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D´abord, du récit au roman, de l´histoire à l´imaginaire et retour, les premières lignes de Philippe Maurel :
« Ces lignes ne s´engagent pas sur la route entretenue du roman. Il faudrait pour cela que je définisse un espace où le récit puisse se déployer. Un espace réel ou imaginaire. Imaginaire, mais qu´on affuble des attributs du réel. Quelques éléments seulement, accessoires disposés ici ou là, discrètement, mais suffisamment mis en valeur pour qu´ils soient reconnus. La couleur d´un arbre, comment est éclairée la rue à cette heure, à cette saison, des traces, de la couleur du sang, sur les murs de la chambre...
« Même s´il porte un nom, le nom d'un lieu, s´il existe déjà en réalité, l´espace d´un roman est toujours une construction imaginaire, de l´auteur et du lecteur l´ouvrage commun. L´arbre n´est qu´un mot, un premier lecteur se le représentera de vert vêtu tout entier au printemps, un autre nu en hiver, la rue en plein jour ou borgne la nuit. Libre à celui qui croise ces pages de s´y reconnaître, de s´interroger sur ce qui s´est passé sur le mur, dans la chambre. » Si nous sommes nombreux à suivre le trajet d´écriture de Philippe Maurel, soit via son site, soit via le texte déjà présent sur publie.net : La Dérive des continents, c´est pour la nouveauté de sa démarche d´investigation, et le choix de ce territoire - pas si éloigné des Nuits d´octobre de Nerval - où le présent de la ville, présent en mouvement, transformation, est saisi dans ses traces vives, déambulations de nuit, signes écrits, silhouettes et paroles, pour y ancrer le texte dans le réel. De cet ancrage, c´est le réel tout entier qu´on secoue : on va relire ce qui compte, les lignes de fracture, la façon dont chaque époque doit reformuler son propre héritage pour devenir elle-même histoire.
Ici, le texte est violent. Mais cette violence est celle-même dont nous avons hérité : le non-dit de la guerre d´Algérie et ses massacres ou ses tortures discrètes, et la place des Algériens dans la mutation aussi bien industrielle qu´urbaine de la France des années 60, et comment cela s´ancre dans une idée coloniale à relire dans le début du XXème siècle, avec les Kanaks exhibés dans le zoo de Vincennes lors de l´Exposition universelle de 1935. Didier Daeninckx a été le premier à ouvrir ces deux chantiers, mais leur assomption est loin d´être réalisée.
Le projet de Philippe Maurel pourrait prendre forme d´une épopée : on l´enracine dans d´autres fissures du passé, figures de résistance aussi bien que lecture à cru de l´histoire, voilà Mauthausen aussi bien qu´Albrecht Dürer.
Philippe Maurel n´est pas le premier dans ces tentatives, dont la bonne intention n´est guère une caution, ni même suffisante à provoquer l´intérêt ou l´urgence de lecture.
Ainsi, dans ce dépli, les séquences qui closent chaque chapitre, en appelant à la poétique de la prose, mais la niant du même geste en revenant au réel par « les nombres » (c´est d´ailleurs le titre d´un des cinq premiers livres de la Bible).
La spécificité de Coloniales, c´est d´appréhender chaque strate de ces mutations de l´histoire par leurs traces au présent, sur le pavé même de la ville. Les tranchées de Haussmann et ses Mémoires, puis l´architecture du fer, la création des gares : ici explorées comme une source où viendrait chaque fois se reprendre le récit. Et quand la ville devient mégapole, c´est les grandes surfaces qu´on examine, les galeries de la normalisation sociétale. C´est bien cette continuité, d´où Perec une fois de plus n´est pas absent, qui fait alors de ce texte un dépli imaginaire, nous force à relire les noms, les rues, les parcours, les hommes - la littérature reprenant ses droits pour faire du chemin même une question...
Se constitue en ce lieu, entre la ville et le récit de l´histoire, un noyau ou une ligne spécifique du catalogue publie.net, atelier à vif - dans ses enjeux urbanistiques comme dans ses enjeux de forme et récit littéraires. Il s´explore avec une écriture qui nativement recourt au vocabulaire numérique, documentation dans le réel même (les photographies noir et blanc insérées
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