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Bashô (1644-1694), moine errant, poète parmi les plus célèbres du Japon, est considéré comme le père du Haïku et l'un de ses plus grands maîtres.
Imprégné de sa pratique méditative zen, il lui donne sa structure et surtout son esprit : un tercet très court qui saisit l'essence de l'instant présent.
Ce carnet de voyage, qui associe prose allusive et haïkus d'une saisissante vitalité, marque un tournant dans la vie et l'oeuvre du poète. Suite au décès de sa mère, quittant sa vie sédentaire de Maître de poésie reconnu, il se lance dans une quête d'absolu, de total dépouillement, pour revenir à la pureté de l'expérience immédiate.
Les superbes haïga de Manda nous accompagnent dans ce voyage au coeur du Japon éternel et de l'intime aventure humaine.
Dans l’introduction de cet élégant ouvrage, André Vandevenne nous rappelle que Bashô était aussi calligraphe. La calligraphie et le haïku : deux arts de l’instant, de l’instantané - dirait un photographe- et ce n’est peut-être pas un hasard si les écrivains occidentaux se sont intéressés à cette forme poétique à la naissance de la photographie.
En effet, lorsqu’on lit ou qu’on écoute un haïku –puisqu’il est fait pour être dit- on est frappé par ce moment de beauté saisi sur le vif, mais aussi par la sensation d’étrangeté qui en émane. C’est que, contrairement au français, la langue japonaise n’utilise pas les articles, d’où cette impression de vers superposés, voire empilés comme les strates d’un sol.
Toute poésie est bien sûr un défi à traduire, et particulièrement celle-ci, profondément ancrée dans la culture japonaise, celle des lettrés et des philosophes bouddhistes et Zen. Pour mieux comprendre ce problème, on peut citer le célèbre haïku de la grenouille :
Un vieil étang et
Une grenouille qui plonge
Le bruit de l’eau
Le dernier vers de cette poésie contient, en japonais, une assonance qui évoque le son de la grenouille entrée au contact de l’eau. Intraduisible. Et l’on pourrait multiplier les exemples.
Pourtant cette poésie nous parle. Pourquoi ?
Le haïku est une triade souvent organisée ainsi : Un vers évoque un animal (cheval, singe, etc…), un autre un végétal (cyprès, bambous, hibiscus), et le dernier vers, le temps qu’il fait (pluie, brouillard, tempête).
C’est que le poète est un marcheur. Il chemine autour du Mont sacré des japonais, le Fujiyama. Et il observe. Tout un jour, c’est long pour celui qui gravit heure après heure des pentes escarpées. Mille sensations l’envahissent. Mais il est à l’écoute, car c’est la raison de son voyage, un voyage intérieur, dicté par la douleur due à la perte d’un être cher. Et il choisit, il choisit les mots les plus forts, passés au tamis de ses efforts sur la montagne. Cette force, nous la ressentons. Nous la goûtons. Nous pouvons même la renouveler, en psalmodiant le haiku comme un mantra.
Le haïku résonne aujourd’hui en nous d’une manière à laquelle n’avait sans doute pas pensé notre poète. Son minimalisme naïf, mais puissant, qui renvoie à l’essentiel, s’inscrit dans la démarche de ceux qui –de plus en plus nombreux- voient nos Sociétés comme des machines pillant sans état d’âme les ressources de notre planète. La nature est notre cocon. Bashô la respecte infiniment. Et, plusieurs siècles plus tard, nous aussi devons la respecter, car elle recèle bien des réponses à nos angoisses. Bashö, meurtri, y cherche un nouveau sens à sa vie.
C’est ce que nous cherchons tous.
Thierry Erhart et Marie-Hélène Fasquel :)
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