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Une séance de cinéma commence lorsque le noir se fait. Les retardataires qui entrent dans la salle tâtonnent de siège en siège, comme des aveugles éblouis par la lumière. Cette nuit artificielle est l'effet premier de l'invention du cinématographe. Parce qu'elle a suspendu pour quelques temps l'existence du monde réel, la projection du flux ininterrompu d'images lumineuses prend l'allure d'un semblant de monde. Un monde tout proche du nôtre, quoiqu'un peu somnambule : les êtres qui en peuplent les fables, de naître d'une nuit en suspens, n'ont pas toujours l'air bien réveillés. Ils semblent regarder dans le vague, ou bien voir ce ne nous ne voyons pas, ou bien ne pas voir ce qui est pourtant juste sous leurs yeux. Leur aveuglement est la condition de notre éblouissement : pour eux comme pour nous, la densité du visible est insoutenable. (O.C.)
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