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Trois gouttes de sang est une lecture qui emporte vers les charmes de l’orient. Poésie, fantaisie, ironie composent des récits enchanteurs qui n’en illustrent pas moins la dure réalité des vies.
Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/07/08/trois-gouttes-de-sang-sadegh-hedayat/
La nouvelle ; exercice d’écriture difficile qui, lorsqu‘il est maîtrisé, s’avère délicieusement fascinant. En cette période estivale où les vacances appellent les trajets en bus, en avion, en train ou en bateau, quoi de mieux qu’un BON recueil de nouvelles à feuilleter au gré des escales pour cueillir quelques histoires malgré les interruptions.
Chaque récit plonge le lecteur en Iran et exhale une palette persane où jardins, musique et chaleur envoûtent le lecteur. Tout comme la momie embaumée d’une des nouvelles a la mémoire cristallisée dans les vapeurs d’un amour vieux de milliers d’années, la lecture s’accompagne de ces parfums d’un temps jadis.
La présence de djinns, d’épouses justicières meurtrières, de femmes tentatrices et d’opium enivrant confèrent à l’œuvre des accents Mille Et Une Nuit-esque mais, si l’on est tenté de rebaptiser prosaïquement ces dix nouvelles, « version condensée des milles et une nuits », chaque récit révèle un Iran d’avant-guerre en proie à l’islamisation où la vie terrestre s’apparente à un Enfer.
Malédictions, errances, amertume, vengeance ou jalousie : chaque parenthèse de vie à laquelle nous assistons est hantée par ces troubles.
La femme-épouse se doit d’être fertile et l’homme applique sans vergogne polygamie ou répudiation.
La religion influe sur la vie, le poids des dogmes et des croyances se sent à travers les pages et même la couleur verte du prophète tapisse certaines descriptions.
La nouvelle du chien errant qui crève sous le regard des charognards m’a particulièrement bouleversée. Animal considéré comme impur, « maudit par les Écritures » son vivant souligne l’atrocité sans fin du monde des Hommes et sa mort le délivre de cette cruauté.
Avec ce regard impitoyablement sombre, Sadeq Hedâyat anthropomorphise l’animal et, en choisissant une race écossaise, en plus de décrier l’âme humaine, il décrit une société aux mentalités ambivalentes.
Personnellement liée au Liban par alliance et à l’Egypte par le sang, j’ai reconnu dans ces écrits la schizophrénie d’une société dont les élites parties étudier en Occident luttent contre un dilemme intérieur.
La nostalgie d’un empire passé (l’empire perse dans le cas de l’Iran) lutte contre et cohabite avec une société archaïque mue par les superstitions et la désuétude des mœurs.
Lecteurs, apprêtez-vous à pénétrer des Mille et Une Nuits où les épiciers, les animaux, les aliénés et autres indésirables remplacent Califes, Sultans et Princesses.
« C’est qu’aujourd’hui, l’homme, par orgueil, a perdu sa foi dans la nature ; fort de ses découvertes et de ses inventions, il se croit omniscient et prétend connaître tous les secrets de l’univers. Alors qu’il est plus que jamais incapable de pénétrer l’essence de quoi que ce soit. Idolatrant ses propres connaissances, il en fait la mesure de toutes les choses et voudrait que les phénomènes naturels obéissent à ses formules. Autrefois, l’homme était plus simple, plus humble, il croyait d’avantage aux miracles : aussi les miracles avaient-ils plus de chance de se produire. Je veux dire simplement qu’étant plus proche de la nature et de ses lois, l’homme était d’avantage en mesure d’en utiliser les forces occultes. Ne croyez pas que je sois hostile aux sciences exactes. Je suis convaincu au contraire que tout évènement, si étrange soit-il, n’est jamais qu’un fait naturel, matériel, commandé par des lois que la Science n’a pas forcément découvertes. Il est même impensable qu’il en soit autrement. »
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