"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lorsqu'on évoque le racisme aux Etats-Unis, on a tendance à voir les choses en noir et blanc, oubliant que d'autres peuples en ont été victimes, en l'occurence les Asiatiques, présents sur le territoire américain depuis la conquête de l'Ouest au XIXème, participant notamment à la construction des chemins de fer et des ponts, travaillant dans les mines pour des salaires de misère. Sujet longtemps peu évoqué en littérature, mais qui est apparu récemment avec des ouvrages forts comme le Sympathisant ( Viet Thanh Nguyen ) ou de l'Or dans les collines ( C Pam Zhang ) ou encore Certaines n'avaient jamais vu la mer ( Julie Otsuka ).
Charles Yu choisit une approche inattendue pour traiter l'épineuse question de l'intégration des citoyens américains d'origine asiatique, frappés du syndrome du perpétuel étranger malgré des décennies sur le sol américain.
Son roman se présente sous la forme d'un script de scénario avec les titres des scènes, des dialogues avec les noms des personnages centrés, et écrit avec la police courrier qui ressemble à l'écriture d'une machine à écrire. Willis Wu, le « tu » du roman, veut réussir à Hollywood mais son parcours est ardu du fait des clichés qui entourent les Asiatiques.
Ce qui frappe d'emblée, c'est le ton humoristique décapant qui innerve tout le texte. A commencer par la série policière Noir & Blanc dans laquelle Willis joue comme figurant, parodie hilarante mettant en scène un duo de policiers, une Blanche et un Noir, cherchant à se séduire tout en résolvant des enquêtes stupides. Willis se rêve Mister King Fu ( Bruce Lee comme modèle ) mais il lui faut gravir les échelons : « Oriental à l'arrière-plan », puis « Asiat' mort », « Asiat' de service 3-2-1 » pour espérer peut-être devenir Guest star. Mais lorsqu'on a été tué dans une série, il faut attendre 45 jours avant de pouvoir tourner à nouveau …
On est très vite embarqué dans cette satire sardonique d'Hollywood même s'il faut s'accrocher tant la construction est,certes brillante, mais complexe. Jamais l'auteur ne rompt la forme du scénario. Au contraire, il parvient à la plier pour aller plus loin, intégrant la vie personnelle de Willis dans sa vie professionnelle. Willis l'acteur semble interagir directement avec le Willis fils, mari et père. Souvent, on ne sait plus où s'arrête la scène du monde du spectacle et celle de la vie réelle.
Une fois qu'on a intégré les rouages et la dynamique créée par ce double scénario, on goûte l'acuité de l'auteur à nous faire comprendre l'expérience que vivent les Asiatiques, exotisés et sous-représentés. Willis et sa famille ont intériorisé un sentiment d'infériorité par rapport aux Blancs mais aussi aux Afro-Américains qui eux ont connu l'esclavage et la ségrégation. le racisme à leur égard n'est pas une version diluée de ce qui arrive aux Noirs, il a ses propres dynamiques avec un impact différent sur les victimes.
Les plus beaux passages sont ceux consacrés aux parents de Willis, la mère qui a été « Jolie fleur d'Orient », le père désormais « Vieil asiat' ». Leur histoire est racontée comme des quasi nouvelles incisées dans le scénario général. Eux aussi ont été piégés dans leur Chinatown intérieur, matérialisé dans le roman sous la forme de l'immeuble où vivent les immigrés, avec le restaurant Pavillon d'or qui sert aussi de décor à la série policière.
Le dernier acte , plein de panache, vise particulièrement juste avec son tribunal de l'Amérique qui juge Willis d'être devenu l' « Asiat » qui disparaît » lorsqu'il a essayé de se fondre dans le creuset américain. Coupable d'avoir voulu de faire partie de quelque chose qui n'a pas voulu de lui. Coupable de vouloir être traité comme américain et non d'être obligé de s'inventer un accent asiatique qu'il n'a pas pour être pris sur certains rôles. Coupable de jouer le rôle de l'asiat' de service, de le laisser le définir, de l'intégrer au point de rêver d'être un homme blanc.
Il est rare de lire un roman aussi incisif et inventif pour mettre en accusation les stéréotypes et lacérer la répétition des clichés qui fracture une vie. Exigeant mais vaut vraiment le coup.
Un livre original, créatif et déjanté.
En prenant le parti pris d'ancrer ses personnages dans la réalité mais aussi dans des scripts, des scenarii, Charles Yu nous perd parfois tout en nous laissant éveillé.
Ce roman intelligent et irrévérencieux dénonce les stéréotypes racistes à l'encontre des sino-américain.
C'est plein de métaphores et en toile de fond se dessine la façon dont nous vivons en fonction du scénario qui nous est distribué.
C'est sarcastique.
Certains ont vu de l'humour ; en ce qui me concerne, j'ai ressenti surtout du pessimisme.
La liste des lois américaines sur l'émigration asiatique sont effroyables.
Un livre à part et qui vaut le coup.
Américain d’origine asiatique né à Taïwan, Willis tente désespérément de percer au cinéma et dans les séries télévisées. Tirant le diable par la queue, il fait de la figuration et cumule les petits rôles, dans l’espoir de devenir un jour la vedette de films de kung-fu. Il réalise peu à peu que ces rôles souvent insignifiants et toujours stéréotypés réservés aux « Asiats » par Hollywood ne sont que l’exact reflet de la place accordée aux « ni Noirs, ni Blancs » aux Etats-Unis.
Ecrivain mais aussi scénariste pour la télévision américaine, Charles Yu a choisi d’écrire ce livre à la manière d’un script, tutoyant le lecteur pour mieux le faire entrer dans le rôle du personnage asiatique, et confondant sans cesse fiction et réalité dans l’idée que l’image renvoyée par les productions audiovisuelles en dit long sur les représentations et les interactions sociales qui régissent le pays tout entier. Sous couvert d’un texte aux allures de farce souvent loufoque, l’auteur se livre en fait à une sorte d’analyse sociologique des films et séries produits par Hollywood, y retrouvant en condensé les modes de pensée, les rapports sociaux et les clichés raciaux qui prévalent ordinairement aux Etats-Unis. Il rappelle ainsi, qu’éclipsée par la forte et historique confrontation entre le « noir » et le « blanc » en Amérique du Nord, la discrète et calme communauté asiatique n’en souffre pas moins de préjugés d’autant plus pernicieux, qu’ils font partie d’un inconscient collectif intériorisé par les premiers concernés eux-mêmes.
Audacieux dans sa construction, brillant dans sa démonstration, ce livre plein de dérision est un véritable tour de force expérimental. Sa lecture n’en est toutefois pas vraiment une promenade de santé. Souvent sans repères dans ce texte labyrinthique où l’on ne sait plus où s’arrête la scène et où commence la ville, le lecteur devra accepter de se laisser déstabiliser et de voguer à vue dans un univers déstructuré aux apparences absurdes. J’en ressors admirative de l’exploit littéraire et de son intelligence, mais assez soulagée d’en être venue à bout.
Roman à la forme peu conventionnelle, le récit est présenté comme un scénario : police type « machine à écrire», dialogues, instructions, texte non justifié. Deux policiers, Noir et Blanc, enquêtent sur la mort d’un Asiat’.
En voix off de cette série policière, Charles Yu dénonce le racisme américain envers les asiatiques. Entre les noirs et les blancs, il n’y a pas de place pour les « autres », notamment les asiatiques. L'apogée de ce roman se trouve dans le dernier acte, lors du procès de l'asiat’ de service, devenu Guest Star et maître Kung-Fu. Véritable satire sociale d’une société binaire/bicolore, Charles Yu frappe fort avec ce roman tragiquement désopilant.
[ Moteur ! ça tourne ! action ! ]
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Ludique et imaginatif, « Chinatown, Intérieur » est une fiction politique et sociale bien dissimulée derrière un choix littéraire audacieux.
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Voici l'histoire de Willis Wu et de sa famille sino-américaine. Leur vie se confond de manière inventive avec le scénario d’une série américaine policière « Noir et Blanc » dans laquelle les Wu et d’autres résidents de leur HLM de Chinatown jouent des petits rôles. Dans cette série mettant en avant un duo de flics noir et blanc, les Asiatiques ne sont que des figurants. Tu commences par être Asiat' Mort, Asiat' de Service n°3, Asiat' de Service n°2 jusqu’à Asiat' de Service n°1. Et si tu as de la chance tu peux espérer atteindre le stade de Incroyable Guest Star puis de Récurrent. Le graal ultime étant de devenir Mister Kung-Fu. Mais là , tu touches au plafond de verre
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Si la forme narrative choisie par l’auteur est assez singulière, le sujet de fond l’est tout autant en littérature américaine.
Quand on parle des relations inter-ethniques aux USA on pense immédiatement aux relations entre noirs et blancs. L’esclavagisme, l’oppression des noirs américains depuis la naissance du pays semblent avoir étouffé les discriminations raciales que subissent les autres peuples comme s’il existait un racisme de seconde zone.
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Les sino-américains ne sont que des personnages secondaires dans la Grande Histoire du pays, des figurants stéréotypés d’un monde en noir et blanc. Charles Yu nous parle de l’expérience des migrants asiatiques à travers les années et comment ils se retrouvent aujourd’hui encore piégés dans le rôle de l’Asiat de service. L’importance du cinéma dans la représentation (ou la non-représentation) des sino-américains est fondamentale et influence l’idée qu’ils se font eux-mêmes de la place qui doit être la leur dans la société, de la façon dont ils doivent se comporter. Si tu es asiatique tu fais du Kung-Fu ou tu travailles dans un resto chinois (voir les deux) ! Sans être revendicatif, ce texte réussit à questionner sur l’invisibilité de certains Américains.
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C’est drôle, atypique et brillant. (En lice pour le Médicis étranger).
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Traduit par Aurélie Thiria-Meulemans
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