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La réédition d'un bijou d'humour noir du dissident russe Andreï Siniavski, préfacé par son fils, l'écrivain Iegor Gran.
Réussissant tout ce qu'il rate, André-la-Poisse ne porte pas son nom par hasard. La fée qui s'était penchée sur son berceau l'avait pourtant prédit : il aura tous les talents, sauf celui de savoir s'en servir. Alors à défaut d'une vie facile, c'est une existence trépidante qui s'offre à lui.
Avec la fantaisie d'ETA Hoffmann, d'un réalisme satirique à la Mikhaël Boulgakov, Andreï Siniavski malmène son héros en l'affublant d'une malédiction : la malchance. Drôlement cruel, le roman transforme, d'une plume acérée, un destin poisseux en leçon de liberté. Poussant de saillie et en saillie, ce grand petit livre fait ainsi un bras d'honneur à la fatalité.
Chef-d’œuvre ! « André-la-Poisse » sous ses faux airs d’une satire douce-amère, sous l’écorce, signe un récit grave et mélancolique. Je compare « André-la-Poisse » un peu à l’anti-héros : celui « Des amis » de Bove. Prenez soin avant tout, de lire avec la plus grande attention la préface d’Iegor Gran son fils (collaborateur régulier de « Charlie-Hebdo » et écrivain phare des éditions P.O.L) arrivé en France à 10 ans lors de l’exil de ses parents. « André - comme un négatif de l’ignoble petit Tsakhès (ou Zachée ou Zacharie, selon les traditions) personnage principal d’un effrayant récit éponyme d’Ernst Amadeus Hoffmann. Ah Hoffmann ! Mon père vivait une fusion spirituelle avec ce grand-maître du fantastique. » Les signaux sont vifs, empreints de subtilité, pas de côté, emblème de la vie même d’Andreï Siniavski. « André-la-Poisse » est un pied de nez face à l’adversité. Un grand livre, un classique né. André-la-Poisse dès son plus jeune âge est en proie à la malchance. « Dors, mais dors donc ma petite misère. » Ce jeune enfant bégaie, ne grandira pas, il se pense nain. La rencontre métaphorique avec « la fée » Dora Alexandrovna aura raison de son bégaiement. Ce récit caustique, rugueux s’élance d’un seul mouvement vers la lumière. La légèreté, la dérision, cet humour qui balaie toutes les aspérités, les affres et l’acidité d’un récit qui se voudrait noir. Mais c’est la blancheur qui emporte la palme de cette allégorie. Les degrés affirment le changement de cap. On pressent l’urgence d’écriture d’un écrivain blessé dans son âme. Mais si altier si maître que c’est l’histoire qui tire l’as de cœur. Néanmoins : « J’étais accoutumé à la froidure universelle, mais je tâchais de ne pas m’y adonner. » André-la-Poisse cherche son père dans le sombre de sa vie. « Que je fusse la cause des malheurs d’autrui ne me fut pas révélé d’emblée…. D’un premier lit, ma mère avait eu cinq fils, plus brillants les uns que les autres. Moi, le dernier et sixième, je ne connaissais pas de père et vivait à l’écart. » André-la-Poisse se pense responsable de la mort de ses cinq frères. Il faut dire que les circonstances sèment la zizanie et affirment les doutes. Sa seule présence serait-elle néfaste ? On pénètre subrepticement dans une teneur fantastique et ésotérique. « Pourquoi es-tu venu ? Un peu de pitié… Tu en a eu quatre. Cela peut suffire ! Ne touche pas au cinquième. Le dernier. Épargne mes petits. » André-la-Poisse franchit l’entre monde. Ne croyez pas à un malchanceux ordinaire. Au fond de lui émerge le cynisme cher à Diogène, les forces intrinsèques de l’étrange. La parabole révélée qui contre les fatalités. Ce conte interpelle. « André-la-Poisse » est un pamphlet dont les échos contrent nos certitudes. Andreï Siniavski est le marionnettiste d’une histoire, la sienne. Et là, c’est l’émotion qui assigne la beauté du point final. Traduit du russe (Russie) par Louis Martinez. Magistral, culte. Publié par les majeures Éditions du Typhon.
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