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Parce que ça commence comme une histoire d'amour presque banale, le fantastique discret qui s'invite au détour d'une page pourrait bien vous faire perdre les pédales. D'ailleurs tout est ici perte d'équilibre : on se ruine les chevilles sur les galets, on trébuche sur les falaises, on vacille de faux souvenirs en vrais mensonges, on titube de bar en bar. Le roman est entièrement construit pour mettre votre équilibre à l'épreuve, tout en sauts de puce, flash-back, ellipses, béant comme des trappes sous vos pieds candides, changements de ton et de décor brutaux.
Une semaine en bord de mer
Frédérick Houdaer peut déployer ses talents de poète et de romancier dans ce court roman qui retrace l'escapade d'un couple en bord de mer. Un retour aux sources qui va très vite prendre un tour fantastico-burlesque. À moins qu'il ne s'agisse d'un roman noir.
Saluons d'emblée l'atmosphère très particulière de ce roman qui relate l'escapade que s'offre un couple - lui aussi très particulier - dans une ville côtière de la mer du Nord qui ne sera jamais précisément située. Une atmosphère que l'on peut retrouver chez Simenon par exemple. Car cette escapade amoureuse ne va pas tarder à se teinter de mystère jusqu'à devenir de plus en plus sombre au fil du récit.
Tout avait pourtant commencé comme un jeu entre Clarisse et Jamel. Établir une liste des endroits à visiter puis trouver un consensus pour prendre le large. Entre la romancière qui a connu son heure de gloire avant de tomber en panne d'inspiration et le poète aux tirages confidentiels, il s'agissait aussi de raviver la flamme. De ce point de vue, la ville natale de Clarisse pourrait fort bien faire l'affaire. Car même si elle n'y avait pas remis les pieds depuis fort longtemps, elle pourrait guider son homme dans les rues de la ville qui avait été entièrement reconstruite après la Seconde guerre mondiale qui avait quasiment rayé la localité de la carte.
Avec un peu de chance, elle retrouverait même des amies d'enfance, des camarades de classe qui avaient choisi de rester là, contrairement à Clarisse, parisienne d'adoption.
Est-ce sa mémoire défaillante? Est-ce la topographie de la ville qui s'est par trop modifiée au fil des ans? Toujours est-il que Clarisse n'arrive plus vraiment à situer les choses. Il lui semble même que les statues qui quadrillaient la ville et servaient de point de repère avaient été déplacées.
Même le banc de son enfance, lié a tant de souvenirs, n'est plus à son emplacement. Et quand ils dégustent des fruits de mer au restaurant, elle ne semble pas posséder la manière de décortiquer les crustacés.
Alors le doute s'installe dans l'esprit de Jamel. A-t-il affaire à une affabulatrice? Clarisse le mène-t-il en bateau? Et si oui, pour quelle raison? Avec Jamel le lecteur se perd en conjectures.
Mais n'oublions pas que l'on a affaire à un poète, que lui aussi peut soigner un jardin secret surtout si des vapeurs alcoolisés viennent se mêler à ses déambulations.
Frédérick Houdaer nous entraine dans un jeu de piste ludique, pour reprendre les termes de Grégoire Darmon dans sa préface qui remet en perspective le roman dans l'œuvre du poète et romancier. Un jeu auquel on se prend très vite, car on sent bien qu'il va nous réserver bien des surprises. Et de ce côté-là aussi, on va être gâté. Une petite semaine pour une grande aventure!
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