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Le récit de Marie Sizun commence par ses premiers souvenirs d'un appartement, modeste certes mais où elle a été heureuse auprès d'une mère affectueuse et fantasque et qui ne se fâche jamais.
Depuis la fenêtre de la cuisine, on distingue la fuite des toits de zinc. « C'est là qu'elle envoie à la volée nos fleurs fanées plutôt que de les mettre vilainement à la poubelle »
Il y a beaucoup de nostalgie dans ce récit. L'amour maternel est très présent, mais derrière se faufilent l'absence et l'abandon.
« A cette époque, le bonheur semé par ma mère est partout. Il est de chaque instant. »
Dans les années 1940, la famille a été dispersée par la guerre et c'est à cause d'elle que le père est parti. Mais la vie à deux est douce, la mère compense l'absence par une présence de tous les instants.
Le retour du père ne dure pas. le mot « divorce » est prononcé. C'est une nouvelle vie, singulière et pauvre, qui s'ouvre pour cette famille sans mari, sans père mais avec deux enfants, bientôt trois.
Pendant ces années difficiles ou la narratrice prend conscience de son déclassement social, la vie est rude mais on profite des moments de bonheur et de liberté. Dans ce minuscule appartement, on s'organise, l'important est ailleurs.
L'auteure aime le cinéma, la littérature, elle a peu d'amies mais va se forger une personnalité sans jamais baisser les bras face à l'adversité.
Ce récit est lumineux et tendre, jamais larmoyant malgré les difficultés de la vie, la maladie et l'abandon du père. Un récit familial et de résilience qui nous ouvre les portes intimes de l’œuvre littéraire de Marie Sizun.
J'ai bien aimé la lecture de ce récit biographique, tout en nuances et raconté par une véritable conteuse.
Pour moi, Marie Sizun est irrésistible.
Quand je mets le nez dans un de ses bouquins, je perds tous mes moyens.
Entrée définitivement en littérature à l’âge de la retraite, Marie Sizun a mis beaucoup de son enfance dans ses romans, évoquant son père dans « Le père de la petite » ou le quartier de ses jeunes années dans « Eclats d’enfance ». Jamais encore elle n’était parvenue à évoquer l’appartement et l’intimité familiale d’autrefois : « cet endroit d’amour, de solitude et d’effroi » que, tant d’années après, elle revisite enfin dans un récit cette fois à la première personne, tout en tendresse et émotion.
C’est un minuscule appartement au papier gris – une pièce, une cuisine et pas de salle de bains – au deuxième étage d’un immeuble de briques rouges, dans le XXe arrondissement de Paris. En ces années 1940, son père prisonnier en Allemagne, la très jeune Marie y vit seule avec « maman », en une fusion faite de rires et de fantaisie qui relègue le monde au-delà de la fenêtre. Lorsque, à ses quatre ans et demi, cet inconnu autoritaire qu’est son père revient, l’enfant vit un « séisme », une « éclipse » dont elle se réjouira qu’elle ne dure que deux ans avant que la vie d’avant ne reprenne son cours, cette fois avec en plus un petit frère et l’ombre nouvelle de la mélancolie maternelle. Après le divorce de ses parents, Marie prend de plus en plus d’ascendant à la maison, multipliant les initiatives – plus ou moins heureuses – avec le petit frère et bientôt la petite sœur née de choux inconnus, pendant que, ancienne dessinatrice de mode, leur mère s’efforce de joindre les deux bouts comme vendeuse dans un grand magasin. La relation mère-fille finira même par s’inverser, la mère épuisée cachant sous son exubérance une si grande fragilité qu’elle la mènera un temps jusqu’à Sainte-Anne.
Avec une infinie douceur éloignant toute trace d’amertume ou de misérabilisme, l’élégante et pudique plume de Maria Sizun ausculte l’éveil de l’enfant qu’elle a été, racontant « l’histoire d’un devenir », le cheminement d’une jeune âme qui, face aux difficultés des siens, se découvre l’envie farouche de lutter contre le déclassement social, cruellement ressenti dans sa confrontation à l’extérieur du cocon familial, en particulier à l’école. De ces premières expériences, de l’intime vers l’ouverture au monde, la personnalité de Maria Sizun sortira à jamais transformée. Elles seront le tremplin vers une autre vie, vers une œuvre littéraire aussi, avec pour socle la mémoire d’un îlot de fantaisie, d’une bulle de bonheur engendrée en marge des contingences sociales par l’exubérance libre et joyeuse de sa mère.
Entre lucidité et tendresse, Marie Sizun nous offre un récit enchanté, vibrant d’amour autant filial que maternel, tout entier investi dans ces murs qui, eux non plus, n’ont presque pas bougé avec le temps, au 10 villa Gagliardini. Un amour irréductible, indifférent aux contingences sociales, qui a donné à l’auteur la force de devenir la femme et l’écrivain qu’elle est aujourd’hui, et qui touche le lecteur droit au coeur.
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