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«Les gens heureux ne boivent pas, décréta-t-elle. Qu'un peu de pitié, par grâce, accueille ceux qui cherchent dans la boisson un bonheur illusoire, ou plutôt le mépris du bonheur inaccessible. Ce vice, il est inutile de vouloir le combattre. Il serait vaincu s'il était possible de créer la joie en ce monde.» Voici le portrait de Guita, une buveuse distinguée. Héroïne pleine d'esprit, elle trouve la source de son seul bonheur véritable dans l'alcool. À côté, tout ne lui paraît que souffrance et ennui. Malmenée par la vie, le quotidien, la société et les hommes, la jeune Guita morcelle le temps, entre ébriété, dégrisement et manque : une ritournelle pour supporter sa peine. Pour raconter ces sensations procurées par l'ivresse, Colette Andris découpe son roman en «points d'alcoolisme». Intitulés Éveil, Initiation, Insomnie, Flirt, Spasmes ou Éthers, ces courts chapitres décrivent avec une ironie sévère et sans pudeur l'addiction de son personnage. On redécouvre une plume colorée et scandaleuse injustement tombée dans l'oubli. Publié en 1929, ce roman lève le voile sur un sujet encore terriblement tabou : l'alcoolisme chez la femme.
Colette Andris fait partie de ces grandes oubliées. À son actif, des études de lettres, une carrière de danseuse nue et trois romans. Tout ça en trente-six petites années d’existence, au début du XXe siècle. La collection “L’Imaginaire” de Gallimard réveille pour nous son premier ouvrage, "La femme qui boit".
Guita n’a que huit ans lorsqu’elle expérimente pour la première fois cet état “où tout semble nager au sein d’un néant consenti”, alors que son père refuse de lui acheter un filet à papillons. Cette fois-là, elle boit par hasard, par rancune, par vengeance. Toutes les autres si nombreuses fois, elle boira par plaisir.
Telle la déambulation d’une femme sublime et saoule, le roman explore les “points d’alcoolisme” de Guita qui voit le monde à travers le prisme trouble de l’ivresse. Comme à cette soirée où elle octroie à chaque convive un breuvage.
Sa voisine, une “grosse dame minaudière”, devient une bouteille de Grand Marnier. Son amant ? Rien d’autre que “le bon litre de vin rouge plein de sécurité”. Et cet homme terne de cinquante ans ? “L’eau minérale en personne.”
Dans de courts chapitres parfois voluptueux comme peut l’être l’ivresse, parfois asséchés comme une gorge un lendemain de soirée, c’est toute une vie d’alcool qui s’écoule.
L’enchantement du premier verre, le doux ronron des cafés à l’hospitalité banale, ces grands crus qui font l’âme radieuse, l’écrasante indignité de l’alcoolisme féminin, les nuits d’insomnie, les multiples amants et les quelques viols.
Le livre date du début du XXe dans “ce Paris d’amour et de vice” et pourtant rien n’a changé. On pourrait presque l’apercevoir encore aujourd’hui, un verre à la main, la mine grise, l’œil fatigué mais le sourire aux lèvres. On lui dirait : “Guita, tu bois trop !” Elle répondrait : “M’en fous.”
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Hello :-) Merci pour cette découverte remarquable. Et hop dans ma liste de souhaits! Bien à vous