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L'après 11 septembre ne saurait annoncer un repli isolationniste ni même une "fragilisation" de la puissance hégémonique américaine. Bien au contraire, l'attaque terroriste majeure met en scène les "nouvelles menaces asymétriques" et annonce un nouveau consensus, interne et international, sur la nécessité de la transformation géostratégique comme ajustement à la "grande transformation" qu'est la globalisation. Cet ajustement prend la forme d'un remodelage de la sécurité nationale selon de nouveaux rapports interne/externe, civilo/militaire, privé/public et un contrôle américain accru des flux et des réseaux transnationaux - légaux et illégaux - y compris par l'abaissement des barrières du droit et de la souveraineté territoriale.
L'asymétrie, en tant que référent qui permet l'évaluation des rapports de forces sociaux y compris militaires, est devenue le paradigme dominant du débat stratégique américain. En rupture avec l'optimisme libéral techniciste du début des années 1990 - intégration systémique du marché global allié à la supériorité techno-militaire de type RMA - le débat est aujourd'hui centré sur la nécessité de contrecarrer les forces négatives et asymétriques de la globalisation, de refonder le consensus mais également de développer les moyens du métacontrôle social. La sécurité nationale devient ternaire et renvoie désormais aussi bien à la projection de puissance à l'extérieur qu'à la homeland security et à l'action transnationale, entraînant une refonte structurelle de type "privatiser la sécurité, militariser les agences de police et gendarmifier le militaire". En restreignant les possibilités de l'intervention (économique et militaire) et empêchant l'attaque stratégique décisive, l'as! ymétri e renvoie les Américains à l'option de la stratégie capacitaire et à la multiplication des scénarios selon tous les futurs possibles, de l'Armageddon nucléaire au "Pearl Harbor" spatialo-cybernétique en passant par la subversion criminalo-terroriste généralisée.
La révision de la doctrine stratégique américaine formalise les nouveaux formats, voies et moyens, de la projection de la puissance américaine, non pas seulement militairement mais aussi technologiquement et géopolitiquement. Elle codifie : la réévaluation de la doctrine nucléaire et la défense antimissile ; la dominance informationnelle et la montée du space-cyberpower ; l'abandon du schéma de la "défense de l'avant" régionale au profit de la "projection de force" globale.
Alors que la position traditionnelle du recours au nucléaire uniquement contre les Etats nucléaires est remise en cause, l'antimissile permet de sortir de la paralysie du MAD (Mutual Assured Destruction) et d'envisager l'emploi de la force. Perçue comme la condition sine qua non de la transformation stratégique et du maintien de l'hégémonie, l'infodominance, acquise par le biais du contrôle du space-cyberpower, permet de compenser la perte de la sanctuarisation et du contrôle panoptique. La nouvelle QDR, Quadrennial Defense Review, entérine la décision politique autant que stratégique de la réduction des forces américaines déployées à l'étranger, formalisant le modèle de la projection de force essentiellement à partir du territoire américain et de quelques bases régionales, combinant le recours aux bombardiers à long rayon d'action, les plates-formes de missiles navales et des forces expéditionnaires réduites.
Une réévaluation stratégique et capacitaire des forces expéditionnaires permet à la puissance hégémonique américaine d'assurer le contrôle des zones géostratégiques d'intérêts privilégiés et des dynamiques de crises sans entamer la disponibilité opérationnelle de ces forces. Trois de ces pratiques semblent appelées à se développer dans l'avenir : le développement des moyens civilo-militaires en matière de gestion des opérations de paix, notamment par le déploiement durable de moyens de police ; l'externalisation d'un ensemble de missions de logistique, de formation des forces armées locales mais aussi le recours à des sociétés privées de services militaires ; et la délégation de la maîtrise de la gestion de crises et des opérations de paix aux Alliés La militarisation de l'espace comme aboutissement du spacepower, devient un élément central du maintien et d'adaptation de l'hégémonie américaine. Historiquement, la militarisation de l'espace découle de la recherche de la suprématie militaire par la mise au point de missiles et de missiles anti-missiles, l'emploi militaire de satellites et d'anti-satellites, et la volonté de maîtrise de l'information par la capacité d'observation, de renseignement, de traitement et de diffusion. Face à la complexification de la distribution mondiale de la puissance, le médium spatial est envisagé comme le moyen stratégique d'installer un système de maillage de la planète surimposant la puissance américaine à l'ensemble des activités sociales terrestres, aussi bien militaires qu'économiques, culturelles et médiatiques.
L'accroissement des attaques cybernétiques et la dépendance accrue du système infrastructurel américain aux réseaux informatiques et de télécommunication incitent les Etats-Unis à développer une stratégie de surveillance ubiquitaire informatique, reposant sur la militarisation de l'espace cybernétique. Cela aboutit à la mise en place d'un édifice sécuritaire souvent opaque, au sein duquel la National Security Agency (NSA) et son réseau Échelon constituent la pièce maîtresse d'un dispositif de surveillance globale. Cette propension à l'ubiquité informationnelle nécessite un contrôle effectif de l'espace extra-atmosphérique, au sein duquel sont amenées à évoluer les constellations satellitaires de télécommunication globale. L'espace extra-atmosphérique au tant que l'espace cybernétique devient un théâtre de contrôle informationnel exercé par le Pentagone, qui tend vers l'acquisition de la Global Awareness.
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