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Comment devenir adulte lorsque l'on a, comme Nyx, le cerveau qui fonctionne à toute allure, que l'on analyse le sens de chaque mot et que les défauts du monde ne peuvent nous laisser de repos ? J'aimerais avoir peur de la mort, c'est le récit d'une jeune femme à la recherche des émotions perdues et une plongée dans son esprit tourmenté. Le passé et le présent y tournoient, parfois dans le regret, parfois dans l'espoir ou même la sentence, mais jamais dans l'indifférence, quitte à affronter la mort si l'amour, si bancal soit-il, venait à disparaître.
Fanny-Gaëlle Gentet, cinéaste et auteure, est née à Paris en 1992 et a fait ses études en France et aux États-Unis. Elle a réalisé trois courts-métrages : L221-6 (France), un drame sur l'euthanasie, Trifles for a Massacre (États-Unis), une plongée dans l'univers gore d'un bédéiste tueur en série et Derrière le masque, une fable sur les rapports humains et la place du handicap dans notre monde moderne. Parallèlement, elle écrit pour le théâtre et travaille en tant que monteuse sur de nombreux projets entre la France, l'Italie et les États-Unis, parmi lesquels le documentaire Graffiti à New York, le court-métrage Frankie : Italian Roulette (nommé au Nastro d'Argento) ou la célèbre web-série milanaise EstremiRimedi.
"Il y aurait deux sortes de gens qui n'auraient pas peur de la mort, les gens pour qui tout va déjà bien [...] et ceux pour qui rien n'ira jamais bien". Nyx est une jeune femme de 24 ans, qui considère appartenir à cette deuxième catégorie. En dehors de son étrange prénom, elle a la particularité d'être dotée d'un cerveau hyperactif, qui ne s'arrête jamais de tourner, qui analyse, auto-analyse, décortique, anticipe, s'inquiète, s'angoisse, se pose des millions de questions, réfléchit encore et encore. Nyx se sent différente, en décalage, mal dans ses baskets, dans un passage délicat de sa vie, qui n'est rien d'autre que celui du passage à l'âge adulte et de la perte de l'innocence : "J'ai 24 ans, il y a dix ans je savais qui j'étais. J'étais pleine de questions, pleine de doutes, je n'étais pas construite, pas « finie », mais j'avais une jolie liste avec mes rêves et mes espoirs. [...] Je savais ce que je voulais et surtout ce que j'étais prête à faire pour l'avoir. Ce que je ne savais pas c'est que je pourrais perdre tout cela. Que je pourrais me réveiller un matin et n'avoir aucune idée de ce que je veux vraiment [...]. C'est pas grandir qui est dur, ce qui est dur c'est de décrocher le poster qu'on avait épinglé au-dessus de son lit, ce portrait de soi-même adulte tel qu'on l'avait imaginé, de remplacer ce portrait par un miroir et d'aimer ce qu'on y voit autant qu'on avait aimé ce poster. J'ai l'impression de décevoir cette gamine, j'ai l'impression de la blesser, j'ai pas intégré que cette gamine n'existait plus et que la seule personne à qui je pouvais faire du mal, c'était moi". Nyx voudrait changer le monde, parce qu'elle le trouve moche, et pour cela elle a des tonnes d'idées qui bouillonnent dans sa tête, plus ou moins étayées, mais elle ne trouve pas la manière, l'énergie, l'audace de les mettre en oeuvre. Nyx voudrait aussi se changer elle-même, parce qu'elle se trouve tellement banale, imparfaite, mais là non plus, elle ne sait pas comment s'y prendre, et cela la met en rage: "Je crois que j'en veux juste au monde entier de ne pas être parfaite, j'en veux à moi-même de ne pas faire ce qu'il faut pour être parfaite, je m'en veux d'avoir la flemme, d'avoir peur, de ne pas savoir, d'être incapable, d'être impuissante. Je m'en veux d'être si banale et je vous en veux de me renvoyer ma banalité à la figure".
Nyx est probablement une hyper-sensible, peut-être un haut potentiel, ce qui est certain c'est qu'elle est exigeante avec elle-même, à peine moins avec les autres, qu'elle a peur d'eux, de leurs regards, de ce qu'ils pensent, de ne pas être à la hauteur (de ce qu'elle croit qu'ils attendent d'elle), de ne pas être aimée (ce qui ne l'empêche pas de s'embourber dans une histoire d'amour bancale). Cela ne lui rend pas la vie facile, et c'est terriblement usant: "Je suis coincée, seule avec mes pensées, mes inquiétudes, mes peurs, mes démons, je lutte sans cesse contre moi-même et la bataille entre moi et moi est exténuante et déchirante. Je cherche du répit, n'importe où". Et c'est difficile de trouver du réconfort quelque part quand on se sent incomprise : "...elle aurait voulu lui dire que son rôle n'était pas de la juger et d'insister, mais de la réconforter, de lui dire que tout irait bien, que les erreurs arrivaient à tout le monde et que c'était humain, pas que c'était parce qu'elle était nulle et pas fiable. Elle aurait voulu quelqu'un qui comprenne, pas quelqu'un qui l'engueule".
"J'aimerais avoir peur de la mort" est donc une plongée dans la tête et les pensées tourmentées de Nyx, écrite parfois à la première personne, parfois à la troisième, c'est sombre ou cocasse, cérébral, toujours lucide et sincère, et plein d'auto-dérision. C'est touchant aussi, parce qu'on aimerait lui dire qu'elle n'a que 24 ans et tout le temps et toutes les chances de se sentir mieux un jour.
Mais j'ai 20 ans de plus qu'elle, et je ne suis pas certaine de pouvoir lui promettre une chose pareille. Parce que le cerveau de Nyx ressemble assez bien au mien, malgré que j'ai presque le double de son âge. Et parce que je ne sais pas s'il y a un âge auquel on arrête de se poser des questions telles que pourquoi on vit, qui on est, à quoi on sert, comment avancer. Par moments j'ai trouvé cette lecture fatigante ou agaçante, parfois toutes ces questions, ce nombrilisme, ces "pleurnicheries" m'ont énervée. Je crois que c'est parce que, à ces moments, je me reconnaissais dans le portrait de Nyx, je m'y retrouvais avec ces défauts qui m'insupportent ou m'assomment, et que ça fait toujours un peu mal de se sentir aussi vulnérable et faillible.
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