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Ces correspondances sont les échanges épistolaires aussi bien de l'un que de l'autre, ce qui nous permet de les entendre en résonance.
La belle Maria Casares est une femme magnifique, absolue, qui parle peu de ses chagrins à cet homme qui vit plusieurs vies à la fois : décès de ses parents, parfois l'absence de propositions de travail, des fois la surcharge de travail, des réalisateurs qui ne veulent que la coucher, son manque d'une vie plus complète en termes de temps avec Camus, son obstination à répondre aux injonctions de ce dernier....
Camus se livre parfois, botte en touche à d'autres, parle essentiellement de lui. Mais tous les deux se répondent dans un attachement inscrit dans le temps. On sent l'essoufflement amoureux de Camus et Casares qui lutte.
Jusqu'à cette fin brutale où il lui promet de venir mais il meurt dans un accident de voiture. Cela s'arrête d'un coup, comme si un second volume allait paraître.
Albert Camus et Maria Casarès se sont rencontrés en 1944 et une histoire d'amour a commencé, vite interrompue par le retour d'Algérie de Francine Camus, épouse de l'écrivain. Le hasard les remet en présence en juin 1948 et à partir de ce moment, jusqu'à la mort de l'écrivain en 1960, tout en étant souvent séparés, ils ne se quitteront plus. Les 865 lettres, télégrammes, cartes postales, qui sont réunis dans cet ouvrage témoignent d'un amour absolu et d'une complicité jamais démentie malgré les chagrins, les déceptions et l'éloignement. Les sentiments évoluent, certes, et c'est assez poignant de lire au travers des échanges le mouvement amoureux : du besoin de fusion passionnée des premières années à l'amour lucide et la tendresse attentive des dernières lettres.
Au moment d'en faire un commentaire, je me sens assez démunie car comment aborder un recueil d'écrits qui n'étaient à l'origine pas destinés à être publiés ? Il me semble donc inopportun de parler de l'écriture et du style des deux épistoliers. Il s'agit d'une intimité qui est dévoilée aux yeux du lecteur et, pour ma part, je me suis souvent sentie indiscrète face à ces échanges.
Ces deux "monstres sacrés", et que l'on me pardonne cette image rabâchée, descendent de leur piédestal pour se fondre dans la foule des êtres qui vivent une passion contrariée. Camus se montre un amoureux exigeant, parfois égoïste, dépressif et déchiré entre le devoir de rester près de son épouse malade et l'amour qu'il voue à Maria. Cette dernière paraît sacrifier beaucoup à l'homme qu'elle aime : elle accepte le partage, renonce à la vie commune, se contente de journées volées au travail, le sien et celui de son amant. Je n'ai pu m'empêcher de rêver à ce qui serait advenu si Albert avait quitté Francine pour Maria...
Pour moi, le réel intérêt de cette correspondance se situe plutôt, d'une part, dans le tableau de la vie culturelle de l'époque que les lettres décrivent et, d'autre part, dans les évocations du métier d'écrivain et de celui de comédienne. Les doutes de Camus quant à son oeuvre, ses difficultés ponctuelles d'écriture, l'appropriation des personnages par Casarès, jalonnent ces quinze années et prennent progressivement, dans les lettres, le pas sur les déclarations d'amour et de manque. Les portraits de comédiens et comédiennes, directeurs de théâtre, metteurs en scène... de l'époque parsèment cette correspondance. Peu bienveillants avec leurs collègues écrivains ou acteurs-trices, (surtout avec les plus brillants d'entre eux comme Vilar, Barrault, Planchon, Cuny...), les deux épistoliers ont souvent la dent dure et la raillerie facile ! C'est là aussi une facette de leur personnalité que l'on découvre et je ne peux pas dire que ce soit la plus reluisante ! Mais il paraît que le milieu du théâtre est féroce...
Le prosaïsme de la vie quotidienne, les lectures communes, les emplois du temps détaillés, les sorties, les promenades, les moments de vacances... tout ce qui fait une vie, en définitive, est fidèlement et précisément retranscrit comme pour vivre ensemble malgré tout, même à contretemps. C'est véritablement une vie de couple, un partage de tous les instants dans la plus grande sincérité qui se dessine en filigrane de ces lettres. Mais était-il indispensable de toutes les publier ? Elles n'ont pas toutes le même intérêt et certaines n'en recèlent à vrai dire pas beaucoup, concentrées qu'elles sont sur la difficulté de vivre séparés et sur les effets de cette séparation.
Le système de notes de bas de page permet de situer chaque personne citée dans le corps des missives. Ce travail est précis et détaillé sans être pesant. Lorsque cela s'avère nécessaire, chaque lettre est brièvement contextualisée. J'aurais aimé souvent en savoir plus mais le paratexte aurait alors été trop lourd.
A l'issue de cette lecture in-extenso de la Correspondance Camus-Casarès, je reste perplexe et je m'interroge : je suis déçue mais pour quelle raison ? A quoi m'attendais-je que je n'ai pas trouvé ? Est-ce les fragilités, voire les faiblesses, que fait apparaître Camus qui m'ont décontenancée en faisant vaciller un personnage que j'avais érigé au rang de mythe ? Est-ce cette écriture répétitive, souvent peu flamboyante pour écrire le sentiment amoureux qui m'a frustrée ? Peut-être que j'imaginais des héros et que j'ai trouvé un homme et une femme ? Simplement. Superbement.
1260 pages d’échanges amoureux entre Albert Camus et Maria Casarès. 1260 pages de passion, de transports, d’amour contrarié mais aussi de douceur et parfois d’apaisement.
Ces lettres nous racontent évidemment une histoire d’amour, mais ce qui est encore plus plaisant dans ce livre, c’est qu’au-delà de la relation se dessine un portrait de l’époque en termes de littérature et de théâtre qui pour moi est fascinant.
On y croise Hébertot, Gérard Philipe, Jean-Louis Barrault, Odette Joyeux, les Gallimard, Michel Bouquet, Sartre, Gide... et autant d’anecdotes passionnantes autour de ce monde culturel des années 1950.
Maria et Albert se rencontrent en 1944, vivent leur passion avant de se séparer au retour de la femme d’Albert Camus.
Ils se retrouveront en 1948 et laisseront alors libre cours à leur amour, toutefois contrarié par les absences d’Albert qui doit soigner une tuberculose, par leurs engagements et leurs déplacements respectifs et par le fait que malgré son amour pour Maria, l’écrivain reste marié à Francine avec laquelle il a deux enfants.
Ils entretiendront cette liaison jusqu’à la mort accidentelle d’Albert Camus.
Ces échanges épistolaires nous racontent ce qu’ils furent l’un pour l’autre : des amoureux, des confidents, des soutiens, des alter-ego.
Évidemment les lettres sont merveilleusement écrites, plus sérieuses du côté d’Albert, Maria laissant plus facilement la place à des petites pointes d’humour et exprimant beaucoup plus ouvertement sa passion physique. Surtout elles donnent chair et vie à deux artistes qui nous deviennent ainsi plus proches et dont on partage un peu d’intimité.
Le petit plus « anecdote » pour moi est que Maria Casarès fait plusieurs séjours à Camaret-Sur-Mer et que je suis justement en vacances dans la région pendant la lecture de ce livre
Coup de cœur.
Cet échange nous prouve que dans une correspondance, ce n'est pas toujours l'écrivain qui écrit le mieux mais nous y reviendrons. Malgré tout, quelques phrases de Camus m'ont marquée:
On dit quelquefois qu'on choisit tel ou tel être. Toi, je ne t'ai pas choisie. Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n'étais pas fier, et de ce jour-là, quelque chose a commencé de changer, malgré moi, malgré toi aussi qui était alors lointaine...
Je sais cela maintenant et le besoin que j'ai de toi n'est rien d'autre que le besoin que j'ai de moi. C'est le besoin d'être et de ne pas mourir sans avoir été.
(1956) Ne t'excuse pas d'avoir parlé d'amitié. Je suis aussi ton ami et à un certain degré de chaleur mutuelle, les cœurs fondent ensemble dans quelque chose qui n'a plus de nom, où les limites disparaissent...
Il y a bien longtemps que je ne lutte plus contre toi et que je sais que, quoi qu'il arrive, nous vivrons et mourrons ensemble.
Comme je l'ai noté, la fin de la correspondance est plus sereine, Camus a d'autres relations et on le sent même si ce n'est jamais clairement dit, mais l'intensité des sentiments de Camus envers Casares perce toujours, à travers une certaine gravité:
Tu es ma douce, ma tendresse, ma savoureuse aussi, et mon unique. Nous plaisantons souvent sur nos flirts et nos sorties. Mais un temps vient, de loin en loin, où il faut cesser de plaisanter peut-être. Auprès de toi, le monde entier n'est pour moi qu'une ombre décolorée. Exception faite pour mes enfants, il pourrait s'évanouir sans que rien ne change. Toi seule est fixe, toi seule m'emplit.
L'intérêt de cette correspondance dépasse évidemment la relation amoureuse. Camus y évoque les pièces qu'il monte, les essais qu'il écrit, le roman qu'il ne finira jamais, ses doutes quand à l'écriture et la réception de son oeuvre, la dépression qui suit la fin du processus d'écriture :
"Les Justes" ne sont pas un succès (mes œuvres d'ailleurs ne sont jamais des succès. C'est mon oeuvre qui en est un, provisoirement, et Dieu sait pourquoi).
J'ai aussi appris qu'il arrivait à Camus d'endosser un rôle pour quelques représentations.
Camus a beau être pour moi le symbole de la tolérance, il peut tomber dans les clichés, ce qui est drôle:
... j'ai cueilli un anglais sur la route de Grasse. Il allait de Rome à Londres, en auto-stop. Mais il n'était pas très causant et même plutôt pesant et emmerdeur comme beaucoup des fils de Shakespeare.
On apprend aussi que Camus aimait les corridas dont il se sortait vidé comme s'il avait "fait six fois l'amour", et qu'il aimait le foot puisque Casares s'excuse de lui faire rater un France- Suisse. On découvre en Camus un père aimant mais parfois agacé, déçu que ses enfants ne lui aient pas souhaité la fête des pères (en 1956).
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