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Ce grand classique de la littérature roumaine « Fontaine de Trevi » est une référence. Un outil majeur pour les étudiants (es), en langue roumaine et en histoire.
La fontaine de Trevi dont le symbole est la mer. Serait-ce ici, le point qui relie la Roumanie et la France ? Ou bien celui de Letitia (narratrice de ce récit) dont la photo la montre en train de jeter une pièce roumaine dans la fontaine ?
« Sur la photo qu’aurelien a agrandie on voit très bien que c’est une pièce roumaine! Des mythologies et des rites préchrétiens. L’orthodoxie roumaine ! ».
Cette épopée d’une extrême richesse est une déambulation sur cinquante ans.
C’est Letitia, roumaine le maître d’œuvre de ce récit. Ce roman le troisième d’un triptyque, après « Vienne le jour », et « Situation provisoire », clôture le cycle de Letitia. Tous peuvent se lire individuellement.
L’autrice, Gabriela Adamesteanu a écrit ce dernier lors d’une résidence d’écriture en France.
Œuvre de renom, l’ubiquité au garde à vous, Letitia vit en France et retourne de manière constante en Roumanie pour tenter de récupérer son héritage. Petru Arcan, son mari, ressent les périples de Letitia comme autant de jours inefficaces et pointe du doigt l’idiosyncrasie roumaine. « Voilà le pays où tu fais la navette, sous le prétexte d’un héritage, sur lequel tu ne mettras jamais la main, jamais de la vie. Et tu veux encore me traîner là-bas, dans ce pays où tout le monde te jette à la figure sa biographie falsifiée… Ensuite, après 1990, même les gens remplis de bon sens ont perdu la boule ! Regarde ton ami Aurelien Morar ! L’anti communiste d’aujourd’hui, hier secrétaire de la propagande du Parti communiste … Vous ceux du « dehors » vous ne reconnaissez rien de bon ici, parce que vous ne pourriez plus justifier votre départ ».
Letitia retrouve les siens, les amis d’antan. Soulève les diktats, les faux-semblants, ce qui fut de cette Roumanie, elle Letitia Arcan en 2016.
Bucarest, 1990, la paix retrouvée. Après les drames incommensurables, les jeunes roumains, manifestants ou pas, écrasés par les chars. Jetés en prison, ou comme Serban Dumitriu, fauché par une balle le 21 décembre 1989. La fontaine de Trevi est en deuil.
Letitia rassemble l’épars. Manichéenne, lucide et la quête de son héritage pour acter la résilience. Les confiscations, les frustrations, les orphelins quasi abandonnés, la faim aux abois et les petits corps souillés par manque de froid. Les joues froides sans baisers de tendresse maternelle. Les avortements clandestins, celui de Letitia, où elle a échappé à la mort et se trouve mutilée à vie. La Roumanie est une blessure et un sanglot long. Elle, dont les images pavloviennes refont surface. L’amant, les déchirures, les rencontres et les abandons. Elle revient, repart. Foule sa terre-mère et se blottie dans les draps des souvenirs. Tant d’années sont passées et tout reste. Letitia aussi écrit comme Gabriela. Serait-ce le double cornélien des héroïnes d’une écriture mémorielle et insistante. Ne rien oublier, jamais. Le pays natal est un manteau de pluie. De noir et de blanc, précis et spectral. La métamorphose sera pour demain.
Le roman est envoûtant, tiré au cordeau. On ressent la renaissance d’une époque si près de nous encore. Le poids d’un livre profond et vertigineux. Les rêves blessés, les frustrations, les déchirures irrévocables. Letitia et ses courages, Letitia et ses luttes. Elle incante l’histoire d’une Roumanie sous le joug d’une dictature cruelle, lâche et minable. Les sentiments invincibles, parfois fluctuants au gré de l’évènementiel, la chute d’Icare.
Entre le passé et le présent « Dans quel monde vous vivez, Letitia ! Qu’est-ce que c’est devenu, cet Occident ! À Nice, pareil… À Berlin...À Stockholm... ». « Mais y-a-t-il encore un endroit sur terre qui soit dépourvu de ces écervelés ? ».
L’héritage est une parabole. Ce n’est pas seulement l’argent, c’est une question d’honneur et d’intégrité pour Letitia. Et la conclusion de ce qui fût de l’adversité, de ce mal au ventre, de ce bébé perdu, arraché parce que Letitia voulait la liberté. Être son choix. Des pillages aux filatures, des tortures et des barbelés sur le cœur. Ce grand roman est une saga qui sonne juste. Sa fulgurance est une page d’Histoire dévorante et hypnotique.
« Fontaine de Trevi » superbement traduit par Nicolas Cavaillès est un grand texte mémoriel. Un livre absolu digne d’un génie évident. La Roumanie requiem. Publié par les Éditions Gallimard.
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