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J'avais hâte de lire ce roman noir, car j'ai habité très longtemps dans le treizième arrondissement et que les lieux cités je les connais tous. Pour moi la Butte aux cailles, c'est des souvenirs de jeunesse, la piscine où j'allais avec ma soeur et des amis tous les mercredis, c'est aussi le centre aéré, les sorties. Le pont de Tolbiac c'est aussi des souvenirs de collège, de sèche, de balades. La rue de Patay me rappelle tant d'aventures avec ma meilleure amie de l'époque Yamina. Je me suis donc beaucoup amusée à faire marcher la mémoire et retrouver les endroits du livre.
Ce polar écrit à quatre mains m'a beaucoup plu, tout est sympa : les lieux, les personnages, l'histoire, le ton, le style. On retrouve Walter, l'antihéros que j'avais déjà beaucoup aimé dans " Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles ", il vient en aide à un ami accusé d'avoir volé un tableau. Mais, ce pauvre Walter n'est pas au top de sa forme , il se soûle et à laisser tomber sa femme et ses enfants. Il est bourré la plupart du temps, ne reconnait pas les rues et les bâtiments, il s'étonne des cartes de fidélité, des bars où il y a tant de choix de café. Il y a aussi une critique du tout mercantile et du déclin de l'éducation nationale, les écoles de moins en moins publiques et de plus en plus privées. Mais surtout il s'agit d'un polar, d'un roman noir alors il y a tous les ingrédients l'histoire avec une intrigue qui se tient et une enquête assez difficile à mener vu l'alcoolisme de Walter qui ne fait pas toujours les liens qu'il faut au moment où il faudrait. Les dialogues sont savoureux, l'histoire bien ficelée et puis il est attachant ce Walter.
VERDICT
Tout est là pour les amateurs de Paris, du XIIIe, de polars, de thriller, d'intrigues . Allez laissez vous tenter et procurez-vous-le pour vos trajets, vos soirées d'automne.
https://revezlivres.wordpress.com/2016/10/09/coup-fourre-rue-des-frigos-yves-tenret-alain-amariglio/
Walter traîne dans le XIIIème, La Butte-aux-Cailles, c'était le quartier de sa première aventure, Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles. Fidèle à ses repères, même s'ils ont changé en même temps que le quartier, il reste dans ces rues, se décalant cette fois-ci vers la rue des Frigos. Il n'est pas au mieux de sa forme, tente d'enfouir le fiasco de sa vie -boulot perdu, femme et enfants itou, ou plutôt il les a quittés de peur de leur faire honte ou du mal - avec force verres de bière et d'alcool fort. Il picole dur, fait des mélanges. Il est totalement incontrôlable, lui-même ne sachant pas toujours ce qu'il fait. Néanmoins, il est sympa le pochtron, attachant, il a de la répartie, de l'honneur et il a la biture mélancolique. Il s'étonne des nouvelles architectures parisiennes, des nouvelles rues aux noms improbables, des nouveaux cafés dans lesquels il faut disposer de quinze minutes pour choisir son café tellement la carte est longue et complexe, on est loin des rades d'antan où l'on pouvait prendre son petit noir au zinc : "Alors, vous êtes plutôt Espresso Origine, Ristretto Bianco, Caffe Mocha, Americano, Macchiato, Con Panna, ou peut-être Caffe Latte ?" (p.183). Il s'étonne également des nouvelles enseignes, toutes les mêmes quelles que soient les villes où l'on se promène ("Rendez-nous la lumière, rendez-nous la beauté", chante fort à-propos Dominique A), des cartes de fidélité, du marketing effréné, ... tout cela pour toujours nous vendre plus, plus cher.
Ce roman est aussi un constat amer sur la situation de l'école de la république qui dérive dangereusement vers une sorte de privatisation faute d'argent. L'administration ne fait plus dans le social (les réseaux d'aide aux élèves en difficulté disparaissent, les CLIS également) mais plutôt dans le clinquant, l'événementiel... La situation décrite par les deux auteurs paraîtra sans doute exagérée, mais je n'en suis pas sûr (Alain Amariglio a été instituteur, il connaît donc la partie), la dérive envisagée me fait frémir, tant je suis convaincu que s'il existe bien un domaine qui doit rester public, c'est l'école (et là, ne me lancez pas sur le sujet de l'école privée, je risque de m'emporter...) "... nous manquons de places en CLIS, de remplaçants, de psychologue scolaire, et on continue de supprimer des classes ! On nous explique qu'on veut le succès pour tous, mais l'État se défausse sur les collectivités locales et les crédits pédagogiques varient du tout au tout selon la richesse des communes ! Du coup, l'Éducation dite nationale laisse les entreprises privées s'immiscer dans sa mission." (p.281)
Mais n'oublions pas que ce roman est noir, il y a donc intrigue et enquête, menée par Walter. Tout s'imbrique, la situation du nouveau Paris, celle de l'école et la disparition du tableau. Walter avance, doucement, ralenti par la pépie qui l'oblige à s'arrêter dans les cafés, et comme il en ressort bourré, il lui faut le temps que toutes ses connexions neuronales se mettent à jour. Il travaille à l'ancienne, pas de portable, un ordinateur dont il sait à peine se servir, il parle et il écoute et ensuite, lorsque son esprit est clair, il fait les liens. Très bien servi par les quatre mains des auteurs -j'espère qu'il n'y a pas de manchot parmi eux, sinon, mon début de phrase est caduc-, Walter est un anti-héros que j'ai retrouvé et que je retrouverai avec grand plaisir. L'atmosphère mélancolique est très agréable, la langue belle, les dialogues savoureux, Paris très belle même en grand changement. Bref, un très bon roman noir, un grand cru pour rester dans un domaine cher à Walter.
Les éditions de la Différence ont lancé récemment une collection noire, qui débute avec ce roman et Les roses noires de la Seine-et-Marne. Entrée en matière réussie et originale, car ces deux romans ne sont pas des polars avec enquête, flic, enquêteur, mais plutôt des romans noirs, des romans d'ambiance. Pour Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, Yves Tenret place son roman dans un quartier de Paris, en pleine canicule. La Butte-aux-Cailles, Paris 13ème. Je ne suis pas Parisien -ça me va bien, ça me va bien-, je ne sais pas si l'auteur décrit ce quartier tel qu'il est réellement, un endroit où pas mal de zonards traînent, des alcoolos, des petits arnaqueurs, ... des gens qui n'emmerdent pas les touristes -bon il n'y en a pas beaucoup, ce n'est pas un quartier avec des sites référencés. En plein cœur du Chinatown parisien avec ses restaurants, ses salons de massage, un endroit que Walter ne connaît pas bien ou plutôt qu'il connaît mais qu'il n'a pas vu évoluer. Le roman est centré sur Walter, sur ses déambulations dans les rues et les bars proches de son squat. Sur ses questionnements quant à sa chute vertigineuse jusque sur le trottoir, lui l'ancien prof qui vient de passer la soixantaine, sur son alcoolisme. Sur ses copains plus jeunes que lui morts rapidement. Sur le quartier qui change à vue d'œil. Yves Tenret en décrit les endroits typiques, la petite Russie par exemple, la vie dans Chinatown, la manière dont les affaires s'y règlent, les rivalités entre Chinois et Libanais. Il crée une belle galerie de personnages, Walter en tête, mais aussi César ou Daniel le cafetier, Park Yun la Coréenne qui ne supporte pas les autres Asiatiques...
Tout concourt à ce que le lecteur passe un bon moment et ait même envie de se promener dans les rues de la Butte-aux-Cailles. Yves Tenret enjolive son histoire avec une jolie plume dialoguée assez vivement, et dans des descriptions réjouissantes qui n'en finissent pas et qu'on aimerait prolonger, sortes d'inventaires, dont celle-ci que je ne peux pas vous citer entière, elle fait une page : "Dans la courette, au ciment badigeonné chaîné de brique rouge succédaient de savants appareillages avortés, ayant l'ambition d'accorder aux nuances dorées de la brique de Vaugirard, la douceur saumonée de celle de Dizy, des moellons hirsutes de pierres de taille, puis du béton peint, de la brique nue, (...) un petit palmier, des rhododendrons, des hortensias, du laurier, des œillets d'Inde, des géraniums rose magenta, (...) des cyclamens, une niche dans un mur -le tout à moitié fait, jamais fini, un vrai Frida Kahlo de climat tempéré, une promesse de bonheur, promesse usée par tous les bouts mais toujours débordante de sa prolifération organique d'origine... Résilience !" (p.27/28)
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