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Entre les années 1920 et les années 1940, le motif du délire joue un rôle déterminant dans la transformation du genre romanesque en Europe, comme en témoignent notamment les oeuvres d'Elias Canetti, de Louis-Ferdinand Céline, de Blaise Cendrars, d'Alfred Döblin, de Hermann Hesse, de James Joyce et de Virginia Woolf : les limites entre le réel et le délire y sont brouillées comme jamais auparavant dans l'histoire du roman. Si cette transformation est liée à la révolution du champ de la psychopathologie qui bouleverse l'époque, le délire romanesque se dérobe aux lectures médicales : composé d'éléments hétérogènes, parfois incompatibles, il échappe à toute psychologie, et ouvre à une représentation des troubles de l'époque. Tantôt victimes d'une violence que la société de leur temps s'emploie à refouler, tantôt dangereux « égocrates » en puissance, les délirants incarnent une crise de la civilisation occidentale et illustrent des processus que l'on retrouve à l'oeuvre dans les totalitarismes, en train de s'imposer. Introduisant une brèche dans la frontière entre fiction et réalité, le délire romanesque devient un espace politique où le roman s'interroge sur ses propres pouvoirs et pense la situation historique dans laquelle il naît.
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