"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Milos Tsernianski se trouve à Rome en tant qu'attaché de presse de l'ambassade du Royaume de Yougoslavie. Mais la vie romaine, malgré la richesse de son univers artistique dans lequel Tsernianski s'immerge à chaque heure perdue, livrant des pages inoubliables sur Le Tasse et Michel-Ange, lui est insupportable. Le salut, l'exutoire vital, Tsernianski le trouve dans l'Hyperborée, les pays du Nord, qu'il a visités quelques années auparavant. Comme une incantation, comme le refrain de ce long poème en prose, les Hyperboréens viennent hanter son quotidien. Sous l'apparente légèreté des cieux qui passent, une époque naît, vit et - dans le monde de 1940 - on ne sait s'il faut se résigner à la mort ou la combattre dans un ultime sursaut. L'homme européen ne voit plus d'échappatoire à l'aveugle inertie de l'Histoire qui, une fois encore, menace d'anéantir ce qui le relie à son prochain et de détruire sa vie. Tsernianski, en véritable guerrier de l'âme - alors qu'il est obligé de déchirer ses photographies, de brûler les traces de son passé - lui oppose, comme un ultime espoir, la force pérenne du lien unissant l'homme du Nord à son frère du Sud. Tel un sixième sens, sa pensée créatrice délivre l'homme des frontières du temps et de l'espace. Le passé et le présent se mêlent et s'assemblent comme les mosaïques d'une fresque qui fait surgir l'empreinte humaine, celle de Michel-Ange, du Tasse, de Carducci, des Fils du Soleil, et celle de Strindberg, Ibsen, Andersen, Munch et Kierkegaard, les Hyperboréens - tels des vents qui se font, se défont, se joignent à nouveau, et donnent vie à l'aventure humaine. Roman ? Mémoires ? Evocation ? Ce livre imposant, inclassable, est tout à la fois. Voyage à la fois réel et allégorique, envoûtant, vers une Hyperborée incarnant la pureté des rêves intérieurs. A la lecture de ces pages où le Nord s'imprime en toile de fond sur la vie quotidienne et sur l'art de la Renaissance, on ne peut s'empêcher de songer au tragique destin de Milos Tsernianski qui, après son départ de Rome, vivra un exil de vingt-cinq années avant de revenir dans sa patrie, cette autre Hyperborée à laquelle il rêvait dans sa solitude londonienne. Cette oeuvre incantatoire est telle une main posée par notre ancêtre préhistorique sur la paroi d'une grotte, qu'une autre humanité, la nôtre, redécouvre indélébile.
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