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Le souvenir tenace d'une histoire familiale jadis éclatante, une certaine gêne financière pour ne pas dire pauvreté, et finalement une volonté farouche de lutter contre le déclassement.
On a tous un lieu d'enfance, lieu des premières années. Maison ou appartement, cet endroit littéralement lié aux souvenirs, bruits, lumières du tout début, enferme pour toujours le mystère de la petite enfance. C'est au 10, villa Gagliardini que Marie Sizun a décidé de retourner. Mais c'est d'un voyage tout intérieur dont il s'agit. Nous poussons la porte avec elle et nous découvrons, dans l'agencement du petit appartement une histoire romanesque. C'est là que l'auteur grandira, vivra le retour de captivité de son père après la guerre, l'arrivée d'un frère puis le délitement du couple qui, une fois le père en allé, lui rendra sa mère pour elle toute seule, en une espèce de compagnonnage où les rôles bientôt s'inverseront. Mais plus que le récit d'une enfance, c'est surtout l'histoire d'un combat pour trouver sa place. L'appartement est un refuge, une île merveilleuse où, malgré les difficultés financières, la petite vit dans un monde de fantaisie et de joie entretenu par sa mère dont l'originalité les protège des difficultés et des conventions sociales. Tout est bonheur : faire des dessins sur les murs, découvrir la lecture, écouter sa mère chanter. Chaque objet, chaque meuble raconte une histoire, s'anime. Et bien vite, l'enfant est attirée par le dehors. La vue de la fenêtre laisse entrevoir la beauté du monde : les toits de Paris luisant sous la pluie, les ciels changeants, tout est prétexte au ravissement. Puis la porte s'entrouvre sur le monde inconnu, l'école, les amies, la découverte du cinéma et ce quartier du vingtième arrondissement entre la rue Haxo et la place du Télégraphe. Les jalons sont posés, qui deviendront l'oeuvre à venir. Le souvenir tenace d'une histoire familiale jadis éclatante, une certaine gêne financière pour ne pas dire pauvreté, et finalement une volonté farouche de lutter contre le déclassement. Une histoire de transfuge en somme.
Le récit de Marie Sizun commence par ses premiers souvenirs d'un appartement, modeste certes mais où elle a été heureuse auprès d'une mère affectueuse et fantasque et qui ne se fâche jamais.
Depuis la fenêtre de la cuisine, on distingue la fuite des toits de zinc. « C'est là qu'elle envoie à la volée nos fleurs fanées plutôt que de les mettre vilainement à la poubelle »
Il y a beaucoup de nostalgie dans ce récit. L'amour maternel est très présent, mais derrière se faufilent l'absence et l'abandon.
« A cette époque, le bonheur semé par ma mère est partout. Il est de chaque instant. »
Dans les années 1940, la famille a été dispersée par la guerre et c'est à cause d'elle que le père est parti. Mais la vie à deux est douce, la mère compense l'absence par une présence de tous les instants.
Le retour du père ne dure pas. le mot « divorce » est prononcé. C'est une nouvelle vie, singulière et pauvre, qui s'ouvre pour cette famille sans mari, sans père mais avec deux enfants, bientôt trois.
Pendant ces années difficiles ou la narratrice prend conscience de son déclassement social, la vie est rude mais on profite des moments de bonheur et de liberté. Dans ce minuscule appartement, on s'organise, l'important est ailleurs.
L'auteure aime le cinéma, la littérature, elle a peu d'amies mais va se forger une personnalité sans jamais baisser les bras face à l'adversité.
Ce récit est lumineux et tendre, jamais larmoyant malgré les difficultés de la vie, la maladie et l'abandon du père. Un récit familial et de résilience qui nous ouvre les portes intimes de l’œuvre littéraire de Marie Sizun.
J'ai bien aimé la lecture de ce récit biographique, tout en nuances et raconté par une véritable conteuse.
Entrée définitivement en littérature à l’âge de la retraite, Marie Sizun a mis beaucoup de son enfance dans ses romans, évoquant son père dans « Le père de la petite » ou le quartier de ses jeunes années dans « Eclats d’enfance ». Jamais encore elle n’était parvenue à évoquer l’appartement et l’intimité familiale d’autrefois : « cet endroit d’amour, de solitude et d’effroi » que, tant d’années après, elle revisite enfin dans un récit cette fois à la première personne, tout en tendresse et émotion.
C’est un minuscule appartement au papier gris – une pièce, une cuisine et pas de salle de bains – au deuxième étage d’un immeuble de briques rouges, dans le XXe arrondissement de Paris. En ces années 1940, son père prisonnier en Allemagne, la très jeune Marie y vit seule avec « maman », en une fusion faite de rires et de fantaisie qui relègue le monde au-delà de la fenêtre. Lorsque, à ses quatre ans et demi, cet inconnu autoritaire qu’est son père revient, l’enfant vit un « séisme », une « éclipse » dont elle se réjouira qu’elle ne dure que deux ans avant que la vie d’avant ne reprenne son cours, cette fois avec en plus un petit frère et l’ombre nouvelle de la mélancolie maternelle. Après le divorce de ses parents, Marie prend de plus en plus d’ascendant à la maison, multipliant les initiatives – plus ou moins heureuses – avec le petit frère et bientôt la petite sœur née de choux inconnus, pendant que, ancienne dessinatrice de mode, leur mère s’efforce de joindre les deux bouts comme vendeuse dans un grand magasin. La relation mère-fille finira même par s’inverser, la mère épuisée cachant sous son exubérance une si grande fragilité qu’elle la mènera un temps jusqu’à Sainte-Anne.
Avec une infinie douceur éloignant toute trace d’amertume ou de misérabilisme, l’élégante et pudique plume de Maria Sizun ausculte l’éveil de l’enfant qu’elle a été, racontant « l’histoire d’un devenir », le cheminement d’une jeune âme qui, face aux difficultés des siens, se découvre l’envie farouche de lutter contre le déclassement social, cruellement ressenti dans sa confrontation à l’extérieur du cocon familial, en particulier à l’école. De ces premières expériences, de l’intime vers l’ouverture au monde, la personnalité de Maria Sizun sortira à jamais transformée. Elles seront le tremplin vers une autre vie, vers une œuvre littéraire aussi, avec pour socle la mémoire d’un îlot de fantaisie, d’une bulle de bonheur engendrée en marge des contingences sociales par l’exubérance libre et joyeuse de sa mère.
Entre lucidité et tendresse, Marie Sizun nous offre un récit enchanté, vibrant d’amour autant filial que maternel, tout entier investi dans ces murs qui, eux non plus, n’ont presque pas bougé avec le temps, au 10 villa Gagliardini. Un amour irréductible, indifférent aux contingences sociales, qui a donné à l’auteur la force de devenir la femme et l’écrivain qu’elle est aujourd’hui, et qui touche le lecteur droit au coeur.
Cette adresse, c'est celle où vécut l'auteure jusqu'à la fin du lycée.
Un studio, une petite cuisine, un débarras et des WC.
Elle y vécut seule avec sa mère jusqu'à quatre ans.
Puis son père revint de la guerre et il y eut le petit frère.
A quatre, c'était vraiment petit.
Puis le père quitta le foyer, mais il y eut un autre enfant.
C'était la période d'après guerre.
Peu d'argent, une vie pas facile.
Mais quelles années heureuses dans ce petit appartement.
Marie Sizun évoque souvent son enfance.
Mais à chaque fois d'une manière différente et ce n'est jamais lassant.
Quelle précision des souvenirs, quelle émotion, pour elle à les évoquer, pour nous à les lire.
Ce studio est encore tellement présent en elle, et elle en parle tellement bien qu'on a l'impression de le voir vraiment, et de vivre ces années bonheur avec elle.
J'ai lu tous les livres de Marie Sizun, et à chaque fois j'ai été emportée par son authenticité, par sa poésie, par sa douceur, par son écriture qui n'en rajoute pas mais dit l'essentiel.
Bravo vraiment et merci de nous faire partager ces moments de vie.
«Un petit chez-soi vaut mieux qu'un grand chez les autres»
Dans un roman qui fleure bon la nostalgie de l'enfance, Marie Sizun raconte ses jeunes années dans un appartement du XXe arrondissement. C'est là, dans le Paris de l'après-guerre, qu'elle a connu bonheurs et drames familiaux, c'est là qu'elle a grandi, c'est là qu'elle a construit son avenir.
Marie Sizun n'en a pas fini avec l'enfance. Après Éclat d'enfance, (paru en 2013 et disponible en poche), dans lequel l'autrice racontait ses jeunes années dans le XXe arrondissement de Paris, de la porte des Lilas à la place des Fêtes, voilà qu'elle entre dans «l’immeuble de briques rouges» qu'elle avait laissé jusque-là de côté. Le 10, villa Gagliardini où elle a grandi et où elle a vécu plusieurs drames familiaux. Ses premiers souvenirs remontent en 1942. Elle a deux ans et essaie d'apprivoiser cet espace qui lui paraît immense alors qu'il n'a que la taille d'un studio. Durant les mois qui suivront elle vivra avec bonheur dans ce cocon aux côtés d'une mère attentive et aimante.
Mais tout va changer avec le retour de son père, prisonnier en Allemagne jusqu'à la fin des hostilités. Cet homme va pour le coup prendre tout l'espace, vouloir remettre de l'ordre dans son foyer et montrer qu’il est le seul maître à bord. La peur et la violence s'installent. La tension devient permanente et va croître encore avec l'arrivée d'un petit frère qui va devenir le nouveau centre d'attraction de ses parents.
En fait, il faudra attendre des vacances en Bretagne, qui ne sont qu'un stratagème imaginé par son père pour divorcer et prendre le large, pour retrouver un peu de sérénité. Mais payée au prix d'une forte précarité.
Ce qui n'empêchera toutefois pas la narratrice de réussir un joli parcours scolaire après une école primaire plutôt mouvementée et d'entrevoir ce que pourrait être sa vie loin de la villa Gagliardini.
En refermant ce roman d'apprentissage, on pense à cette citation d'Alphonse de Lamartine: «Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer?» et l'on revoit à notre tour l'appartement ou la maison de notre enfance, son mobilier, ses objets qui nous ont accompagnés et que l'on dévalorise trop souvent en affirmant qu'ils n'ont qu'une valeur sentimentale. Or, c'est justement cette valeur qui est ici célébrée. Quelques dessins sur un mur, un berceau qui vient manger un espace déjà restreint ou encore une simple poussette deviennent alors les symboles d'une vie que la force du souvenir transcende.
Lire Marie Sizun nous permet de retrouver le Paris populaire des années d'après-guerre, mais au-delà de ce lieu et de cette période, c'est aussi l'occasion – au détour d'une phrase, d'une émotion ressentie – de replonger avec nostalgie dans nos propres souvenirs. C'est alors entre les lignes de cette belle écriture classique et limpide que chacun écrit sa propre histoire. Cette force d’évocation, que l’on pouvait déjà trouver dans La maison de Bretagne, donne à ce roman plein de tendresse et de nostalgie un parfum d’enfance et d’espérance. Car alors tout est encore possible.
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De cette autrice, Marie Sizun, j’avais déjà lu « Les petits personnages » publié également aux Editions Arléa qui m’avait beaucoup plu par son originalité. A partir de tableaux de peintres célèbres, elle inventait une existence et une histoire aux personnages de ces œuvres, « ces oubliés de la peinture, ces marginaux, ces créatures à peine ébauchées » écrit-elle.
Dans « 10, villa Gagliardini », Marie nous touche d’une autre manière. Par ce court roman, elle nous dévoile un pan beaucoup plus personnel de sa vie. Elle nous plonge à l’époque de la seconde guerre mondiale, période de sa petite enfance puisque née en 1940, dans une atmosphère on le comprendra un peu spéciale.
On la retrouve, donc, seule avec sa maman dans ce minuscule appartement du XXème arrondissement de Paris. Il se compose d’une pièce de vie qui fait également office de chambre séparée de la cuisine par un corridor. Pas de quoi faire rêver avec sa tapisserie grise, mais de ses premières années elle en conserve un sentiment de tendresse infinie, comme d’un nid ouaté où il fait bon vivre. Un refuge face à cette triste actualité que déverse la radio et l’horizon exigu fait de toits et de cours devant les immeubles. Laissons-lui la parole : « J’ai deux ans et je suis dans l’appartement. Ce qu’il y avait avant je ne m’en souviens pas. Ma vie commence au petit appartement. C’est mon écorce, ma coquille, mon nid. Je ne sais rien de lui, mais sa lumière, ses couleurs, son odeur sont à moi autant que la présence de ma mère…. C’est un être vivant, fraternel, jumeau. IL est moi comme je suis lui, comme on peut s’aimer ou se haïr sans jamais cesser d’être soi ».
De cet espace réduit, on comprendra bien vite que les liens avec sa maman sont fusionnels, d’autant plus que cette dernière ne travaille pas et s’avère très permissive avec sa petite. Elle dessine sur les murs, sur les portes.
Mais cet univers bascule avec l’arrivée du père, de retour à la fin des hostilités. D’éducation catholique stricte, il n’accepte pas ce laissez aller et Marie ressent une aversion pour ce perturbateur. La maman, elle, heureuse du retour de son mari, le laisse prendre la main et diriger le foyer. La naissance d’un petit frère, la nécessité de quitter son antre douillet pour commencer ses études, tout commence à se compliquer.
On parcourt ce roman avec beaucoup d’émotions, on ressent cet amour et cette complicité qui la lient à sa maman, la nostalgie pour cette période de sa vie malgré un environnement hostile et des conditions de vie précaire du fait de la pauvreté du foyer.
Une plume vraiment agréable et fluide, comme quoi on peut devenir quelqu’un de bien tout en ayant un début de scolarité tumultueuse.
Merci aux Editions Arléa et à Marie Sizun pour ce bain de tendresse.
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