"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Avec son écriture poétique, étoilée d'hommages littéraires (de D.H. Lawrence à Madame de Lafayette), Ariane Schréder explore les traumatismes de l'enfance et la magie des livres. Dans une douce mélancolie, son héroïne retrouve la force d'une amitié qu'elle avait crue disparue à jamais.
Louise vient d'apprendre la mort d'Iris. Elle part se réfugier dans son village natal, au creux des Pyrénées, abrité par un château Cathare. En retournant dans le hameau de son enfance, Louise replonge dans l'histoire de cette amitié qui l'a construite et l'a déchirée.
Iris était arrivée au village une nuit d'été, jeune femme charismatique, qui avait décidé de poser ses valises pour quelques temps. Comédienne, elle avait fait revivre la librairie (du chat qui dort) et son propriétaire, vieil ours pétri de chagrin. Sa venue avait transformé le petit village montagnard, se liant d'amitié avec les uns et les autres et prenant Louise, enfant de dix ans, sous son aile comme une grande soeur. Ses lectures dans l'unique café étaient devenues le rendez-vous immanquable des habitants. Et pourtant, un jour sans dire au-revoir, alors que la petite Louise était hospitalisée, elle était partie, presque en cachette. Laissant derrière elle les coeurs gros et l'incompréhension d'une enfant, qui croyait-elle, avait été abandonnée.
Je crois que, malgré la somme de livres lus et de commentaires rédigés, je ne parviendrai jamais à discerner la composition du philtre d'amour dont certains romans m'imprègnent. C'est un secret bien gardé que cette alchimie intime entre une histoire mise en mots, "en un certain ordre agencés", et mon "moi-lisant".
"Et mon luth constellé" d'Ariane Schréder est de ceux-là qui me tiennent sous leurs charmes sans que je sache précisément identifier la (les) source(s) de l'envoûtement.
L'histoire tient pourtant en peu de mots : une femme, Iris Dambre, meurt dans un accident d'avion et la narratrice, Louise, se remémore son apparition dans le petit village des Pyrénées où elle habitait avec Luce et Pierre, ses parents. Revenue sur les lieux pour les vacances, Louise tisse le passé au présent de la même manière que Luce, sa mère, tisse des robes de sirènes. Les habitants du village se souviennent tous d'Iris et des lectures qu'elle "faisait vivre", certains soirs, dans le café de Josette. Posté en sentinelle dans sa librairie du Chat qui dort, le vieux Georges continue de veiller sur ces "histoires qui ne se terminent pas et sur ces personnages qui ne disparaissent jamais" car ils passent d'une histoire à l'autre. Il suffit d'y être attentif et le preux Roland, la langoureuse Lady Chatterley, Ulysse aux mille ruses, Iris Dambre et d'ombre nous entraînent à leur suite, à travers les livres, jusqu'à pénétrer notre propre vie. Ils nous aident à la décrypter et à en éclairer tous les pans cachés.
Le titre du roman nous donne la clé de cette lumineuse mise en abymes de la littérature. Le nom des personnages, le décor, les situations, la prégnance de la nature et l'intensité des êtres ne cessent de nous renvoyer au poème de Gérard de Nerval et aux œuvres qu'Iris fait découvrir à ses auditeurs et à la petite Louise. C'est du grand art que cette architecture qui ouvre, de manière si subtile, sur de belles et multiples perspectives ! Et la souplesse de l'écriture, sa chaude fluidité, habite et habille chaque parcelle de ce royaume romanesque.
Il y a quelque chose de réconfortant et de très doux dans ce roman qui nous parle d'humanisme, de transmission et de trahison. Qui nous parle d'amours humaines et littéraires en les mariant par de splendides épousailles. La magie indicible du roman d'Ariane Schréder continue de m'accompagner, de me soutenir, de me murmurer les histoires tissées depuis la nuit des temps et de les rendre miennes. Lire ces mots qui vivent, me donne vie et me laisse entrevoir des parcelles d'éternité. Roland furieux, Iris de l'ambre et de l'ombre, Georges du Chat qui dort et Jojo du cat qui éveille, merveilleuse Alice et Stella étoile noire, tour abolie et château en ruines, luth constellé, lyre orphéenne et lire. Lire encore. Lire toujours.
« Et mon luth constellé » n’est pas qu’un pan du magnifique et mystérieux poème de Gérard de Nerval, El Desdichado, c’est aussi une histoire. Une sublime, une émouvante histoire contée par Ariane Schréder. Celle de vies qui s’entrecroisent, dans un tout petit village pyrénéen ( là où « les gens n’ont jamais vu la mer ») surplombé par un château cathare.
S’il m’a tant émue, c’est parce que je connais bien ce lieu.
S’il m’ a tant touchée, c’est parce qu’il est un bijou de poésie, de sensibilité, de délicatesse, et un superbe hommage à la littérature.
C’est l’histoire d’Iris, comédienne citadine, femme fantasque et fantastique, surgie d’on ne sait où, juchée sur ses chaussures à semelles compensées. Iris , mythologique messagère des dieux. Iris, qui va bouleverser l’existence de ce village…
« Alors, Iris est quand même entrée. Elle est arrivée par une nuit d’été. C’est Jojo qui l’a découverte… ll a dit « Là-haut, il y a une demoiselle qui dort dans sa voiture ». Il a ajouté « On dirait une fée » .
C’est l’histoire d’une petite fille de dix ans, Louise...
C’est l’histoire de ce fil magique, de ce lien lumineux que génère la littérature. Car Iris va lire, le soir, à la tombée de la nuit . Ou plutôt, elle va incarner des lectures. Uniquement des classiques, qui proviennent de la librairie du vieux Georges, des histoires d’amour-passion. Des mots lus contre une chambre mansardée.
C’est l’histoire d’une promesse non tenue, d’une fuite, d’un secret, d’une quête.
J’ai été bouleversée par ce roman.
Mes racines cathares ont vibré en respirant l’air de ce village et de ce château, chargés d’âmes . Mon cœur a battu plus fort en entendant Iris la sirène lire. Il a été séduit, charmé par la plume d’Ariane. L’écriture est en effet d’une beauté inouïe, elle est peuplée de toutes ces phrases étoilées qui font du bien. Elle est lumière et douceur, elle est pureté et passion. Elle est faite d’amour.
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