"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
faire réagir, réfléchir, vivre une autre vie que la sienne..
L'atelier que nous donne à voir Luc Dardenne, sous forme de journal, est celui d'un artisan qui pense, qui doute. Les idées sont là, puisées au hasard de rencontres ou de faits divers. Elles l'habitent durant des années, faisant parfois l'objet d'un canevas pour un futur scénario. Elles seront développées, malaxées, interrogées inlassablement. Les personnages principaux prendront corps, vivront en lui, auront des destins variées au fil des mois. Certaines pistes seront abandonnées, reprises plus tard sous une autre forme, re abandonnées. Toujours elles seront nourries de textes de philosophes ( Lévinas, Deleuze, ...), de pièces de théâtre, de films, de textes divers (souvent Proust), une idée apportant son lot de souvenirs, de lectures... Mais le but de tout cela c'est de construire un scénario qui se tienne bien sûr mais qui surtout devra permettre au spectateur d'être à l"écoute, s'interroger, se passionner. Vient se greffer aussi durant cette élaboration pointue, l'angoisse de surtout ne pas se répéter, de ne pas entrer dans un système.
Le plaisir de connaître la cuisine interne d'un grand cinéaste est en plus doublée par un vrai plaisir de lecture. Luc Dardenne a une très belle écriture et il ne se prive pas pour parler en creux, de notre époque, de la vie , de la parentalité, de la femme, de la vie, de la mort, de l'enfance...
On trouve dans ce livre des phrases que l'on prend plaisir à relire, à noter : " La morale c'est de l'amour quand le malheur est arrivé, quand le mal a été commis, quand on ne s'aime plus.", phrase écrite en 2007 et qui résonne étrangement aujourd'hui.
Et celle-ci pour conclure qui donne une idée de l'ampleur de la tâche de ces deux hommes, honneur d'une industrie pas toujours dans la création : "Notre caméra ne cesse d'écrire mais cette écriture ne vise qu'une chose : perdre le spectateur, retrouver la pellicule ultrasensible de son enfance. Si le spectateur est tenu à distance par notre écriture, nous avons échoué."
On n'est jamais tenu à distance dans les films des frères Dardenne. Reste maintenant à convaincre le grand public de voir leurs films... Je suis optimiste, ça viendra !
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