Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L’adaptation en roman graphique d’une (en)quête personnelle, déjà mise en lumière à travers un podcast, une belle réussite.
La douceur des dessins de Caroline Péron permet de redonner vie à Jeanne, aïeule de Zazie Tavitian, morte dans le camp de Sobibor durant la 2nd guerre mondiale et vient nous interroger : Quelle saveur laisse l’horreur du passé aux descendants ? Car, c’est par la nourriture, élément fondamental en termes de transmission dans les familles, que nous entrons dans l’histoire d’une famille juive meurtrie par un passé douloureux. Ce passé, Zazie Tavitian a du le remettre en mots, mais surtout en partage grâce à un cahier de recettes de cuisine. Les repas viennent ici faire le lien entre passé et présent, entre les différents membres de cette famille.
Un livre pour ne pas oublier que, derrière les chiffres atroces de la 2nd guerre mondiale, il y a des personnes, hommes, femmes, enfants. Des humains qui habitaient le monde, qui aimaient, qui rêvaient, qui cuisinaient. Un roman graphique à transmettre, comme un livre de recettes.
De Jeanne Weill, née Ulmann, son arrière-arrière-petite-fille, la journaliste et chroniqueuse culinaire Zazie Tavitian a toujours su qu’elle avait existé pour une raison : « Elle a été déportée au camp d’extermination de Sobibor en Pologne, car elle était juive, et n’est jamais revenue. Elle était donc pour moi et peut-être aussi pour beaucoup de sa descendance LA déportée de la famille. »
Assassinée en 1943, à 58 ans, qu’avait été sa vie ? Zazie n’en savait rien, Jeanne était un tabou familial, les circonstances de sa disparition étaient toujours restées troubles.
Un été, une cousine de Zazie, Racheli, qui habite en Israël, se rend à Paris et lui parle d’un cahier de recettes retrouvé dans un grenier, un cahier de recettes ayant appartenu à Jeanne !
À la faveur de cette découverte, la journaliste part d’abord en Israël sur les traces de sa trisaïeule et peu à peu la vie de Jeanne se dessine grâce à de nombreuses archives familiales et le voile se lève sur le silence familial, transmis de génération en génération, et sur le silence collectif lié au sort que la France a réservé aux juifs pendant la guerre…
Zazie Tavitian profite d’ailleurs de ce déplacement en Israël pour exprimer son avis sur cet État qui pratique une politique d’annexion pour le moins injuste.
Les lettres à son époux Raphaël pendant la Première guerre Mondiale, son journal tenu de 1908 à 1939, entre autres, dévoilent petit à petit ce qu’a été la vie de cette femme, grande bourgeoise parisienne, mariée à Raphaël Weill et mère de trois garçons.
Ce carnet de recettes retrouvé se révèle un biais merveilleux pour délier les langues, faire remonter les souvenirs et lever le voile sur le tabou familial et sur le silence collectif lié au sort que la France a réservé aux juifs pendant la guerre (il faudra attendre 1995 pour que la France reconnaisse sa responsabilité dans ce crime).
Ce roman graphique, À la recherche de Jeanne, apporte un éclairage nouveau sur la Shoah en montrant comment la situation s’est dégradée très progressivement, comment tout n’est pas arrivé d’un coup pour les Juifs et comment cela a été insidieux. De plus, ils ne savaient pas alors que les humiliations quotidiennes n’étaient qu’une étape d’un programme d’extermination.
Jeanne n’est pas partie, cette femme française non pratiquante se pensait protégée de par ses relations, son statut de femme riche, mais elle n’était qu’une Juive parmi les Juifs, ce peuple à exterminer…
Ce silence générationnel, ce tabou familial, cette culpabilité ressentie par les survivants, ce tabou français aussi, Zazie Tavitian réussit à les exprimer de façon très claire, le tout magnifié de façon magistrale par la mise en image de Caroline Péron.
Catherine, une petite-fille de Jeanne, (un arbre généalogique en début de roman permet de bien situer les personnages), ne finit-elle pas par dire à Zazie que, dans la famille, ils ne parlaient ni de la guerre, ni de leurs racines juives, ni de Jeanne et qu’il n’était pas question de prononcer les mots de chambre à gaz…
Du point de vue graphique, Caroline Péron a privilégié une mise en couleur avec un aspect crayonné fort réussie. Les teintes très claires, toutes en douceur, pastel dans les bleutés et les ocres, selon les situations évoquées, deviennent brusquement très sombres, bleu nuit lorsqu’il s’agit d’évoquer les heures noires, Drancy et la déportation. Le roman graphique se termine sur une très belle double-page colorée où l’on retrouve autour d’une table, en train de déguster une recette de Jeanne, Zazie et les membres de sa famille qui l’ont aidée dans son enquête avec comme légende : « En retrouvant différentes parties de Jeanne, en lui redonnant une vie, j’ai rencontré ma famille. Merci Jeanne. »
Quant à moi, je dirai : Merci à Lecteurs.com pour ce livre-surprise qui a enchanté mon été et merci aux éditions Calmann-Levy Graphic.
(Seul petit regret : que les pages n’aient pas été numérotées…)
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/09/zazie-tavitian-et-caroline-peron-bd-a-la-recherche-de-jeanne.html
C'est avec Racheli la cousine de Zazie que tout a commencé...
Avec un livre de recettes... Celui de son arrière-arrière-grand-mère Jeanne...
Et ce jour là, elle s'est dit pour la première fois : "Jeanne a eu une vie". Et d'un seul coup, elle n'était plus seulement cette femme juive qui a été déportée et exécutée au camp d'extermination de Sobibor...
Qui était-elle ? Comment vivait-elle avant de devoir monter dans ce train ?
Cette enquête, elle va la mener à travers ce livre de cuisine, des lettres et surtout des échanges avec toute sa famille, en France mais aussi en Israël.
Cette BD est construite un peu à la manière d'un journal, celui de Zazie, à la recherche de ses racines. On découvre Jeanne, au fur et à mesure des pages, comme si on accompagnait l'autrice dans ses échanges, ses conversations et ses rencontres. Bref, comme si on avait fait ce voyage dans son passé, à ses côtés. Ce format et ce rythme nous plongent littéralement dans l'histoire et franchement, il a fallu que je tombe de fatigue pour ne pas pouvoir la lire d'une seule traite. J'ai lutté pourtant, et à peine réveillé, je l'ai reprise comme si c'était une nécessité. On doit la force de ce récit à Jeanne bien entendu, mais aussi et surtout à Caroline Peron, qui a mis en image le récit et le scénario de Zazie. Et pour rentrer encore plus dans cette aventure, vous pouvez découvrir l'origine de cette BD dans la série de podcasts "À la recherche de Jeanne" produit par Binge Audio.
Un récit émouvant, tendre, marquant sur les liens familiaux, la Shoah, la vie, le partage et le devoir de mémoire. Comment apprendre à se connaître quand on n'a pas eu la chance de se connaître ou de se rencontrer. Un très gros coup de cœur.
"avant d'être morte, Jeanne était vivante."c’est par cette idée que tout débute. Qui était Jeanne, la victime de la Shoah de la famille ? Comment a-t-elle vécu avant de mourir ? Zazie se lance dans cette quête sur l’identité de son arrière-arrière-grand-mère et va à la rencontre de ceux qui l’ont connue, ou qui possèdent des traces de sa vie. Jeanne, c’est celle dont la famille a du mal à parler, car elle évoque la souffrance et les crimes des nazis, mais peu à peu des indices de la vie de Jeanne se matérialisent : il y a d’abord ce cahier contenant des recettes manuscrites dans lequel il est difficile de trouver une recette cachère, puis une correspondance avec son mari lors de la Première Guerre mondiale … Au fil des découvertes, un nouveau portrait de Jeanne se dessine, elle n’est plus uniquement, celle qui est morte dans les camps, elle est une femme qui a vécu.
Les rencontres sont rythmées par les recettes de Jeanne auxquelles il manque parfois des ingrédients, mais qui ont le pouvoir de délier les langues et d’esquisser le portrait de Jeanne.
Au niveau graphique, cette BD nous donne l’impression de lire directement un journal d’enquête, avec des amoncellements de lettres manuscrites, de reproductions de photos, de journaux, et des dessins crayonnés où des « souvenirs » de Jeanne se superposent aux images du présent.
C’est une lecture tendre que l’on peut compléter avec les podcasts du même nom réalisés par Zazie Tavitian (mais j’avoue que je ne l’ai pas encore fait).
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