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Une fille raconte sa mère. Elle est la fille non désirée parce que, deuxième jumelle, elle n’était pas attendue. Le malentendu à cause de cette rencontre ratée durera toute leur vie.
« Je t’ai souvent détestée, maudite, accablée sans me rendre compte que ma colère n’était que l’écho de la tienne. Une rage partagée. C’était notre façon de nous connaître. »
Qui est-elle vraiment cette femme, cette mère qui a abandonné son prénom Anne-Marie et que l’époux rebaptise Nathalie. Elle se pare de mystère, mêlant le vrai au faux lorsqu’il s’agit de parler de son passé. Elle ressemble à l’actrice Anouk Aimée, mais elle n’est ni Anouk, ni Nathalie.
« Être celle qu’il voulait, c’était excitant »
Et puis il y a le père : un homme qui mord la vie à pleines dents, un séducteur que ses enfants perçoivent comme « un mâle alpha à l’humour grivois. ». Il tente d’oublier un temps la dépression de son épouse dans les bras d’une autre femme.
Virginie revient dans le passé de son histoire familiale, pour tenter de comprendre d‘où vient cette carence d’amour maternel. Cette mère qui lui semblait toujours lointaine, souvent inaccessible lorsqu’elle se murait derrière ses migraines.
Quand le père « préfère la vie aux tragédies, elle s’absente de sa vie, se retire très loin, refusant « ce rôle de mère qu’elle a désiré mais dont elle ne sait quoi faire. »
Cette histoire familiale, c’est un vrai embrouillamini dont la narratrice tente de tirer les fils, un à un, pour démêler le vrai du faux. Chemin faisant dans ses souvenirs, elle pose la question de la place de la femme au sein du foyer, dans son rôle de mère. Quelle est l’origine de ces dysfonctionnements ? Comment s’absente-on de soi-même ? Comment créé-t-on la culpabilité chez sa fille ?
Désemparée par la mort de sa mère, Virginie va voir son psy en urgence. Lui seul pourra l’écouter, l’apaiser. C’est lui qui a le dernier mot dans le roman, mais chacun d’entre nous peut l’avoir, ce mot qu’on dit être le dernier.
Sans tomber dans la sensiblerie à outrance, la romancière Virginie Mouzat creuse l’intime pour faire revivre avec émotion cette femme qui n’a pas su, ou si peu, être mère. Ce roman autobiographique est puissant, d’une sincérité sans concessions.
On connait l’œuvre architecturale de Charlotte Perriand (1903-1999) mais moins sa vie personnelle. Virginie Mouzat, qui a eu accès à ses carnets, prend le parti de la raconter en imaginant son journal intime.
Par périodes très ciblées (ses débuts, son séjour au Japon, la naissance de sa fille, son retour en France après la guerre, la fin de sa vie...), nous allons suivre les pensées imaginaires de Charlotte Perriand.
C'est passionnant.
Il y a ses relations professionnelles avec Le Corbusier (ce n'est pas un chic type), ses amis comme Fernand Leger, sa relation si intense avec sa fille Pernette, ses réflexions en découvrant le Japon ou bien les difficultés à être femme dans ce monde d'hommes à cette époque là.
Le style est parfaitement adapté à un journal et rend attachante cette femme si forte et précurseur tout en étant fragile.
On reste un peu sur sa faim et ce journal aurait pu sans difficulté être beaucoup plus long ; cela se lit d'une traite.
Une occasion de découvrir Charlotte Perriand que je recommande.
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