque la Tunisie tremble politiquement sur ses bases.
Onze personnages , familles ou serviteurs vont raconter ces familles sur une cinquantaine d’années, ce n’est pas chronologique… et chacun selon ce qu’il a vécu en leur présence, en ajoutant à chaque fois un épisode qui permettra d’approcher la fameuse soirée funeste pour Zheibda. Oui, ça paraît compliqué ( surtout les prénoms) et ça l’est quand même un peu.
Un arbre généalogique figure au début du texte et heureusement !
C’est un beau roman traduit de l’arabe qui décrit avec sincérité les affres que traverse un pays qui veut se libérer de ses traditions et d’un protectorat, c’est la jeunesse qui se révolte, et de l’autre côté le manque de liberté des filles, le voile imposé , et la toute puissance du patriarcat.
Qu’a-t-il bien pu se passer ce matin de décembre 1935 pour brouiller à mort les Naifer et les Rassaa, deux familles de notables établis à Tunis ? Que contenait donc de si fâcheux la lettre adressée ce jour-là par l’intellectuel syndicaliste Tahar Haddad, son ancien précepteur, à Zbeida Rassaa, l’épouse de Mohsen Naifer ? Quelle type de relation révélait-elle au juste entre les deux ? Et comment la jeune femme s’est-elle, dans la foulée, retrouvée paraplégique ? Au lecteur de s’en faire une idée au gré de la succession de récits, partiels et partiaux, de membres des deux maisonnées, parents ou domestiques, qui, bien des années après les faits, forme l’astucieuse trame de cette fresque familiale traversant l’histoire de la Tunisie depuis les années 1930.
Militant acharné des droits syndicaux des travailleurs tunisiens, de l'émancipation de la femme tunisienne et de l'abolition de la polygamie dans le monde arabo-musulman, Tahar Haddad avait au début du XXe siècle des aspirations avant-gardistes qui, si elles furent plus tard en grande partie réalisées par la modernisation autoritaire du pays par Habib Bourguiba, lui valurent en son temps une violente campagne de dénigrement de la part du Destour, le parti libéral constitutionnel créé en 1920 avec pour ambition de libérer le pays du protectorat français. Contraint à l’exil, il mourut dans l’isolement et la misère à seulement trente-six ans, laissant un héritage aujourd’hui largement reconnu.
C’est ce précurseur sacrifié pour ses prises de position éclairées qui sert de pierre angulaire au roman. Dessinée en creux au travers des seuls regards des uns et des autres, soutiens ou détracteurs, son ombre hante chacun des récits par-delà sa mort, traçant un sillon indélébile dans près d’un siècle d’histoire tunisienne à mesure que, chacun leur tour et à différentes époques non chronologiques, les protagonistes vieillis égrènent leurs souvenirs et retracent ainsi l’incidence plus ou moins directe que cet homme et ses idées auront eu sur leur vie.
Certain dès le début d’une seule chose, qu’un drame s’est noué autour de la mort de Tahar Haddad et du clivage que, à l’image de la société tunisienne tout entière, l’homme a fait naître entre les très conservateurs Naifer et les progressistes Rassaa, et donc jusqu’au plus intime du couple Zbeida et Mohsen, le lecteur pris par le suspense d’une narration agencée comme un puzzle se retrouve à essayer d’y voir clair entre secrets et ellipses, points de vue subjectifs et contradictoires, enfin tout ce qui peut rancir et bouillonner d’émotions autour des liens familiaux. Travaillé dans ses hétérogénéités de points de vue jusque dans ses registres de langue, classique ou populaire, mettant ainsi mieux encore en exergue les tensions entre tradition et modernité, le livre fort subtilement traduit nous immerge en même temps d’une manière formidablement crédible et vivante au plus près des détails de la vie quotidienne dans la société tunisienne de l’époque.
Peu à peu, alors qu’à l’exception de Zbeida, devenue malgré elle le centre névralgique des dissensions familiales, tous - hommes et femmes, conservateurs et progressistes, maîtres et domestiques - ont l’occasion ici de s’exprimer, faisant peu à peu comprendre comment leurs attitudes ont inextricablement noué son destin à elle, se déploie une réflexion sur les transformations de la masculinité et de la famille face à la question de l’émancipation des femmes, mais aussi de l’orientation sexuelle. Désarroi et ambivalences sont les maîtres-mots d’une mutation qui touche aussi aux rapports entre les générations et les classes sociales, dans une refonte de la notion de pouvoir qui ne s’effectue pas sans résistances ni violences de différentes natures.
Habilement construit, ce roman passionnant et éclairant qui incarne dans la chair de ses personnages fictifs les dissensions bien réelles qui se sont cristallisées dans la société tunisienne des années 1930 autour du réformiste Tahar Haddad, n’est pas seulement une très fine et en tout point fidèle peinture historique. C'est aussi une fort intelligente fresque sociale aux prolongements très actuels. Coup de coeur.
’avais envie de découvrir la Tunisie des années 40-50 à travers cette grande famille et un roman chorale. J’ai donc découvert Louisa, la première à raconter. Je me suis accrochée pour suivre les ancêtres et autres cousins-tantes et son récit décousu.
J’ai continué avec le personnage suivant, pensant que le récit allait avancé, mais il tournait toujours autour du même fait.
Le troisième personnage a fini par me lasser à trop parler de cette immense famille et à invoquer les démons et les malédictions.
https://www.alexmotamots.fr/tombes-des-mains-1/
Le roman débute à Tunis et est centré sur la nuit du 7 décembre 1935, date du désastre qui a scellé le destin de deux familles de la haute bourgeoisie tunisienne, les Rassaa et les Naifer, unies par le mariage de Zeibna Rassaa et de Mohsen Naifer quelques années auparavant. Une lettre destinée à Zeibna de la part de Tahar Haddad, qui fut son précepteur et dont elle fut amoureuse, est interceptée par sa belle-famille, conduisant à un drame qui touchera tous les membres des deux familles, la plupart rongés par des secrets inavouables.
Le roman se déroule de 1935 à nos jours mêlant avec maestria l'histoire nationale de la Tunisie avec une saga familiale foisonnante; l'auteure mêle astucieusement des personnages historiques et de pure fiction.
La parole est successivement donnée, dans une construction très maîtrisée, à dix membres des deux familles dont deux servantes; chaque point de vue amène des éléments de compréhension tout en dévoilant le secret que cache chacun des personnages ce qui nous tient en haleine tout au long des 480 pages. Cette alternance des points de vue permet de faire évoluer l'image que le/la lecteur/trice s'est forgée lors de la nuit du désastre , de l'enrichir peu à peu pour dessiner des hommes et des femmes dans leur grandeur et leur vilenie. Cette variété des points de vue fut cependant frustrante, du moins pour moi, car il est impossible de dégager une vérité; le roman se termine même par une révélation dont on ne sait si elle est vraie, ce qui pourrait en changer toute la perspective.
L'histoire de la Tunisie, dans laquelle évolue les personnages, est un élément essentiel de ce roman. Nous la voyons se construire devant nos yeux, de la lutte d'indépendance contre le protectorat français, à l'occupation allemande jusqu'à la révolution de 2011. Une figure historique sert de fil conducteur à ce roman, bien qu'il meure au moment du désastre familial : Tahar Haddad (1899-1935) auteur de "Notre femme dans la législation islamique et la société" (1930) qui inspira le Code du statut personnel, entré en vigueur en 1957, institué par Bourguiba, visant à l'égalité hommes-femmes dans plusieurs domaines. Mais la société de 1930 n'était pas prête à la remise en cause des traditions et d'une interprétation du Coran plus juste à l'égard des femmes. Il fut voué aux gémonies et mourut jeune dans la misère.
Le choix de Tahar Haddad correspond au thème principal du roman, à savoir le statut des femmes de la bourgeoisie mais aussi des servantes qui devaient se soumettre, les premières à leur père puis leur mari, les deuxièmes à leur maître, de leurs tentatives de libération. Ce roman traite également du mépris de classe, de racisme à l'égard des noir(e)s, anciens esclaves, corvéables à merci, des relations à l'égard des juifs. Pour personnifier ces différents thèmes, l'auteure a ainsi opposé une famille progressiste, tolérante, où les filles sont éduquées (les Rassaa) à une famille
traditionalistes, puritaines et rigides (les Naifer).
Ce fut une lecture passionnante, prenante, instructive bien qu'il m'ait fallu plusieurs dizaines de pages et des prises de notes pour enfin comprendre qui était qui malgré l'arbre généalogique obligeamment fournie au début du livre.
« L’affection s’est transformée en haine, la joie en angoisse et en tristesse. L’enfer a remplacé la paix, les liens se sont effondrés et nous avons dit adieu aux jours heureux. »
Mais que s’est-il donc passé derrière la lourde porte de la vénérable maison Naifer ce soir de décembre 1935 ? Il a suffi d’un billet, d’apparence anodin, découvert dans une corbeille de pain, un billet manuscrit qui a semé l’effroi, soulevé des rancœurs inextinguibles, dressé l’une contre l’autre deux éminentes familles de notables, les Naifer et les Rassa, parents respectifs de Mohser et Zbeida un couple jusqu’à lors sans histoire. Que contient ce billet ? Que signifie t-il pour Zbeida à qui il est adressé ? Quelles vont être les réactions des membres de chaque famille ? Autant de questions auxquelles vont répondre successivement les différents acteurs de ce drame dans les années suivant cette nuit funeste. Avec en toile de fond la question de la place des femmes dans la Tunisie des années 30, car l’auteur du billet est Tahar Haddad, un intellectuel et poète connu pour un manifeste engagé pour les droits des femmes.
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Première lecture pour moi d’un titre de la collection Barzakh des éditions Philippe Rey et c’est une bien belle découverte. Pourtant, je dois vous avouer que rentrer dans ce roman n’a pas été chose facile, car il m’a de prime abord un peu déroutée.
Par la multitude de personnages aux noms parfois ressemblants avec lesquels je me suis un peu perdue. Mais sur ce point n’ayez crainte, l’arbre généalogique des premières pages m’a sauvée et je vous conseille de le garder à portée de mains.
Par la mise en place un peu longue, assortie de nombreux repaires sur le contexte politique tunisien de l’époque. Pas le plus trépidant, mais indispensable pour comprendre les ressorts de l’intrique.
Mais ces deux écueils passés j’ai dévoré ce passionnant roman. J’ai adoré sa construction. Roman choral, il décrit l’évènement de cette nuit d’hiver à travers le regard des différents membres de l’entourage de Lella Zbeida.
Ses parents et beaux-parents, ses frères et beaux-frères, ses bonnes ou son mari, tous apportent un éclairage différent, complètent les informations en notre possession et peu à peu, par touches successives donnent une vision d’ensemble qui nous permet d’accéder à la réalité des faits. C’est extrêmement habile, c’est subtil, et le tout forme un kaléidoscope passionnant où chaque nouvelle pièce s’emboite et donne un relief différent à la pièce qui la précède.
Mais la richesse de ces témoignages va au-delà de la recherche de vérité. Chaque récit est aussi l’occasion d’explorer plus avant la société tunisienne par le prisme des femmes et d’apporter un message résolument féministe. Femmes dévoués ou asservies à leurs maris, femmes éduquées et instruites, domestiques ou filles des rues, épouses ou maîtresses, toutes, quel que soit leur rang ou leur position, connaissent le même sort dans cette société rétrograde et ceux qui veulent dénoncer ou faire évoluer leur situation sont bannis, à l’image de Tahar Haddad. Et la force de ce récit c’est aussi d’aborder tous les sujets même les plus intimes, avec sincérité et sans tabou. Une vraie surprise pour moi qui connait mal la littérature arabe et qui en fait une auteur à suivre.
Une saga familiale ambitieuse et une lecture exigeante, mais qui a su me séduire et me convaincre.
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