Chaque jour, sur nos routes, nous croisons des centaines de camions, des files ininterrompues, interminables processions, qui, vues du ciel, sont semblables à des serpents rampants et ondulants.
A leur bord, des chauffeurs pour la plupart masculins, mais aussi quelques femmes courageuses qui ont réussi à s'imposer dans cet univers rude, viril et si exigeant. Natacha est l'une d'elles et nous raconte son histoire avec en filigrane le récit d'une rencontre improbable au volant de son 38 tonnes.
Au moyen d'une narration alternée La route est belle détaille le quotidien de Natacha et de Pierre ; l'une doit jongler avec ses multiples obligations de mère, de routière et également de femme, l'autre, peintre fortuné, qui en dépit de la place de l'art dans sa vie, souffre de solitude.
Au travers des thèmes de l'amour, de l'art et des relations familiales conflictuelles, le texte traite des difficultés à tracer son propre chemin. Ce faisant, l'auteur confronte un univers essentiellement masculin, le monde de la route et des routiers, avec les projections relatives à la place des femmes dans la société, grâce à une héroïne qu'on n'est pas près d'oublier.
Pierre, issu d'une famille bourgeoise, est un artiste rêveur et solitaire, jusqu'au jour où il entend résonner la corne de brume d'un poids lourd, conduit par une femme intrigante aux cheveux au vent. Natacha, mère célibataire et divorcée, a depuis toujours la conduite dans la peau et s'est affranchie du carcan familial qui l'étouffait autant qu'elle le détestait. Rien ne prédestinait ces deux âmes singulières et uniques à se croiser, et pourtant...
J'ai apprécié la lenteur de ce récit et son charme discret, qui nous permet de faire connaissance avec ce couple en devenir. Tous deux surprennent par leur identité malmenée, en dissonance avec leurs pairs. Ils trouvent, dans l'art ou la mécanique, une affirmation de soi qui les rend vivants. Leurs amours sont expérimentales, erratiques, en contradiction avec leurs idéaux.
On s'éprend de leur tableau romantisé, et notre esprit divague avec eux, accroché à une rencontre belle et convoitée. Notre attente nourrit nos fantasmes, et on se languit de ce qui va arriver.
L'écriture est enveloppante, nous faisant osciller entre les personnages et une alternance de temps. Pierre et Natacha sont les deux moitiés d'un fruit qui ne demandent qu'à être réunies, pour développer tous leurs arômes et être goûtées.
Leur rencontre avec ces balbutiements fébriles, ne nous déçoit pas et coule de source. Quand deux âmes se reconnaissent et se retrouvent : "la route est belle".
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