"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les étoiles de Sidi Moumen par Mahi Binebine, lu par Sophia Hadi, Le Fennec, 2023 (1ère édition : Flammarion, 2010)
La 4ème de couverture annonçait « un roman tragique et lumineux, plein de mauvaises farces et de drames muets, d'errances et de poussière, de fraternités et de trahisons ». Une phrase qui résume admirablement ce livre.
Yachine est mort jeune, en martyr, endoctriné par ceux qui lui ont promis le paradis. Depuis sa tombe, il raconte son parcours, son enfance dans un bidonville, en lisière de Casablanca, avec ses dix frères, une mère qui se bat contre la misère et son père, un ancien ouvrier taiseux.
Un personnage attachant, naïf et lucide à la fois. En effet, il n’avait pas grand-chose à perdre, mais, sa part du contrat achevé, il trouve que les 72 vierges promises tardent à venir et réalise que le paradis céleste promis par les djihadistes n’est pas un lieu de plaisirs infinis mais une arnaque pathétique !
De l’humour, de l’auto-dérision, de l’émotion aussi, mais sans pathos excessif.
Une écriture à la première personne à la fois personnelle, intime et auréolée d’une douloureuse étrangeté. Comment ne pas être touché par Yachine et son parcours, être partagé par ses ambivalences ?
Ce roman est aussi l’histoire d’un lieu : Sidi Moumen est « un enfer terrestre qui a l’odeur des décharges publiques devenues terrains de foot, du haschich et de la colle qui se sniffe, des plongeons interdits dans la rivière tarie, des garages à mobylettes déglinguées ». C’est l’endroit de la débrouille, des magouilles, des pièges et des manipulations… Là vivent des familles nombreuses, des mères courages, des ouvriers fatigués, de futurs délinquants, des invisibles et des oubliés, des martyrs en devenir.
Une version audio envoutante et immersive. Bravo à la narratrice !
J’ai voulu me faire une idée de l’univers artistique de Mahi Binebine à travers ses tableaux, ses sculptures et ses masques… J’ai été frappée par la dualité, l’enfermement, la souffrance dégagés par ses œuvres.
Un sacrée découverte.
#LesétoilesdeSidiMoumen #NetGalleyFrance #lesglosesdelapiratedespal
On dit souvent que l’humour est la politesse du désespoir et rien ne le vérifie plus que ce conte moderne aux allures des sensuelles 1001 nuits.
Et qu’est-ce que l’humour si ce n’est de faire l’amour aux mots, les caresser, les titiller pour au final faire jouir son public ?
C’est précisément de ce talent dont est doté Mohamed, le personnage principal du roman de Mahi Binebine. Un don qui porte en lui sa part de tragédie et lui offrira autant qu’il le privera.
Repéré pour sa mémoire exceptionnelle et ses talents littéraires, il rejoindra le cercle des intimes du roi s’extrayant de la misère de la médina de Marrakech pour le confort d’une vie de courtisan. Mais cette baraka soudaine le contraindra aussi à observer une servilité de corps et d’esprit.
Au service de sa majesté, il devra naviguer entre conseils éclairés et ridicule assumé pour agréer à un souverain à l’humeur imprevisible et aux colères homériques. Comme tous les autres courtisans il devra caler le pas de sa vie sur ceux de son Sidi, suivant aveuglément, asservi infiniment, inféodé intimement.
Pourtant une vie, Mohamed en a une en dehors des murs protecteurs du Palais, une existence où à son tour il est maitre en sa demeure. Il y règne en époux qui jamais ne faillira à ses devoirs mais en père qui s’effacera jusqu’au reniement quand son fils participera à une tentative d’assassinat du souverain. Ce dernier sera alors exilé au bagne de Tazmamart où il sera oublié de presque tous et surtout d’un père atteint du syndrome de Stockholm qui continuera à aimer ce roi qui lui a pourtant pris son premier né.
C’est ce tiraillement intime, cette déchirure familiale que rapporte avec brio Mahi Binebine. Conte autobiographique ? Roman historique ? Nul ne sait si ce n’est l’auteur mais comme disait Boris Vian « Cette histoire est vraie puisque je l’ai inventée ». Quoi qu’il en soit ce fut pour moi un tel coup de cœur que je l’ai dévoré en une seule soirée. Un superbe roman rédigé dans une langue fluide et subtile offrant une réflexion nourrie sur la condition humaine.
Fou du Roi peut-être mais Roi de l’écriture à n’en pas douter !
Hayat, quatorze ans, vit dans une ruelle pauvre de la médina de Marrakech. Abusée par son père et rejetée par sa mère, moquée par le voisinage en raison de sa blondeur qui suscite des soupçons de bâtardise, l'adolescente trouve refuge auprès de son grand-père et de Mamyta, chikka aussi respectée que vilipendée pour ses talents de danseuse populaire et, surtout, pour sa liberté dans un monde qui corsète étroitement la condition féminine. Auprès de cette femme exubérante, sensuelle et maternelle, Hayat trouvera la force d'échapper à sa triste existence pour devenir à son tour une femme libre.
Depuis les ruelles de la médina jusqu'aux palaces de Marrakech, ce court récit nous immerge dans un monde coloré, débordant de vie et riche en contrastes. C'est surtout une plongée dans l'intimité de la vie de quelques femmes au Maroc, dans une ambiance faite de chaleur et de sensualité, de bavardages et de médisances, de mesquineries et de vraie violence, d'ignorance et de croyances, mais surtout d'amour maternel, d'énergie et de courage pour devenir soi.
La violence la plus crue est évoquée avec pudeur, au fil d'une histoire douloureuse dont on ne retient que la trame lumineuse : la longue métamorphose d'une enfant maltraitée en femme libre et célèbre, dans un parcours plein de trous noirs qui contribueront à forger son tempérament et ses talents d'artiste. Dans ce tourbillon émergent deux personnages particulièrement touchants : le grand-père et Mamyta, qui serviront véritablement de tuteurs à la force d'émancipation d'Hayat.
Ce roman est avant tout un délicat hommage aux chikhates, ces danseuses et chanteuses populaires marocaines, qui dérangent autant qu'elles attirent en raison de leur liberté de ton et de moeurs dans une société largement patriarcale.
Roman poignant raconté par Yacine qui a grandi dans un bidonville en lisière de Casablanca parmi 10 frères et sœurs. Une mère aimante et digne qui ne veut pas que ses enfants soient sales et attrapent des mites passant leurs journées sur une décharge à trier de quoi leur rapporter quelques sous. Un père écrasé par le poids des années passées au travail, muré dans le silence et reclus dans ses prières. Un frère violent qui fait régner sa loi sur la décharge, allant jusqu’ à tuer ceux qu’il estime s’être mal comportés.
Étrange atmosphère que cette décharge à la fois nauséabonde, lieu de tous les interdits, de consommation de haschich et de colle, d’accidents et de malheurs.
Aussi quand on promet à Yacine et ses amis que le paradis est possible et à portée de main il n’hésite pas longtemps.
Effectivement les promesses sont attirantes et les nouveaux amis convaincants. Le paradis est à portée de main, il devient une évidence mais à travers l’écriture on commence à comprendre d’où écrit le narrateur …
Une écriture poétique, un roman émouvant dans lequel, amitiés, trahison, insouciance et douleur se côtoient. Il permet de comprendre le cheminement vers le fanatisme en le vivant de l’intérieur. Il met en lumière la douleur des mères confrontées à la perte de leurs enfants dans des circonstances on ne peut plus abominables a travers l'histoire de ces jeunes qui rêvaient d'être des étaoiles
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