Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
«Je n'ai pas dit : David, allez, s'il te plaît, c'est dangereux. David, on annule, s'il te plaît, écoute-moi, je crois qu'il ne faut pas le faire. Je ne l'ai pas dit. Peut-être que si je l'avais fait, nous serions toujours l'un près de l'autre aujourd'hui. Mais à dix ans, j'avais fait une promesse à mon frère et je voulais la tenir. Je l'aimais trop - l'aimer a bien été le drame de ma vie.» Devenue adulte, Olive revient sur son enfance. Une maison sur les hauteurs du Loiret. En contrebas, le Loing dort, des trains grondent, et chaque jour, un petit garçon hurle, frappe et tente de s'enfuir. Elle observe son jumeau, inquiète. Par touches délicates, elle dessine une complicité fraternelle immense. Comment survivre à la cruauté de l'enfance ? Peut-être en devenant un train ou une grive. C'est l'espoir qu'Olive et David nourrissent jusqu'à cette nuit de leurs dix ans. Dans ce roman sensible et déchirant, Abigail Assor explore les failles d'une famille face à l'univers impénétrable d'un garçon pas comme les autres.
Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
Lorsqu’elle avait dix ans, quelque chose s’est passé que sa famille préfère oublier mais qui ne cesse de la hanter, à jamais habitée par la culpabilité. Désormais trentenaire, la narratrice n’a pas de mots pour nommer ce qui ne lui revient que par bouffées d’émotions. Alors, dans un récit qui ne parviendra à exprimer les faits qu’en toute fin, ses ressentis d’avant cette Nuit majuscule lui reviennent par boucles itératives, tournoyant inlassablement autour d’une vérité trop lourde, dont on sait seulement qu’elle lui a arraché son frère jumeau en la laissant déchirée et bourrelée de remords. Qu’est-ce donc qui a fait disparaître David de la vie d’Olive ? Et pourquoi est-elle la seule dans cette famille à s’en torturer ?
Ils sont jumeaux, mais on ne peut plus dissemblables, elle jolie rousse comme sa mère, petite fille sage et douée comblant à la perfection les attentes maternelles, lui lourd et maladroit sous sa tignasse brune, débordé jusqu’à la violence par ses émotions, accumulant les retards d’apprentissage et préférant se réfugier dans son imagination, là où sa passion pour le monde ferroviaire lui permettrait de devenir lui-même un train. A dix ans, il ne sait pas s’habiller ni se doucher seul, ne fait pas de vélo et oublie qu’il sait nager. Quelque chose chez lui ne va pas qui ne porte pas de nom, qui n’empêche pas sa sœur de le comprendre et de l’aimer au plus fort de leur relation fusionnelle et de leur langage « barbapapa » de jumeaux, mais qui le transforme en « diable » aux yeux de leur mère débordée et excédée.
Cette maladie qui, non diagnostiquée, n’attire à la mère que la réprobation d’une mauvaise éducation, le père s’étant depuis longtemps retiré dans une absence lâche et commode, Olive est la seule à savoir la contourner pour rejoindre son frère dans la joie, le rire et la fantaisie. En total contraste avec leur affection complice, se creusent peu à peu les dysfonctionnements familiaux. Entre un mari inconsistant et une belle-mère intrusive se substituant au chef de famille, la mère empêchée par la maternité dans une carrière d’actrice n’a, seule, pas les ressources pour comprendre et aimer ce petit garçon inexplicablement différent des autres. Dominée par l’angoisse, la colère et la frustration, mortifiée par l’incompréhension réprobatrice de leur entourage, elle réagit en isolant et en surprotégeant l’enfant, se révélant en fait d’une extrême violence dans un huis clos où ne finissent plus par surnager que sa répulsion et son instinct de répression. Alors, ne sachant rien refuser à son frère malheureux, l’Olive de dix ans accepte de l’accompagner dans sa folie, cette fameuse Nuit de tous les regrets….
Avançant en spirale vers le siphon de cette issue fatale annoncée depuis le début, le récit creuse son chemin entre silence et non-dits, dans un chuchotement intérieur où, lancinants, douleur, impuissance et regrets se mêlent aux fulgurances sensibles et poétiques pour ressusciter une enfance morte en même temps que le lien fusionnel qui unissait la narratrice à son jumeau. Autisme, troubles du comportement ou maladie mentale : rarement aura-t-on évoqué de manière aussi superbement originale et bouleversante le désarroi qui règne aux frontières de la normalité, là où l’acceptation ou le rejet peuvent suffire à tirer irrémédiablement un être vers le haut ou vers le bas, du côté de la vie ou de celui de la soi-disant folie. Coup de coeur.
Une maison haute dans le Loiret, une cour, un tilleul qui ombrage la maison, Olive et David, des jumeaux, inséparables, fusionnels, ils ne savent pas passer quelques instants l'un sans l'autre. Ils sont complices et pourtant aux yeux de leur mère, si différents.
Olive est la fille parfaite, modèle, obéissante, la préférée. David est particulier, dans son monde, imprévisible, il peut se mettre à crier, devenir violent, il veut devenir un train.
C'était un jeu au départ, devenir un train, cela devient un rêve, un but, une obsession, sa réalité.
A dix ans, Olive a fait une promesse à son frère, elle voulait la tenir, elle l'aimait trop c'est le drame de sa vie.
Vingt ans plus tard, Olive revient sur cette nuit, sur son enfance, elle veut comprendre.
Le père absent, démissionnaire, la mère castratrice, dominante qui veut tout contrôler. Trop contrôler par peur ? Elle est continuellement aux aguets, écoute, surveille et oublie peut-être d'essayer de comprendre son fils, ses larmes, ses cris, ses crises d'asthme, sa violence, ses souffrances, sa différence.
Ce texte est magnifique, l'écriture est sensible, délicate, envoûtante. Abigail Assor va au coeur des sentiments, dans la profondeur des êtres. De courts chapitres, poétiques, un peu nostalgiques nous parlent du dysfonctionnement de la famille, d'amour et de folie.
Un récit magnifique rempli d'émotions que je garde en moi bien après la lecture.
A lire absolument !
Ma note : ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Je l'aimais trop. L'aimer a bien été le drame de ma vie.
David était mon frère et moi j'étais sa soeur, mais j'étais aussi sa frère et il était mon soeur : son prénom était mon prénom, son visage était mon visage et un fil invisible au-dessus de nous reliait nos deux corps et les faisait bouger comme deux marionnettes. C'était nous, c'était comme ça. Après la nuit, ça l'était encore. Pour moi, ça l'était à jamais.
Maman disait toujours que la neige c'était mieux que le cinéma. Elle disait que personne ne pouvait hurler sous la neige, car celle-ci rendait tout calme et reposé, et tout était alors parfait ; la voir ainsi qui tapissait tout, c'était ce qu'elle préférait.
Mais il n'y avait pas d'autre chose. Mes os avaient poussé là-bas, dans l'enfance avec David. Ils avaient à l'intérieur de moi imprimé un réseau, une carte du Loiret et de ses fleuves, un plan de notre maison haute, où, avant cette nuit de malheur, nous étions encore frère et soeur. Devant maman, j'ai longtemps tenté de faire taire ses pensées obsessionnelles. Peut-être craignais-je qu'elle les lise.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/10/la-nuit-de-david-abigail-assor.html
Certains romans laissent une trace indélébile dans notre esprit sans que l'on discerne précisément les raisons qui ont conduit à un tel choc. "La Nuit de David" d'Abigail Assor est de ces romans-là qui percutent quelque chose de notre être, peut-être du côté du coeur ou du côté de l'estomac, ou encore du côté de l'entendement, à moins que ce ne soit dans notre histoire intime, vaguement refoulée ? Ou bien est-ce justement l'entièreté de notre "moi lecteur" qui se trouve comme raviné par cette lecture ?
D'un enfant trop turbulent, ma grand-mère disait qu'il avait "le diable dans le ventre". La mère d'Olivia, que tout le monde appelle Olive, et de David ne dit pas autre chose : son fils a "un diable, voilà, c'était la seule chose à retenir" (p.77). La voix d'Olive, adulte, revisite son enfance avec son frère jumeau dans cette maison "perchée sur un roc escarpé qui donnait sur le Loing" (p.21). Ce pourrait être une enfance enchantée par la complicité et l'amour qui lient les jumeaux et par la présence des parents et de la grand-mère, mais très vite un malaise latent enclave les souvenirs égrenés. Que s'est-il passé lors de cette Nuit de juin 2001 pour que plus rien ne soit pareil, pour qu'Olive ne puisse l'évoquer que par petites touches à travers "le bal familial des contrariétés" (p.23), comme si la douleur était encore cuisante ?
Car là où Olive s'adapte au monde et en accepte les injonctions et les contraintes, David se heurte, s'écorche, hurle, convulse, s'oppose et transgresse, nourrissant ainsi le cercle vicieux du désamour, du rejet et de la rébellion. Là où Olive est le miroir dans lequel leur mère aime se refléter, David "avec ses cheveux en bataille, son cou rouge d'eczéma, sa mâchoire épaisse et délassée [...] son nez renflé" (p.23) ne peut répondre au désir d'harmonie de sa mère. Alors que l'enfant rêve de "devenir un train" et de fuir une réalité déconcertante, sa mère, démunie devant ses crises de violence, le maintient sous une surveillance asphyxiante, lui refusant tout droit à l'autonomie. "Voilà, il faut imaginer ça : un enfant lancé dans une course furieuse entre les fauteuils et les vases d'une maison pour ne pas se laisser engloutir par elle." (p.109)
A mesure qu'Olive se remémore les différents moments de son enfance et de celle de son frère, la Nuit de David devient métaphorique : c'est à la fois une date, juin 2001, mais c'est aussi la souffrance du petit garçon face à un monde qui lui reste indéchiffrable. C'est aussi la nuit dans laquelle Olive a plongé à partir de ce moment-là.
L'histoire que raconte Abigail Assor par la voix d'Olive m'a chavirée. Par son intrigue et par les personnages, mais aussi par la construction du roman et les choix narratifs opérés par l'autrice. Même si la narratrice est adulte, c'est par ses yeux d'enfant qu'elle continue de voir son frère et les mots qu'elle emploie pour en parler sont teintés encore de tout l'imaginaire enfantin, de ses excès, de ses promesses, de ses serments et de la culpabilité de les avoir trahis. L'amour qu'elle porte à son frère, même s'il ne va pas jusqu'à trahir sa mère, transparaît dans la finesse de sa compréhension. Et ce qu'elle en dit est tellement beau, tellement juste ! "Je ne le voyais jamais aussi gai qu'au réveil, avant que le monde ne l'accable. Il ouvrait les yeux déjà réjoui de vivre, et c'était ça qui peut-être avait constitué le socle de mon chagrin : de n'avoir jamais vu en lui aucun espoir, mais seulement la certitude chaque matin qu'il serait aujourd'hui un petit garçon heureux." (p.22). La limpidité, la fluidité de l'écriture, sa capacité à exprimer la complexité des sentiments, la violence des émotions et l'ambiguïté des attitudes, servent admirablement les méandres du récit. La structure de celui-ci, qui retarde la narration de la fameuse "nuit", instille une tension qui va crescendo à mesure que les enfants grandissent et que la mère s'enfonce davantage dans l'hostilité.
Il me faudrait bien des pages pour aborder tout ce que "La Nuit de David" a fait surgir. Par son propos, par l'histoire qu'il rapporte et par la force imageante d'une écriture sensible, ce roman déchirant fut un choc, pour moi. Et il n'a pas fini de me hanter.
La gémellité n’est qu’une histoire de date pour ces deux enfants, si différents l’un de l’autre. Elle, la peine fille parfaite, jolie première de classe, et lui, avec son diable dans la peau, maladroit, disgracieux et insupportable … Et pourtant entre les deux, selon un langage codé qu’ils sont les seuls d’utiliser, la communion est profonde. Elle le suit dans ses rêves, et est prête à tout pour qu’ils se réalisent, même celui de devenir un train !
On sent venir le drame, on le craint page après page, interrompant une apnée lorsque le répit se prolonge. Il y a quelque chose d’une thriller dans ce roman.
Et puis, tel le bourdonnement d’une mouche qui vient t’interférer de façon inopportune, la mère, qui suscite à la fois l’empathie face au désespoir que lui inspire son rejeton, mais aussi le mépris pour celle qui n’a rien compris, et plus, induit chez l’enfant une incapacité surajoutée.
Roman riche pour ce qu’il dit des liens familiaux, et pour la qualité de l’écriture qui sait dresser des portraits en demi-teinte de chaque personnage et mettre en scène les interactions qui créent le décor.
192 pages Gallimard 15 août 2024
La nuit dans la pénombre de leur chambre, Olive et David, les deux jeunes jumeaux aiment à se faire des confidences face au tilleul qui étend ses branches odorantes jusque sous leur fenêtre. « Un jour, Olive, je serai un train ». Une litanie, comme une prophétie qu’il répète sans cesse pour ancrer cette certitude dans l’esprit de sa sœur. « Un jour, Olive, je deviendrai un train. Ce serait comme les loups garous. A minuit, si je me mettais à courir sur les rails, très très vite, le plus vite possible, alors je deviendrai un train ». Un scénario tant de fois imaginé qu’il finit pas sceller un pacte entre les deux enfants. Un pacte funeste qui conduira à cette fameuse Nuit, sans savoir qu’elle les séparera à jamais alors qu’ils n’avaient que dix ans.
Plus de vingt ans plus tard, Olive revisite les années qui ont précédé cette Nuit pour faire renaitre le lien indéfectible qui l’unissait à ce frère étrange et différent. Une différence physique d’abord. Elle, aux lourds cheveux roux, comme sa mère, lui aux boucles brunes, comme personne. Elle, sage, réfléchie et posée, lui, imprévisible, hyperactif et parfois violent. Souvenirs d’une sœur protectrice et clairvoyante, tiraillée entre son amour pour son frère, et celui pour sa mère, écartelée entre sa part d’enfance et de rêve, et son envie de grandir.
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« Parfois me venait en éclat cette idée bizarre, l’idée que mon frère pouvait réellement vivre dans un monde différent du mien, où des trains faits de la même chair que les petits garçons fonçaient aveugles loin de leur sœur ».
Ce roman est bouleversant, déchirant de beauté. Le récit d’un amour fusionnel et infini entre ces deux enfants « liés entre eux par un fil invisible, les faisant bouger comme des marionnettes ». Alors quand le fil est cassé, Olive remonte celui des souvenirs, revit les moments heureux de cette enfance choyée, repère les fêlures et tente d’identifier ce qui aurait permis d’identifier le pire. Il y a une grande tendresse dans ces pages, et beaucoup de douceur, contrepoints de l’agacement, des cris et de la colère de cette mère que l’on aimerait plus douce ou plus compréhensive, contrepoints de l’indifférence froide ce père quasi absent. Inexorablement, la tension monte au fil des pages et on voudrait de tout cœur éviter le drame que l’on attend avec angoisse et que l’on devine avec effroi, quand peu à peu se dissipent les brumes de cette sombre Nuit. Avec beaucoup de pudeur, avec subtilité, sans jamais nommer la pathologie de David, Abigail Assor nous dresse le portrait intime et touchant d’un enfant pas comme les autres, vu au travers du prisme de l’amour inconditionnel d’une sœur à jamais rongée de culpabilité. Ils sont rares les livres qui questionnent la folie. Celui-ci le fait avec une sensibilité remarquable, qui serre le cœur et tire les larmes.
Un roman fort et intense.
J’ai vraiment été touchée par David, ce jeune homme en perte de repères qui cherche à comprendre sa place dans le monde. Abigail Assor nous plonge dans son intimité avec une écriture très sensible, et parfois même bouleversante. Il y a un mélange de fragilité et de dureté qui m’a captivée. Je me suis sentie complètement immergée dans son univers, dans ses doutes et ses frustrations.
J’ai également ressenti quelques moments de frustration pendant ma lecture. L’intrigue a tendance à traîner et j’ai parfois eu l’impression de tourner en rond, sans avancer. C’était un peu frustrant, car je m’attendais à un rythme plus soutenu ou à des révélations plus marquantes. De plus, le personnage de David, bien que complexe, m’a semblé distant par moments. J'avais du mal à m’attacher à lui, a vraiment le comprendre.
Malgré tout, ce roman a quelque chose de puissant. Il fait réfléchir sur des thèmes comme la solitude, la quête de soi et la difficulté de s’épanouir dans un monde qui semble trop grand, trop flou. Ce n’est pas un livre qui se lit facilement, mais il m’a marquée.
Roman découvert il y a quelques jours après l'avoir reçu dans le cadre des coup de coeur du mois des lecteurs de Fémina.
Gros coup de coeur pour ce second roman d'Abigail Assor, les chapitres sont courts. Une exploration des failles d'une famille. Un roman poignant et sensible qui nous fait chavirer, une oeuvre intime et exutoire, une plume envoûtante, une enfance cruel et belle, nuit ultime.
Enfance, Famille, Manque d'amour, Effacement, Folie.
"David baisse le regard, fait un pas triste vers la maison. Mais moi, je ne baisse pas le regard. Moi, je regarde Maman. Je me mets alors à danser. C’est un numéro de music-hall avec du mime et des chansons, des pirouettes, un numéro de clown et de magicienne, de gymnaste, que j’ai cent fois déployé pour mon frère. Et David, près de moi, se met à danser aussi. Nous dansons dans l’allée en fixant notre mère ahurie sous le ciel noir. Le bitume sous nos pieds se transforme en rails et sur les rails, nous dansons et nous rions comme deux petits diables. Je fais ce rêve et ce n’est pas ce qui s’est passé pour de vrai, cette nuit-là"
Au début, ça ressemblait à une blague. Un jeu, une bêtise. “Un jour, Olive, je deviendrai un train, me soufflait-il tout petit avant que l’on s’endorme.” Et puis ça a tourné à l’obsession. À la folie. “Il me disait quand tu es un train, tous les arbres s’écartent pour te laisser passer et font des révérences. Il me disait quand tu es un train, tu creuses des chemins qui n’existent pas et de là, tu comprends toutes les choses, tu vois tous les secrets.” Plus qu’un rêve, devenir un train était, pour David, la seule issue possible. La seule issue comprise, acceptée, approuvée par sa sœur jumelle Olive, si différente de lui, si coquette, si parfaite. Ce projet fou, ils l’ont mis à exécution alors qu’ils avaient tous deux dix ans, lors d’une nuit d’été.
Vingt ans après, Olive cherche les racines
de cette Nuit. Elle se souvient des derniers préparatifs, complices, chuchotés joue contre joue dans leur chambre, et aussi de “la cascade des catastrophes” qui les ont précédés. Leur dernier anniversaire désastreux, le rendez-vous chez le psychiatre, les crises de larmes et de cris, l’asthme, l’eczéma et les difficultés de son frère pour faire ses lacets, lire l’heure, rouler à vélo. “Depuis longtemps, Maman avait décidé que j’étais d’une intelligence supérieure, contrairement à David qui, lui, était nul en tout.”
Peu à peu, le lecteur discerne, horrifié, les contours de cette fameuse Nuit, cette ultime Nuit, et aussi les contours de tout le reste, de cette enfance piégée par le regard d’une mère. On lit avec angoisse, avec épouvante, en retenant son souffle, comme pour retenir David. Il fallait la douceur du point de vue d’une sœur et l’écriture d’une sensibilité inouïe d’Abigail Assor pour affronter cette histoire. Car Olive est la seule à comprendre la triste et sombre folie de ce tout petit garçon, loin des “Tu le vois bien, qu’il y a un problème” maternels. La seule à l’aimer irrémédiablement, malgré les morsures.
C’est un roman qui questionne la folie. Celle qu’on exprime, celle qu’on hurle, celle qu’on pleure. Ou pire, celle qu’on maquille, celle qui donne aux enfants l’envie de s’éloigner à grande vitesse, dans un grand bruit de ferraille.
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