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« Un jour j'ai poussé les portes de l'aube... » Dès les premières pages de Cantique du balbutiement, le poète haïtien affirme, avec des mots de grand vent, qu'il est du pays de son enfance. Les bégaiements du petit jour et le profond de la nuit, la saison des cyclones, les veillées de prières et les prophéties, le corbillard qui passe en fin d'après-midi, « l'eau boueuse du quotidien » et la « migraine carabinée des questionnements », cette grand-mère opiniâtre qui a le don de rafistoler la vie...
Louis-Philippe Dalembert n'en finit pas de dérouler le film haut en couleurs d'une enfance haïtienne. Mais en creux, sur la ligne d'ombre du partage, le poème fait entendre ce que les mots ne disent pas : le départ, la perte, l'absence -, cette « grande muette défiant le monde entier des choses ».
Je connais Louis-Philippe Dalembert romancier. Il m'a régalé avec Avant que les ombres s'effacent (Prix Orange du livre 2017) puis avec Mur Méditerranée. Je savais qu'il écrit des poèmes mais il a fallu que Babelio propose Cantique du balbutiement dans une récente Masse Critique pour que je découvre vraiment un autre talent de cet auteur haïtien que j'ai eu la chance de rencontrer à deux reprises, aux Correspondances de Manosque.
Dans ce petit recueil des éditions Bruno Doucey que je remercie, il se livre, laisse aller son esprit en Haïti, au bord de la mer caraïbe et ailleurs aussi.
Sans aucune ponctuation ni majuscule, les vers libres s'enchaînent, les strophes sont brèves ou longues mais c'est une admirable maîtrise de la langue dont fait preuve, une nouvelle fois Louis-Philippe Dalembert.
Le poème qui ouvre ce recueil, « témoignage », est assez court suivi par le plus long : « d'île enfance caraïbe ». Il a été écrit à Aix-en-Provence en 2015 et il évoque beaucoup de souvenirs d'enfance :
« ô enfance
que jamais n'éparpillèrent
les voyages longs des cyclones »
La mer, les montagnes, la vie au village et surtout cette grand-mère, ces femmes qui l'ont élevé ont beaucoup d'importance comme ce bégaiement qu'il parviendra à vaincre.
Certains de ces poèmes ont déjà été publiés, d'autres sont inédits. Très émouvant, « je n'ai jamais dit papa », date de 2006 et entre en résonance avec la lettre qu'il écrit à Alex, son fils, la veille de ses douze ans. Il lui dit des choses tellement fortes et justes, lui recommandant de se garder de la haine, de toute méchanceté, de toute amertume mais de savoir se mettre en colère si nécessaire.
Qu'ils soient écrits à Paris, Aix-en-Provence, Berlin, Pointe-à-Pitre, Rome, Liège ou à L'Aquila, tous ces poèmes sont magnifiques et j'ai pris vraiment conscience de leur beauté en les disant à haute voix. Enfin, je n'oublie pas « joutes insulaires », le dernier poème dédié à Saint-John Perse que Louis-Philippe Dalembert interpelle fraternellement : « ho frère poète ho ».
Cantique du balbutiement est un chouette recueil qu'il faudra reprendre de temps à autre pour baigner un peu plus dans la mer Caraïbe ou éliminer les peurs de la nuit…
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Je remercie Babelio et les Éditions Bruno Doucey de m'avoir permis de découvrir la poésie de Louis-Philippe Dalembert.
Je dois reconnaître que j'ai eu du mal à entrer dans cet ouvrage. Plusieurs raisons à cela, notamment : des phrases un peu trop elliptiques (dignes du surréalisme, ou de certaines tendances de la littérature de la négritude chère à Aimé Césaire ?) ; dans la première partie, des textes qui s'enchaînent en un très long (trop long ?) poème dont une bonne lecture nécessite sans doute une très grande concentration que je n'ai pas su trouver...
J'ai beaucoup plus apprécié les deuxième et troisième parties, avec des textes (en vers et en prose - très belle lettre de l'auteur à son fils Alex) plus courts et, à mes yeux et mes oreilles, beaucoup plus percutants !
Il faut sans doute que j'y revienne plus tard pour une nouvelle lecture...
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2020/10/10/cantique-du-balbutiement-louis-philippe-dalembert-editions-bruno-doucey-une-poesie-qui-defend-son-accessibilite/
Tout d’abord, il y a l’enfance caraïbe celle de Louis-Philippe Dalembert, qui vit, palpite et se cabre de page en page. Nous plongeons dans cette « mer indifférente aux assauts vastes du soleil », mettant nos pas dans ceux du « gavroche caraïbe ».
Rebelles et sombres ou bien nostalgiques, ces poèmes nous emportent dans un pays de cyclones, de pluies et de disettes, un « pays d’enfance si féru de légendes et de mythes »
L’enfance, c’est aussi la confrontation avec la mort et le deuil de l’aïeule
Il y a le féminin. Sous le titre « Mystères » l’auteur évoque ce trouble lorsque les filles frôlaient son enfance avec « cette odeur de lune verte »
Il y a le père « Je n’ai jamais dit papa » évoque l’image de ce père disparu trop tôt et cela nous touche dans la simplicité des mots.
« Je n’ai pas de photo d’enfance
ensemble nous n’en aurons jamais »
Il y a le révolté, celui qu’on repousse, qu’on rejette :
« Je suis un immigré, un boat-people une passe-frontière
Un moins que rien… »
Et ces mots qu’il ne faut pas avoir peur de dire résonnent avec force à nos oreilles, ces exilés, ces immigrés sont pourtant comme nous :
« Je suis un être humain
Ton frère ou ta sœur
Peut-être »
Il y a le père qui écrit à son fils. Une lettre magnifique d’amour et de pudeur adressée à ce fils la veille de ses douze ans.
D’une enfance à l’autre, des Caraïbes à Paris, ce grand poète qu’est Louis-Philippe Dalembert nous enchante, nous émeut et nous ébranle dans un poème infini
« …j’ai rêvé d’un poème
Qui nulle part ne commence
Ou alors de l’enfance
Et nulle part ne finit »
Je remercie les éditions Bruno Doucey et Babelio pour la lecture de ce livre.
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