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Dans la chaleur moite du bassin du Mississippi, un coup de fusil ébranle la plantation Marshall. Le Cajun Beau Boutan a été abattu devant la porte du vieux Mathu, un Noir indépendant et fier, que tout accuse. Pour sauver du lynchage celui qui l'a élevée, la fille du propriétaire, Candy Marshall, se déclare coupable. Puis, tour à tour, ouvriers agricoles et métayers noirs racontent le drame chacun à sa manière et s'accusent du crime. Au cours de cette veillée où les confessions se répondent, conflits et solidarités entre communautés se révèlent. Le plus faulknérien des romans de Gaines.
8 heures dans une communauté rurale de Louisiane du Sud, fin des années 1970. Un homme blanc, un cajun cruel et raciste, a été abattu dans l'arrière-cour d'un Noir, le vieux Mathu est aussitôt désigné comme coupable. Pour le protéger, Candy Marshall, héritière blanche de l'ancienne plantation, s'accuse du meurtre pour protéger celui qui l'a élevé. Mais dans l'urgence, elle appelle tous les vieux Noirs du coin à la rejoindre sur le lieu du crime avec leurs fusils de chasse calibre 12 et leurs cartouches n°5 afin de brouiller les pistes. Tous attendent et redoutent l'arrivée du redoutable, Fix, le père de l'assassiné, ex-chef du Klan, organisateur de lynchages.
Colère en Louisiane tient de la tragédie grecque avec son unité de temps, de lieu et d'action, sa tension, son drame qui cristallise toute l'histoire des Etats-Unis sudistes, qui révèle toutes les tensions raciales en cours. Ernest J.Gaines a eu une sublime idée qui résonne très fort dans le coeur et l'esprit du lecteur. Les vieillards qui répondent à l'appel se mettent tour à tour à se désigner comme coupables. Chacun se raconte, raconte les griefs étouffés depuis des décennies, raconte le racisme ordinaire à l'époque de la Ségrégation. Et c'est terriblement poignant de voir ses hommes oser revendiquer, retrouver leur dignité, eux qui si emplies de regrets liés à leur ancienne passivité. Ils se tiennent enfin debout face au shérif qui les rudoie, comme une rédemption personnelle portée par le collectif.
L'auteur choisir le bon dispositif narratif. Tous les chapitres sont introduits par le nom d'un personnage qui se fait narrateur. Quinze voix composant un large éventail ( hommes, femmes, Blancs, Noirs, jeunes, vieux, racistes, libéraux, éduqués ou pas ). Cela pourrait être très artificiel mais cela ne l'est jamais tant Ernest J.Gaines parvient à trouver pour chacun son propre ton, son propre phrasé, sa propre respiration, donnant à voir son point de vue et son ressenti. C'est d'autant plus fort que jamais les personnages principaux ( Mathu, Candy et le Shérif ) ne se joignent à ce choeur, Mathu étant le seul qui sait réellement ce qu'il s'est passé ( est-ce lui le tueur, ou pas ? )
En fait, derrière les apparences de limpidité classique de ce roman, rien n'est simple, la démonstration n'empêche pas la complexité. Les tensions entre Noirs et Cajuns, blancs, traditionnellement pauvres, eux-même issus d'une minorité ethnique, sont particulièrement bien présentées, se disputant la terre et leur gagne à pain avec les Afro-Américains depuis que l'abolition de l'esclavage. Surtout, on croit en tous des personnages : au respect mutuel taiseux entre Mathu et le Shérif ; au clan de Fix qui explose entre ceux qui veulent rester sur une ligne vengeresse et ceux qui veulent vivre en harmonie avec les Noirs.
Remarquable.
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