Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Colette Andris fait partie de ces grandes oubliées. À son actif, des études de lettres, une carrière de danseuse nue et trois romans. Tout ça en trente-six petites années d’existence, au début du XXe siècle. La collection “L’Imaginaire” de Gallimard réveille pour nous son premier ouvrage, "La femme qui boit".
Guita n’a que huit ans lorsqu’elle expérimente pour la première fois cet état “où tout semble nager au sein d’un néant consenti”, alors que son père refuse de lui acheter un filet à papillons. Cette fois-là, elle boit par hasard, par rancune, par vengeance. Toutes les autres si nombreuses fois, elle boira par plaisir.
Telle la déambulation d’une femme sublime et saoule, le roman explore les “points d’alcoolisme” de Guita qui voit le monde à travers le prisme trouble de l’ivresse. Comme à cette soirée où elle octroie à chaque convive un breuvage.
Sa voisine, une “grosse dame minaudière”, devient une bouteille de Grand Marnier. Son amant ? Rien d’autre que “le bon litre de vin rouge plein de sécurité”. Et cet homme terne de cinquante ans ? “L’eau minérale en personne.”
Dans de courts chapitres parfois voluptueux comme peut l’être l’ivresse, parfois asséchés comme une gorge un lendemain de soirée, c’est toute une vie d’alcool qui s’écoule.
L’enchantement du premier verre, le doux ronron des cafés à l’hospitalité banale, ces grands crus qui font l’âme radieuse, l’écrasante indignité de l’alcoolisme féminin, les nuits d’insomnie, les multiples amants et les quelques viols.
Le livre date du début du XXe dans “ce Paris d’amour et de vice” et pourtant rien n’a changé. On pourrait presque l’apercevoir encore aujourd’hui, un verre à la main, la mine grise, l’œil fatigué mais le sourire aux lèvres. On lui dirait : “Guita, tu bois trop !” Elle répondrait : “M’en fous.”
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