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Evoquant son recueil Les chemins qui ne mènent pas, JL Bernard écrit :
« Marcheur, il n'y a pas de chemin « a écrit le grand Antonio Machado.
Et justement, en espagnol et portugais (langues des premiers découvreurs des Temps Modernes dont les buts initiaux ne furent jamais atteints), «destination» se dit «destino».
Les chemins qui ne mènent pas sont monture de l'errance, somme de fragments d'espace et d'éclats de temps, annihilation des frontières devenues promesses d'immensité. On revient en arrière, on se trompe, on rencontre, on abandonne : l'égarement donne à vivre à la saignée de l'instant, en bordure permanente de l'éphémère.
Les chemins qui ne mènent pas sont les seuls qui nous laissent en proie à la stupeur originelle. Nous perdant en eux, nous entrons en poésie, cette suite de signes permettant de continuer la trace du hasard, cette alternative désirante au monde, quelque chose de l'ordre du lâcher-prise, qui, donnant sans cesse rendez-vous à l'inachevé, reviendrait ainsi à des sources dont nul ne sait la naissance ».
Je n'ai pas les mots pour dire le rythme haut de la douleur battant l'amble sur sa frange de braise et de neige. Sur ses boulevards déferle le langage, c'est pourtant comme si le silence pur prenait corps, comme si le vent avait naufragé les rues des villes archaïques et que ne demeurait, entre instant et impermanence, que le vertige nocturne du bannissement.
À nuit close s'effondre la ligne de crête entre verbe et silence. S'égare la marche à travers temps sur la terre aveuglée du poème. Dans la plaine, les échos de ténèbre où gîtent les hommes perdus quémandent à la fois la soif et la sagesse, entre vies de chimères et océans de feu.
Je n'ai pas les mots pour dire l'obscur de la lumière.
Extrait de Cahiers des chemins qui ne mènent pas.
© Editions Alcyone.
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