Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
«Il y avait l'odeur des brochettes, les gars des tables Coca-Cola qui la sifflaient : t'es belle petite, le bruit sur le terrain d'en face avec les chants du Raja, l'équipe de foot de Casa ; il y avait le vent frais de janvier, le tintement des canettes qui s'entrechoquaient, les insultes, les crachats ; et il y avait Driss, là, sur le côté. Elle le voyait, géant sur ses jambes courtes, une main tranquille sur l'épaule du flic, et l'autre fouillant sa poche pour lui glisser un petit billet de cent, sa bouche lançant quelques blagues entendues, un clin d'oeil de temps en temps ; et le flic en face souriait, attrapait le billet, donnait à Driss une tape dans le dos, allez, prends une merguez, Sidi, ça me fait plaisir. Driss, le géant au milieu des pauvres, Driss le géant qu'elle venait d'embrasser, pensait Sarah ; avec son fric, il n'y aurait plus jamais de flic, plus jamais de lois - ce serait eux deux, la loi.»
Années 1990, Casablanca. Sarah n'a rien et à la sortie du lycée, elle rencontre Driss, qui a tout ; elle décide de le séduire, elle veut l'épouser. Sa course vers lui, c'est un chemin à travers Casa et ses tensions : les riches qui prennent toute la place, les joints fumés au bord de leurs piscines, les prostituées qui avortent dans des arrière-boutiques, les murmures faussement scandalisés, les petites bonnes harcelées, et l'envie d'aller ailleurs. Mais ailleurs, c'est loin.
Un roman étonnant.
Nous suivons Sarah, 16 ans, qui rêve d'une vie meilleure, sortir de la pauvreté, s'éloigner du chemin de la misère et ne plus avoir faim.
Devenir riche en sommes, et cela passe par un homme pense-t-elle.
Le propos est féroce pour ce Maroc des années 90 ; la crasse, le dénuement, la drogue, la classe dirigeante qui frappe, humilie les plus faibles, la corruption et une jeunesse désœuvrée.
L'écriture est ciselée, fluide et le rythme parfois un peu lent à l'image de ce parcours de vie.
C'est cruel, pessimiste, déprimant et émouvant.
Premier roman d’Abigail Assor, « Aussi riche que le roi » nous emmène au Maroc en 1994. Sarah, une jeune fille française de seize ans, vit avec sa mère à Casablanca dans un grand dénuement. Les deux femmes partagent une minuscule maison délabrée à la limite d’un bidonville, et Sarah ne possède rien à part sa grande beauté. En raison de sa nationalité, elle ne paye pas les frais de scolarité du Lycée Français, qui est essentiellement fréquenté par les enfants des familles marocaines fortunées de Casablanca.
Les classes sociales sont étanches, et tout est codifié : pour aller au lycée, Sarah, qui dissimule sa pauvreté, refuse de prendre le bus car l’usage est d’avoir une voiture avec chauffeur, se cache pour manger des sandwichs car la bourgeoisie déjeune au café hors de prix à côté du lycée. Sarah navigue de petit ami en petit ami, qui lui paient des repas, ou le dernier jean à la mode. Un jour, elle entend parler de Driss, au physique ingrat et au comportement un peu bizarre, dont on lui dit qu’il est « aussi riche que le roi ». Sarah se met en tête de se faire épouser par le jeune homme…
Abigail Assor réussit à rendre attachants et touchants ces deux jeunes gens qui, à premier abord, ne sont pas des plus sympathiques, entre Sarah qui agit essentiellement par intérêt, et Driss qui est quasiment mutique et peu sûr de lui. Et pourtant, une connexion s’installe entre ces personnages que tout semble pourtant opposer…
J’ai beaucoup apprécié ce livre, que j’ai trouvé très maîtrisé, a fortiori pour un premier roman. L’ambiance m’a rappelé un film vu il y a quelques années, « Marock », qui met également en scène des lycéens de la bourgeoise marocaine. Les descriptions sont particulièrement réussies, j’avais vraiment l’impression d’être à Casablanca : les lieux, les atmosphères, les odeurs, sont vraiment très bien rendus, et les personnages très incarnés.
Un très beau roman et une autrice à suivre !
Sarah est belle. C'est tout ce qu'elle possède.
Elle vit dans les quartiers pauvres, au milieu des bidonvilles, des déchets, des sifflements.
Mais elle est belle.
Alors elle minaude. Elle sourit, elle flirte. Fréquente les adolescents du quartier huppé d'Anfa. Ses silences mentent. Ses mots aussi. Elle dit je t'aime pour un jean de marque, un soda, un sandwich. Elle dit je t'aime quand elle offre ses cuisses, son ventre, ses reins, elle dit je t'aime, Sarah, pour leur faire oublier qu'ils ne sont pas le premier. Ne le seront jamais.
Et puis, un jour, elle rencontre Driss. Decide que ce sera lui. Il est laid, Driss, laid au point de n'avoir jamais embrassé aucune fille. Il est laid, même ses yeux couleur de thym n'y peuvent rien.
Pourquoi lui alors ?
Parce qu'il est aussi riche que le roi.
L'histoire s'accélère.
L'un et l'autre aux prises avec leurs chaînes, celles des traditions, celles de la misère.
Au point de se ressembler.
Au point de s'aimer malgré tout.
Comme le revers d'une même pièce. D'une même plaie.
D'une écriture sensuelle, dans sa restitution des parfums, des couleurs... Chaque mot semble s'approcher au plus vif de Sarah, au plus secret de ses désespérances.
Une plume en nuances, comme je les aime.
Un conte moderne qui vient cracher sur les fées.
Lu dans le cadre du #prixfrancoisesagan2022 , j'avoue avoir passé un très très bon moment
Roman époustouflant et qui vous tient en haleine jusqu’au bout, « Aussi riche que le roi » vous plonge dans la brutalité de la société marocaine des années 90.
On est tout de suite happé par la vitalité qui émane de Sarah, cette jeune française si pauvre qu’elle doit vivre à l’orée d’un bidonville de Casablanca avec sa mère qui se vend aux français du Cercle pour survivre. Mais sa pauvreté, elle la cache par fierté, plutôt marcher à pied que prendre le bus comme une fille du peuple. Ses efforts ne dupent personne sauf elle-même qui poursuit de grands rêves. Elle est sûre que sa beauté lui permettra d’accéder au mariage avec un homme riche, et elle vivra dans le quartier d’Anfa où s’élèvent les villas cossues des riches.
Parce qu’elle est française, Sarah fréquente le lycée français et côtoie cette jeunesse dorée. Sa beauté et sa débrouillardise lui ouvrent des portes jusque-là interdites.
Sarah s’est construite deux vies, celle de la fille cool et riche qui s’immisce parmi les gosses de riches et la Sarah des bidons villes où les gamins survivent en mendiant et en vendant de la drogue ou des cigarettes et où la violence est le quotidien des habitants. Cette vie de débrouillardise au jour le jour aurait pu continuer longtemps qu’il n’y avait eu Driss que les autres disent « aussi riche que le roi ». C’est donc lui que Sarah doit séduire pour se faire épouser. « Je suis amoureuse de toi », c’est avec cette phrase qu’elle apprivoise le garçon riche mais timoré et décalé dans son monde. Il est aussi très laid avec une démarche de canard et ne s’intéresse qu’à sa moto et aux mécanismes de ses montres, mais Sarah ne retient que le vert de thym de ses yeux. Leur solitude va les rapprocher, et « le petit mari » comme l’appelle Monique la mère de Sarah, sera le seul à entrer dans le cercle de pauvreté de Sarah. Faisant fi des codes de la société et de la ségrégation qui fait loi entre les riches, les pauvres et les appartenances religieuses dans un régime autoritaire et policier, Driss et Sarah vont se mettre à rêver d’une autre vie, une vie libre comme une course en moto, et pourquoi pas une vie en Amérique.
Cette histoire est un contre moderne et cruel, le récit initiatique de deux enfants décalés qui n’auraient jamais dû se rencontrer et qui aspirent à une liberté dans une société codifiée et surveillée.
L’écriture, fluide, précise, restitue parfaitement l’agitation de la rue, ses odeurs, la saleté, en contraste avec le jardin de la villa de la famille de Driss, monde luxueux et fermé. On s’attache à Sarah et Driss et leurs amis et on se laisse bousculer par ce monde de contrastes aux parfums de merguez, de kif et de Giorgio Armani ou l’injustice sociale n’a jamais été aussi poignante.
Une lecture addictive pour un premier roman maitrisé.
Il est assez difficile de vous décrire ce livre au premier abord, c’est avant tout une ambiance : l’odeur des viandes qui cuisent, l'agitation des rues, les milk-shakes collants et cette société où les classes sont profondément ancrées. Vivant au bord du bidonville de Casablanca Sarah veut s’extraire de sa pauvreté, quoi qu’il lui en coûte, et lorsqu’elle croise Driss qui est riche, peut-être même autant que le roi, elle succombe. S’il est plutôt laid (mis à part ses yeux couleur de thym), elle possède une beauté qui attire les hommes et les empêche de la quitter des yeux. Ne vous attendez pas à une jolie romance, nous ne sommes pas dans un conte de fée, mais dans une ville où le fossé entre les riches et les pauvres est immense. C'est un premier roman d’un réalisme époustouflant, sur une ville où l’argent est maître, et où chacun doit rester à sa place.
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